La création du PRS : le premier parti d’opposition contre la dictature.

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Boudiaf6Loin de normaliser la vie politique en Algérie, la prise du pouvoir par la force, en 1962, par le duo Ben Bella-Boumediene, crée immanquablement un malaise au sein de la classe politique. Bien qu’au lendemain de l’indépendance certains acteurs de premier plan, à l’instar de Hocine Ait Ahmed, Krim Belkacem, tentent d’accompagner le processus d’édification des institutions, d’autres, à l’instar de Mohamed Boudiaf, prônent déjà une rupture radicale, en donnant naissance au parti de la révolution socialiste (PRS). Son but est, selon Abdelkader Yefsah, auteur du livre « la question du pouvoir en Algérie », de se substituer au FLN moribond.
Et pourtant, quand le dialogue pouvait, selon Mohamed Boudiaf, déboucher sur une issue salvatrice pour le pays, il n’a pas fermé la porte. Le 2 août 1962, il a accepté de faire partie du bureau politique (BP), dominé par la coalition dirigée par le duo Ben Bella-Boumediene. Pour rappel, cette entrée de Mohamed Boudiaf au BP était le résultat d’un accord entre le groupe de Tizi Ouzou, dont il était membre, et celui de Tlemcen, qui s’est autoproclamé le 22 juillet 1962 le seul représentant du peuple algérien, et ce, sans qu’il ait le moindre mandat pour exercer ce pouvoir.
Hélas, les pratiques antidémocratiques du groupe de Tlemcen incitent Mohamed Boudiaf à jeter l’éponge. Dans sa lettre de démission, le 27 août 1962, il proteste « contre son exclusion de la confection des listes électorales (allusion à l’élection de l’Assemblée nationale constituante), de la désignation de nombreux responsables politiques à des postes importants, comme de certaines décisions ou prises de positions engageants la responsabilité  du BP dans son ensemble. »
Peut-on déduire que l’accord du 2 août 1962 n’a été qu’une manœuvre du groupe de Tlemcen visant à remettre à plus tard son projet hégémonique sur l’Algérie ? Il est évident que le duo Ben Bella-Boumediene n’a reculé que pour mieux rebondir. Un  proverbe anglais ne dit-il pas que lorsque l’on chasse le naturel, il revient vite au galop.
Quoi qu’il en soit, en parachevant leur œuvre de destruction de l’opposition avant même la tenue de l’élection du 20 septembre 1962, le nouveau bureau politique « purifié » élabore la seule liste de candidats à l’Assemblée nationale constituante où il est sûr d’avoir une majorité écrasante. L’enjeu n’était pas l’élection elle-même, mais sa confection. Bien que cette liste soit soumise à l’approbation de la population, le 20 septembre 1962, un groupe de nationalistes, à leur tête Mohamed Boudiaf, fonde le même jour le PRS pour signifier son opposition à la dictature se profilant à l’horizon.
Dans son programme, le PRS dénonce sans fard ni acrimonie la dérive du système. « Il (Mohamed Boudiaf) était le seul avec Ait Ahmed à pressentir le danger militariste et à le dénoncer sans aucune complaisance », écrit Abdelkader Yefsah. A deux reprises, en cette fin de l’année 1962, Mohamed Boudiaf prend l’opinion publique à témoin sur l’enlisement du régime benbelliste dans la dictature. Dans le tract du 14 novembre, il accuse Ben Bella de ne pas être à la hauteur de la mission et, dans celui du 22 novembre, il dénonce la mainmise du  duo Ben Bella-Boumediene sur les institutions.
Au grand dam de l’Algérie, comme le constate Abdelkader Yefsah, le projet du PRS échoue « dans son ambition de se substituer au FLN moribond ». D’ailleurs, l’échec du PRS –comme le seront les futurs mouvements d’opposition –s’explique par la lassitude de la population. Après sept ans de guerre, le peuple est prêt à troquer sa liberté contre une vie paisible. Cette erreur est monumentale dans la mesure où la victoire du duo Ben Bella-Boumediene ne leur épargne pas l’enfer.
En tout cas, profitant de la faiblesse du peuple algérien, exsangue par sept ans de guerre, le régime écrase peu à peu toute la société. La naissance du FFS, une année après celle du PRS, ne retarde les desseins du duo Ben Bella-Boumediene que le temps d’assener le coup d’estocade au parti de Hocine Ait Ahmed. Bien que le FFS ait une base et une audience plus importante, force est de reconnaitre que la population ne suit pas le mouvement, de crainte de subir les affres du régime. Là aussi, le peuple commet une erreur stratégique dans la mesure où même quand il a affiché sa soumission, la répression est devenue tout de même son lot quotidien.
En guise de conclusion, il va de soi que l’échec de l’Algérie est à mettre sur le compte des usurpateurs du pouvoir. Bien que le peuple algérien ait été prêt à accepter n’importe quelle direction et à œuvrer pour l’édification de la nation, le duo Ben Bella-Boumediene a opté pour l’exclusion de tous les Algériens ne rompant pas à ses pieds. A ce titre, quels que soient les défauts de l’opposition, seul le régime est comptable de la crise algérien.
Aït Benali Boubekeur

6 Commentaires

  1. J’ai lu le livre de feu de Mohamed Boudiaf  »où va l’Algérie ?  »mais j’avoue que sa grande stratégie politique m’a échappée .J’ai vu notamment le parcours d’un homme intègre qui a tenté un tas d’actions pour le salut de l’Algérie ,puis de guerre lasse ,il a préféré s’exiler qu’être spectateur d’une Algérie qu’il lui a tourné le dos . Quand à ce qui tient de la dictature la décennie noire a grignoté nos idéaux , la terreur physique ,s’en ai suivi le harcèlement et la terreur psychologique ,le régionalisme , le règne de l’absurde et j’en passe ,basta !

  2. Bonjour à tous,
    Pas totalement d’accord Mr Ait Benali. Le régime n’est pas seul comptable de la crise Algérienne et vous le démontrez si bien quand vous dites que « …Après sept ans de guerre, le peuple est prêt à troquer sa liberté contre une vie paisible. Cette erreur est monumentale dans la mesure où la victoire du duo Ben Bella-Boumediene ne leur épargne pas l’enfer… » puis « …profitant de la faiblesse du peuple algérien, exsangue par sept ans de guerre, le régime écrase peu à peu toute la société… » et vous rajoutez que « …force est de reconnaître que la population ne suit pas le mouvement, de crainte de subir les affres du régime. Là aussi, le peuple commet une erreur stratégique… ».
    Pour moi le peuple est tout autant responsable de ce qui advenu du pays. Bien qu’il ait été berné en 62 après cette « lassitude de 07 années de guerre », il se devait d’infléchir le processus qui s’en est suivi par la suite. Il était évident de la main mise sur le pays par des usurpateurs du pouvoir et le peuple a laissé faire. Bonne journée.

  3. la lassitude de la population nous a menée vers cette situation ou la population n’est pas compté pour ce pouvoir
    Donc conclusion la Population qui cherche a dormir se fera endormir a jamais

  4. @ Rachid Dahmani!
    Tu as le droit, cher compatriote, de ne pas être d’accord.Bien entendu, en troquant sa liberté,le peuple algérien accepte toutes les dérives. Cela dit, le plus condamnable dans cette affaire est sans doute le régime. Quand un adulte agresse un enfant, on dirait pas que l’enfant aurait pu se défendre. On condamne l’adulte de la façon la plus ferme. Pour te dire la vérité, c’est à cette exemple que j’ai pensé en écrivant ma note.
    Bonne soirée à tous

    • Bonjour Cher Mr Ait Benali,
      On ne va pas disserter sur d’accord pas d’accord. En fait j’ai écrit pas totalement d’accord, car vous avez raison dans un sens en ce qui concerne le régime. Pour ma part, et je trouve que vous le démontrez très bien, le peuple a une grosse part de responsabilité dans ce qui arrive au pays. On condamne l’adulte certes par rapport à l’enfant agressé, car l’enfant ne pouvant se défendre, mais ce n’est pas le cas du peuple, il ne peut être comparé à un enfant, d’autant plus que l’issue ne pourra venir que de lui. Pour preuve, l’histoire de toutes les grandes révoltes populaires qui ont mis à terre toutes les monarchies et les dictatures sur la planète. Cela s’est fait sur décision du peuple. La révolution française de 1789 qui a fait tomber la monarchie en est une. Le peuple a souffert certes, mais on voit où en est le pays actuellement. Le régime qu’on a est bien sur machiavélique, mais ce fût le cas de toutes les monarchies et les dictatures d’avant. Car elles ont su tenir le peuple en respect pour régner. Mais cela ne dure pas bien évidemment et tout est une question de temps. Car l’oppression a toujours eu ses limites, c’est aussi une loi de la nature. Le peuple finira par se révolter. Ce que je dis pour finir, il (le peuple) aurait pu s’épargner la révolte en optant pour les bonne décisions en 62 ne serait ce que par des manifestations de rejets du pouvoir de l’époque qui commençait à prendre de l’ampleur. J’aurais souhaité une transition pacifique, mais je crains (et c’est mon avis) que ça ne sera pas le cas. Les périodes que l’on a traversé de 88 à nos jours nous suggèrent des lendemains pas très heureux malheureusement, et cela se confirme de jour en jour. Bien à vous cher ami.

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