La Démission de la Pensée Islamique

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exploitants de la religion‘’ Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles.’’ Sénèque
Dans l’article précédent, il fut conclu que : le discours à contenance religieuse ayant pour audience le champ social n’est en rien une vérité énoncée et éternelle, mais une construction épistémologique, miroir et véhicule à la fois des postures sociales et humaines. Et dont la genèse ne relève d’aucune entreprise altruiste, mais d’un rapport de forces et surtout de pouvoir, que la société dans son moi collectif les subissent d’une façon inconsciente et violente.
De ce fait et au delà de cette déviance du discours religieux, c’est la pensée islamique qui est démissionnaire de tout effort de réflexion structurelle. Car l’activité qui est y inhérente, est à la fois contrôlée, sélectionnée, et filtrée par un certain nombre d’énoncés dogmatiques qui ont pour rôle initial d’en conjurer les horizons émancipateurs supposés porteurs de concepts ignominieux, d’en maîtriser l’avènement d’alternatives viables, d’en esquiver la lourde, et redoutable rationalité et objectivité historique.
Ces procédures d’exclusion sont connues. La plus évidente, la plus familière, c’est l’interdit. On sait bien que le penseur n’a pas le droit de tout dire, qu’il ne peut pas discourir de certains sujets. Et qu’il doit en toute circonstance être circonscrit dans la parole et le geste, à la limite de la révérence célestielle devant une doctrine mortifiée et sclérosée jusqu’à l’âme.
Dogme imposé, rituel de la circonstance, droit privilégié ou exclusif des Ulémas seulement: on a là le jeu d’interdits qui se croisent, se renforcent ou se compensent, formant une grille complexe qui ne cesse de se modifier. Il faut noter seulement que, les états où la grille est la plus resserrée, où les cases noires se multiplient, ce sont les états qui relèvent du texte divin et ceux de sa lecture rationnelle.
La rationalité, est considéré ici comme un canevas de réflexion, universel, transparent et neutre dans lequel le message céleste s’ouvre et s’émancipe à la lumière des connaissances acquises, et où la pensée se pacifie, élabore et négocie les concepts du vivre ensemble.
À l’opposé, cette approche est vue et interprétée dans une vision atrophiée et réductrice, et surtout comme une transgression à un ordre établi, évoluant dans une sorte de zone interdite où s’exercent en vertu d’une connaissance mystifiante, et de manières accentuées et subtiles, la plus des effroyables censures.
La pensée islamique, en apparence, a beau se faire valoir comme un des piliers moteurs des débats sociétaires, les interdits qui la frappent révèlent très tôt, très vite, leur lien avec l’attrait de domination et le pouvoir. Et l’histoire ne cesse de l’enseigner- cette confrontation intellectuelle n’est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi les mécanismes d’émulation sont construits, que le pouvoir cherche à s’emparer.
Il existe dans la société islamique un autre principe d’exclusion: non plus un interdit, mais une dialectique de surface sournoise et consubstantielle au discours régnant. Il s’agit d’un manichéisme d’exclusion mutuel entre Penseurs et Ulémas. Depuis l’avènement de la révélation, le penseur est celui dont le discours ne peut pas circuler comme celui des autres: il arrive que sa parole soit tenue pour hérétique, et accusée de putréfier la vérité dans le but de dévoyer les fondements de la société.
Dans la société islamique, le mot d’intellectuel est considéré et forcé à paraître comme étranger. Cette société ne peut tolérer dans sa béatitude de survie primaire et de croyance linéaire, que des êtres qui écrivent sans remous ; qui soignent des malades sans exprimer leur rage de défaire la mort ; qui font des études économiques pour conforter un modèle de gestion à la limite de l’esclavagisme ; et qui enseignent et distribuent dans un ronronnement infini un savoir anesthésiant formatant l’esprit de générations présentes et à venir, à l’absolutisme et au dogmatisme.
En revanche, l’intellectuel, c’est ce pestiféré, c’est celui qui est coupable en premier. Il est coupable d’un peu de tout : de parler, de se taire, de ne rien faire, de se mêler de tout. Bref, l’intellectuel, c’est la matière première par excellence à verdict, à sentence, à condamnation, et à exclusion.
Quand les Ulémas discourent, il faut faire l’effort d’imaginer ce que cela donnerait transcrit dans la réalité. Quand ils «critiquent» un penseur ou écrivain hors des sentiers battus, quand ils «dénoncent» ses idées, quand ils «condamnent» ce qu’il écrit, il faut surtout évoquer dans la situation idéale où ils auraient tout pouvoir sur lui. Il faut laisser exprimer jusqu’à leur sens premier les mots qu’ils emploient : «Démolir», «abattre», «réduire au silence», «déchoir».
Et par delà, s’entrouvrit la radieuse cité où l’intellectuel serait en prison et déchu, et sa pensée bannie et brandie comme un trophée de guerre à la gloire d’un savoir, discours et pouvoir obscurantistes.
Khaled Boulaziz

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