En défendant son ami, le général Toufik défend-il la justice en général ?

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justiceDepuis le recouvrement de la souveraineté nationale, la justice est sacrifiée sous l’autel des intérêts privés. Ainsi, la sortie médiatique du général Toufik, après vingt-cinq de silence, s’inscrit indubitablement dans cette logique. Alors que la République est sérieusement mise en danger, l’ancien patron des services secrets –celui-là même qui faisait la pluie et le beau temps, pendant presque trois décennies, sur la vie politique nationale –prend la défense d’un ami, humilié, semble-t-il, par le clan adverse.
 
La seule question, me semble-t-il, qui mérite d’être posée est la suivante : dans cette lutte sans merci entre les clans, est-ce que les Algériens doivent prendre position dans ce conflit ? Contrairement à une certaine presse qui prend fait et cause pour le clan du général Toufik, l’opinion doit, quant à elle, exiger la fin de la lutte des clans en renvoyant dos à dos les belligérants.
 
De toute évidence, s’il y a une seule lecture à faire du message du général Toufik, c’est que la défense de la justice républicaine passe bien après celle des copains. Bien que les Algériens n’aient pas attendu cette sortie médiatique, de surcroit inattendue, pour le penser, il n’en reste pas moins que venant de l’un des hommes forts que le régime algérien ait connus, cela dissipe tous les doutes quant à la velléité des chefs de bâtir des institutions irréprochables.
 
Déconnectés de la réalité, les dirigeants algériens ne dénoncent les abus que lorsqu’ils concernent leur propre entourage. En effet, le général Toufik n’estime la nécessité de rompre le silence qu’en défendant le général Hassan, victime, selon lui, de l’injustice. Pour convaincre ces partisans, il invoque le combat des services pour la sauvegarde de la République. Sans faire référence à la tragédie des années 1990, le général Toufik insinue que la défense de la République était leur seule préoccupation. Cette présentation est évidemment étriquée. Bien que la menace islamiste soit réelle, le général Toufik et ses collègues ont défendu avant tout la pérennité de leur système.
 
Cependant, bien que le procès du général Hassan soit une sanction du clan vainqueur exploitant, par la même occasion, la justice, il n’en demeure pas moins  que les défenseurs de « la victime » ne font appel à la justice que pour discréditer le clan qui l’instrumentalise. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le général Toufik a une conception singulière de la justice. Sur la base de son témoignage, il souhaite que la justice répare le tort. Or, un général croyant à la justice républicaine aurait simplement dit qu’il se mettait au service de la justice pour qu’elle examine les nouveaux éléments.
 
Par ailleurs, si l’injustice commise à l’encontre du général Hassan, comme le souligne le général Toufik, est réparée, ne faudrait-il pas œuvrer pour l’instauration, une bonne fois pour toutes, de la justice équitable en Algérie ? En tout cas, il est très difficile de croire que le général Toufik soit un partisan d’un tel projet. Son intrusion médiatique n’a pas pour but de défendre l’indépendance de la justice, mais elle consiste à venir en aide à un ami en difficulté.
 
Pour conclure, il va de soi que le général Toufik n’a pas la réputation d’être le défenseur de la justice indépendante. Le traitement de la crise des années 1990 par ses agents était aux antipodes de cet esprit. Enfin, bien que le système actuel doive disparaitre pour qu’aucun Algérien n’ait à souffrir d’un tel système, force est de reconnaître que les deux clans ne sont pas les mieux placés pour porter un tel projet. Pour cela, il faudrait que le peuple sorte de sa léthargie.
Aït Benali Boubekeur
 

6 Commentaires

  1. Cette justice que dénonce ce monsieur est la même qu’il a appliqué à des centaines de milliers d’Algériens durant la décennie rouge. Je lui rappelle le chiffre des 500.000 algériens que cette justice a broyé durant ces années. Je lui rappelle mon cas. 3 ans d’incarcération à la prison militaire de Blida sans être jugé avant d’être relâché sans jugement en subissant les pires humiliations de la part de ses sbires.

  2. Pour les internautes qui aiment la politiques lucides et sérieuses sur cette affaire de Toufik ou de Hassan et sur le système politique algérien, je leur conseille ce lien qui concerne , un entretien donné par le Président du RCD à TSA:
    http://www.tsa-algerie.com/20151210/mohcine-belabbas-charge-toufik-bouteflika-et-le-groupe-des-19-4/
    Je sais que beaucoup d’internautes et de citoyens ont déjà bien compris le schmilblick du système algérien, mais en proposant à la lecture cette intervention de Mohcine Belabbas du RCD, je souhaite juste montrer que quand on est un parti politique responsable, quand on est un homme ou une femme politique responsable, l’important ce n’est pas d’aboyer ou de faire les pitres ou les malins comme le font Saidani, Grine, Amara Benyounes, Louisa, Zohra Drif ou Khalida Toumi, mais d’intervenir pour expliquer la situation et pour donner un message !
    Je ne suis pas un militant du RCD, mais en lisant cette intervention du RCD, je me dis que le RCD prouve encore une fois toute sa maturité et son professionnalisme, son respect pour la chose publique et la politique, et qu’enfin, tout se qu’on a pu alimenter comme mensonge concernant son accointance avec le pouvoir ou le DRS, était fait pour nuire à ce parti en faisant croire que le RCD n’est pas dans l’opposition mais un allié du pouvoir !
    Tout le monde dit que le RCD est une création du DRS mais ne le dit jamais concernant le FIS, le MPA, le MSP, Ennahda, TAJ, RND, etc… etc… C’est quand même étrange mais çà prouve qu’on a un crainte envers ce parti qui devient de plus sérieux et responsable dans sa posture de vrai parti d’opposition !
    En tout cas, il est clair que les interventions officielles du RCD sur le situation politique axtuelle du pays montrent bien que le pouvoir (ou Toufik) n’a jamais été un « supporter invétéré » du RCD, et que c’est tout le contraire qui ressort de cet entretien !
    Je sais que les internautes vont se dire que je suis un militant du RDC, mais qu’importe !

  3. Cher Lyes. Je connais ton cas. J’ai déjà lu ton témoignage. En écrivant ce texte, j’ai pensé à toutes les victimes de l’injustice. En tout cas, à travers la lettre de Toufik, il faut que les auteurs des abus sachent que le temps les rattrapera. Cela dit, je ne souhaite pas que l’esprit de revanche la volonté de bâtir une justice équitable dans notre pays. Sinon, au nom de la justice, les nouveaux chefs perpétueront, sans le vouloir peut-être, le même système.

  4. Cher compatriote Ait Benali, j’ai toujours eu le plaisir de lire vos article et je les trouve très intéressant. Ce qui énervant dans la lettre de ce monsieur, c’est la remise en cause des décisions d’une justice qui lui a servi à rester en poste pendant 25 ans. Ce monsieur semble découvrir la justice à l’Algérienne. Une justice où le pauvre purge sa peine sans remise alors que le riche ripoux à travers une simple chakara noire et un avocat ripoux

  5. La suite: non seulement il est relaxé mais ça lui servira de tremplin pour accéder aux postes de responsabilités s’ils ne les exercent pas déjà. C’est cette justice que ce monsieur et ses semblables confectionnent et ils veulent que ça ne se change pas. Une justice soumise aux ordres et aux téléphone. Concernant l’autre partie où vous exprimez votre méfiance vis à vis des nouveaux décideurs, je crois qu’elle est fondée vis à vis d’un système qui n’a jamais voulu changé même de visage.

  6. Pardon pour certaines erreurs, il faut lire: articles, intéressants, ce qui est énervant, au téléphone, voulu changer. Pardon mille fois, je n’arriverai jamais à écrire avec un téléphone.

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