La faillite des politiques suivies par les Etats africains

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FrançafriquePar : Ali DERBALA,
Universitaire
« La France n’est jamais aussi grande que lorsqu’elle grimpe sur les épaules de l’Afrique » Proverbe congolais.
La pauvreté en Afrique est endémique. Pourquoi les peuples d’Afrique sont-ils si pauvres ?
A cause de la voracité et la prédation des pays riches, démocratiques, des pays de droits de  l’homme, des pays humains pour les animaux et qui ne le sont pas pour les pauvres.
« On ne doit voler que là où on ne peut pas piller » disait Nietzsche.
Le partage de l’Afrique  était décidé par les Etats chrétiens à la conférence de Berlin en 1885 [1, p.211].
Les responsables des pays africains, responsables politiques, sociaux, économiques,  industriels, etc. y sont aussi pour beaucoup de choses. Le corollaire qui suit est que avec  environ plus d’un milliard d’habitants, l’Afrique est le continent le plus pauvre du monde.
Il est le continent le plus riche en ressources naturelles (pétrole, gaz, cuivre, fer, bois,  phosphate, uranium, terres rares, diamants, etc.). Il se retrouve avec 22 pays qui vivent avec  moins de 1000 dollars par habitant et par an. Ce revenu est appelé PIB, produit intérieur brut  représenté dans la suite entre parenthèse.
1. De la teneur de la pauvreté dans l’Afrique
Du site de la Banque Mondiale [2], les données fournies par pays sont : Tanzanie (955,1$),  Zimbabwe (931,2$), Bénin (903,5$), Comores(810,1$), Sierra Leone (766,0$), Ouganda  (714,6$), Burkina Faso (713,1$), Mali (704,5$), Rwanda (695,7$), Togo (635,0$), , Mozambique ( 585,6$), Éthiopie (573,6$), Guinée-Bissau (567,8$), Somalie (542,6$), Guinée  (539,6$), Libéria (457,9$), Madagascar (449,4$), RDD Congo (442,3$), Niger (403,4$),  République centrafricaine (358,5$), Burundi (286,0$) et Malawi (255,0$).
Une petite lecture  attentive nous fait « sauter aux yeux » que 13 pays étaient sous domination française, 7 autres  pays sous domination britannique et 2 pays sous domination portugaise. Il y a lieu de  remarquer qu’aucun pays de l’Amérique du Nord ou de l’Europe ou de l’Océanie et Australie  n’a atteint ce seuil de pauvreté.
Même en Amériques centrale et du Sud, un seul pays vit la  misère à savoir Haïti (824,2$), si ce n’est due à une catastrophe naturelle, le séisme. En Asie,  seuls le Népal (701,7$) et l’Afghanistan (633,6$) subissent le mauvais sort.
2. Un Etat de l’Art sur les raisons de la pauvreté en Afrique
De nos lectures, nous avons retrouvé des écrits précurseurs et des écrits continuateurs ou  contemporains. Ils décrivent les raisons de la faillite des politiques africaines.
2.1. Les écrits précurseurs
 Dans le résumé de son livre de poche, N’Dongo [3] a écrit que : La « coopération »  franco-africaine ne fait que développer une inégalité de plus en plus grande entre les  deux parties, tant sur le plan économique, politique, social, militaire, culturel que  juridique. Les Français continuent à exploiter les richesses africaines. Ils vivent  librement en Afrique. Il n’en est pas de même pour les Africains vivant en France.
Victimes du pouvoir politique, de la répression policière, exploités par les patrons,  abandonnés par leurs gouvernements, victime de la racaille de toutes sortes, les  travailleurs africains ne sont pas prêts de voir résolus leurs problèmes.  On ne peut pas aussi contredire Nicolas Machiavel (1469-1527) qui dit dans son livre  célèbre [4] que pour connaître un peuple, il faut être son « Prince » et une République libre n’est pas souhaitable si elle doit conduire à vivre sous la botte étrangère.
 Ahmadou Kourouma [1, p.81] a écrit que : « Après la défaite indochinoise et la guerre d’Algérie, le général de Gaulle et la France décidèrent de décoloniser les possessions  françaises de l’Afrique noire…De Gaulle parvint à octroyer l’indépendance sans décoloniser. Il y réussit en inventant et en entretenant des présidents de la République  qui se faisaient appeler pères de la nation et de l’indépendance de leur pays, alors  qu’ils n’avaient rien fait pour l’indépendance de leur république et n’étaient pas les
vrais maîtres, les vrais chefs de leur peuple. ».
En [1, p.205], il a aussi écrit que « C’est par la ruse des enveloppes que le dictateur au  totem caïman est parvenu à rendre lourdes les langues et les plumes de tous les journalistes qui devaient parler de lui et de son pays ».
Kourouma [1, p.258.] a rapporté qu’« Il est inadmissible de laisser aux portes de l’Occident une république arabe moderne exister librement. « Il faut l’écraser » avait dit le général français chargé de l’occupation des Pays des Djebels.
2.2. Les écrits contemporains
 En Afrique, nous constatons la présence d’Etats non démocratiques, en faillite potentielle. Certains d’entre eux auront subi une nouvelle régression, et d’autres auront  juste établi une relation avec l’économie mondiale. Dans ce rapport, Adler [5, p96]
nous fournit des perspectives très instructives pour l’avenir et le devenir de notre pays.  Adler [5, p.216-217] nous avertit que des Etats qui opèrent leur transition vers le système du parti unique seront vulnérables à la corruption et au crime organisé qui va
de pair, en particulier si leur idéologie appelle une implication substantielle de leur gouvernement dans l’économie. Des groupes criminels organisés sur une base ethnique prennent en général pour proie leur propre diaspora, et s’en servent pour prendre pied dans de nouvelles régions. Le crime organisé va probablement prospérer
dans les Etats riches en ressources qui subiront les transformations politiques et économiques significatives comme l’Algérie.  Il a aussi prédit en [5, p.220] que les économies retardataires, les appartenances ethniques, les convictions religieuses intenses et les poussées démographiques vont se liguer pour composer la «tempête parfaite », créant ainsi les conditions d’un conflit interne. C’est la capacité des Etats à gouverner qui déterminera l’existence et la portée véritable des conflits. En Afrique du Nord, les Etats incapables de satisfaire les attentes de leur peuple et de résoudre ou d’étouffer des demandes conflictuelles sont aussi ceux qui risquent d’être confrontés aux éruptions de violence les plus graves et les plus fréquentes.
 La crise alimentaire de 2008 [6], qui s’est traduite par de violentes émeutes de la faim dans les pays en développement, a déclenché un mouvement d’accaparement des terres arables : 60 à 80 millions d’hectares parmi les plus fertiles ont été arrachés aux
petits agriculteurs par des puissances agroalimentaires ou financières.
Exemple en Ethiopie.
 Robert [7] a écrit qu’en Centrafrique, pas le moindre mea culpa de la part des dirigeants français. Depuis 1960, Paris fait et défait pourtant les régimes en place à Bangui, parfois sans craindre le ridicule, comme lorsqu’un ministre de la République assistait au couronnement de l’empereur Bokassa 1er.
 Il est écrit dans l’article [8] que Le chaos politique, en Centrafrique, par exemple, ne doit rien au hasard. Le néolibéralisme a contribué à détruire l’Etat sans offrir de perspectives. A signaler également, une enquête sur les manœuvres d’Areva au Niger.
 Selon le « Che », le néocolonialisme [9] a conduit à accorder « le cœur léger l’indépendance politique » et au besoin à créer « des Etats factices dont l’indépendance n’a aucune chance de devenir réelle ».
 Monénembo [10] a dénoncé la communauté occidentale et a écrit que : « Dans l’indifférence internationale, des chefs d’Etats manipulent sans vergogne la Constitution pour prolonger leur règne. Ces dictateurs sortis des urnes se trouvent surtout en Afrique francophone, en raison d’une infernale accumulation de handicaps.
Tous les truquages ont été couverts par les ambassades occidentales et les observateurs de l’Union européenne. Aux velléités de recolonisation qui persistent en France, l’Afrique n’a d’autre réponse que la corruption de ses élites avides de
pouvoir ».
 Il est reporté aussi dans cet article [11] que : « depuis la fin de la colonisation, presque tous les pays africains ont été dirigés par une élite sans vision politique à moyen ou long terme. Cette élite, qui s’est substituée aux anciens colonisateurs, a été incapable  d’ambition et s’est davantage préoccupée d’elle-même que des peuples dont elle prétend défendre les intérêts. Résultat: le système colonial a été purement et simplement perpétué sous une autre forme dans les domaines politique, économique et culturel au fil des années. A cela, il faut ajouter l’insécurité de l’environnement
économique qui ne favorise pas les investissements, et le règne de l’informel.
L’indépendance est donc devenue une véritable dépendance vis-à-vis des puissances étrangères, en particulier des anciennes puissances coloniales. Faute de réflexions endogènes ou prospectives et de volonté politique en vue d’amorcer un changement par une synergie d’actions, les politiques actuelles sont une navigation à vue. Les Etats sont gérés à la petite semaine par les dirigeants, juste le temps d’accomplir les hautes charges qui sont les leurs. ».
Jean Paul Sartre suggérait de ne pas avoir honte de demander la lune. Il faut un réveil de la jeunesse africaine qui veut croire en son pays, mais plus en ceux qui le dirigent.
Références
1. Ahmadou Kourouma. En attendant le vote des bêtes sauvages. Editions du seuil, 1998.
2.http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.CD
3. Sally N’Dongo. Coopération et néo-colonialisme. FM/ Petite collection maspero, 1976.
4. Nicolas Machiavel. Le prince. Maxi-Poche, Classiques étrangers. 1996.
5. Alexandre Adler. Le Rapport de la CIA. Comment sera le monde en 2020 ? Traduit de l’américain par Johan-Frédérik Hel Guedj. Robert Laffont, 2005.
6. Agnès Stienne. Une réforme agraire dévoyée. Terres volées d’Ethiopie. Le Monde diplomatique, Décembre 2013, p.18.
7. Anne-Cécile Robert. François Hollande, président à Bangui. Le Monde diplomatique de Janvier 2014, p.3. 8. Dans les Revues, Aujourd’hui l’Afrique, № 131, mars, trimestriel, Cité dans Le Monde diplomatique, Mai 2014, p.26.
9. Jean Hardouin-Dompnier. La part rebelle du monde. Politique. Le Monde diplomatique, Mai 2014, p.26.
10. Tierno Monénembo. En Afrique, le retour des présidents à vie. Le Monde diplomatique, Décembre 2015, p.12.
11. http://www.slateafrique.com/20967/pourquoi-afrique-ne-se-developpe-pas-economiecorruption-agriculture

1 COMMENTAIRE

  1. Entre l’Algérie et la France, quel genre de relations ou de politiques existe-il?
    Du genre de cosignatures et copublications d’études pour briser des pays arabes.
    Yves Bonnet, notre ami…
    Dernier ouvrage paru : Arabesque Américaine : Le rôle des États-Unis dans les révoltes de la rue arabe, éditions Michel Brûlé, Montréal, 2011; éditions Synergie, Alger, 2012.
    PREMIERE PARTIE : Analyse et déconstruction des révolutions nationales
    « Libye : un avenir incertain », Saïda Benhabylès, Roumiana Ougartchinska, Yves Bonnet, Dirk Borgers, André Le Meignen et Eric Denécé
    « Syrie : une libanisation fabriquée », Saïda Benhabylès, Anne-Marie Lizin
    Saida Benhabylès (Algérie). Ancienne ministre de la Solidarité, ancien Sénateur, membre fondateur du CIRET-AVT, Prix des Nations Unies pour la société civile.
    Roumiana Ougartchinska (France/Bulgarie). Journaliste d’investigation et essayiste. Chargée de cours au Département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines de l’Institut de criminologie de Paris (Université Paris II – Panthéon Assas). Dernier ouvrage paru, Guerre du gaz, la menace russe, éditions du Rocher, Paris 2008.
    Yves Bonnet (France) Préfet honoraire, ancien député, ancien directeur de la Surveillance du territoire (DST), président du CIRET-AVT.Dernier ouvrage paru : Le grand complot, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, Paris, 2012.
    Dirk Borgers (Belgique). Expert indépendant, spécialiste des questions pétrolières. A participé à la mission CIRET-AVT/CF2R en Libye.
    André Le Meignen (France). Expert indépendant, vice-président du CIRET-AVT. A participé à la mission CIRET-AVT/CF2R en Libye.
    Eric Denécé (France). Ancien analyste du renseignement, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R). Dernier ouvrage paru : Les services secrets français sont-ils nuls ?, Ellipses, Paris, 2012.
    Anne-Marie Lizin (Belgique). Présidente honoraire du Sénat de Belgique et vice-présidente de l’Assemblée plénière de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Elle a été députée européenne, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, députée, sénatrice et présidente du Sénat belge.

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