Des cranes, des juges et des généraux

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Par Salima Ghezali

 

C’est sans tambour ni trompettes que les autorités algériennes ont remis à la juge française Nathalie Poux des échantillons des cranes des moines de Tibhirine enlevés et assassinés en 2016.

Il est trop tôt pour se prononcer sur ce qu’il adviendra de ce dossier qui a connu de multiples rebondissements, polémiques et toutes sortes de marchandages.

Depuis vingt ans l’affaire des moines de Tibhirine vient régulièrement rappeler l’horrible décennie 90. Comme s’il revenait à ces religieux de témoigner, même par delà la mort, qu’une horrible guerre a été imposée aux algériens. Des algériens qui n’en finissent pas d’en payer le prix. A divers niveaux. Celui d’un Etat colonisé par un régime déliquescent. Celui d’une société otage de ce régime. Et celui d’une situation internationale marquée par un retour en barbarie favorisé par un occident en crise.

On en retiendra que les familles des moines assassinés pourront, peut-être un jour, faire le deuil que les dispositions de la loi sur la réconciliation nationale interdisent à des dizaines de milliers de familles algériennes amputées des leurs de faire.

Il y a, dans ce double standard entre ceux dont la mort doit être expliquée, dont l’Etat prend en charge la demande de vérité, quelque soient par ailleurs les calculs de ce dernier, et ceux qui doivent seulement se taire pour ne pas déranger la quiétude de leurs dirigeants, toute la profondeur de la vacuité du concept de citoyenneté en régime autoritaire.

S’il n’y a aucun doute sur le profond désir de réconciliation nationale, de paix civile et de paix des mémoires chez la plupart des algériens, la plaie est encore ouverte pour tous ceux dont les proches ont été si violemment arrachés à la vie. Pour les familles de disparus, d’internés du grand sud, de victimes du terrorisme, de membres des services de sécurité décédés, ou handicapés à vie, trop souvent issus de familles modestes, la réconciliation nationale reste orpheline d’une parole de vérité et d’une mesure de justice qui la rendrait effective. A chaque fois qu’à la demande d’une partie occidentale, le dossier des années 90 refait surface, les algériens se retrouvent face à leurs morts inexpliquées. Otages les vivants et otages les morts.

Les élites dominantes ont si peu conscience des dégâts que cette sombre page de notre histoire récente a occasionnés au niveau de notre société qu’elles se permettent le luxe d’en remuer les remugles. Des dizaines de milliers de morts, une élite décimée, des villages entièrement exterminés, des milliers de djoundis sacrifiés à la fleur de l’âge, des traumatisés en masse…Et en guise d’épilogue une attaque de Saïdani contre le général Toufic.  Comme si le premier avait brillé par son engagement pour la paix civile et comme si le second avait été seul à décider d’une politique qui a mobilisé l’ensemble des clans du régime.

Faire de la politique-spectacle avec les braises encore vives des années 90. Juste pour les besoins de la polémique et favoriser un quatrième mandat pour un système en bout de course. Et, comble du cynisme, se partager les rôles entre  Présidence oligarchique  et généraux républicains !

Sans aucun égard pour ceux qui regardent. Une société empêchée de faire société à cause du poids de ses souffrances éclatées en milliers de traumatisés, d’orphelins, de veuves, de mères inconsolables…De ces deuils en souffrance dans des lieux tellement ensanglantés qu’on se demande si un jour l’herbe y repoussera de nouveau vraiment verte. Il en devient, par contraste, presque étrange d’entendre quotidiennement des techniciens, dépassés par l’ampleur des dérèglements sociaux, déplorer la violence des comportements, la déliquescence des mœurs…

La juge française est donc venue et est repartie avec ses échantillons pour tenter d’établir la vérité  sur la mort des moines. Une autre juge, suisse cette fois, n’en finit pas d’auditionner généraux et hauts fonctionnaires algériens pour se faire elle aussi, une vérité au sujet de cette période sur laquelle les principales victimes, les algériens et l’Algérie, sont sommés de faire silence. Comble de l’ironie, les officiers supérieurs de l’ANP sont maintenant priés de se taire comme le reste des algériens. Djeich, Chaab, bla dimokratiya !

Et c’est dans ce contexte que d’autres cranes sont venus rappeler combien est lourde et longue la peine de ceux qui n’auront pas su construire des Etats pour les défendre et défendre leur mémoire.

Le débat est ouvert : Faut-il pétitionner pour réclamer à l’état français la restitution des restes des martyrs algériens détenus au musée de l’homme ou faut-il d’abord s’assurer qu’on dispose vraiment d’un état capable de prendre en charge les doléances des vivants et se préoccuper du respect dû aux morts ?

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4 Commentaires

  1. Bonjour Madame,

    La raison de la prise de décision pour remettre des échantillons de cranes des pauvres moines est toute simple: Soit vous nous donnez les échantillons de cranes, vos ressources naturelles, vos dollars et votre dignité soit c’est le TPI.

    Comme nous sommes souverain sur rien du tout, les Tontons makoutes and Co ont vite fait de plier l’échine (nous sommes devenu des experts dans le pliage de l’échine) sinon Maman Fafa va envoyer ses enfants vers Bourourou.

    Pour nos pauvres mamans et tatas cousines et khalti h’lima etc….ont encore leurs yeux pour pleurer…pour certaines

    Pourquoi juste leurs yeux? simple car Papas, tontons, Cousins, Voisins et 3mi Ali etc…sont occupés a perfectionner la technique tellement ardue de pliage de l’échine.

    Vous savez ce qui me tourmentera même dans ma tombe a 6 pieds sous terre et le sacrifice de nos martyres, ils sont morts en croyant que les survivants vont prendre soin de la patrie…leur sacrifice a été vain et ne me dites pas le contraire s’il vous plait.

    Cordialement

    Alilou le fils maudit

  2. Des mises en scène périodiquement orchestrées pour noyer le poisson.
    La vérité est retenue de part et d’autre de la Méditerranée ou trempent des criminels notoires et des parrains sans scrupules qui les protègent aux dépens des droits de leurs propres citoyens, les familles des moines. Ces malfaiteurs associés essaient de dissimuler partiellement leurs hideuses nudités respectives sous le même bout de tissu mensonger de façon que, si l’un tire trop sur le bout de tissu l’autre se retrouve complètement nu. Il sera alors amené à tirer sur le bout de tissu, découvrant par la-même complètement son associé. Les deux malfaiteurs associes ne veulent pas en arriver la, cette situation leur étant également préjudiciables, d’autant plus qu’elle finira inévitablement par ouvrir la boite de pandore…Non. Ils n’oseront pas ce suicide en tandem.

  3. Si la Justice dite algérienne faisait son travail sereinement, rien de cette mascarade ne serait arrivé. Mais de Justice Algérienne que reste t-il et peut on parler ! NON !!!
    Un état souverain, avec une justice musulmane ou autre, n’aurait jamais accepté que son armée soit mise en cause même si elle a fait des bourdes. L’Algérie de Abane, de BenMhidi et de tant d’autres glorieux combattant pour la justice, n’existe pas; elle est remplacé par des ventres gros et gras serviles à l’image du Néo FLN du zarnadji. Comment peut on rendre la dignité de ce peuple déjà amorphe, ventreplatiste, qui a peur de l’enfer ( dont le menace les plus vils et plus serviles serviteurs – arabes du moyen orient- non de l’humanité mais de la finance et du reste ) dont personne n’est jamais revenu au demeurant.
    Ce peuple servile qui a perdu ses origines – EL ASSEL OUEL MAFSSEL- pour essayer de s’approprier les vertus d’une autre race par lacheté, cupidité et surtout par une ignorance distillée par des abrutis au nom d’une RELIGION qu’ils salissent chaque jour que sans plus.

    Peuple si tu existe réveilles toi, réclame la dignité pour laquelle des hommes valeureux ont donnés leur vie. Ne laisse pas des hmamdji, des Zarnadji, des drabki te conduire vers l’irréparable!!!
    RÉVEILLES TOI SINON TU RESTERAS LA RISÉE DE TOUS, SINON LE SACRIFICE DES VRAIS COMBATTANTS AURA ETE VAIN.

  4. L’Histoire de l’Armée de libération nationale n’est pas un mythe mais elle est celle des faits d’armes reconnus dans la trame historique des nations contemporaines. Plus qu’un repère de base, elle est une composante essentielle de notre mémoire collective, de notre identité nationale. En ces moments cruciaux de notre existence en tant que nation, qui reste relativement jeune par rapport à d’autres, c’est autour de l’Armée Algérienne, celle du Peuple, que nous devons trouver cet indispensable consensus sans taire pour autant nos désaccords qui trouveront leur place une fois le changement amorcé. En attendant, nous devons poursuivre par devoir à nos ainés et aux générations à venir, pacifiquement, la lutte de libération nationale entamée il y a 62 ans –les moyens d’y arriver sans violence ne manquent pas- jusqu’à l’indépendance totale et effective de l’Algérie. Il n’y a que ton propre pays qui puisse défendre tes intérêts, nous n’avons qu’un seul et il se trouve qu’il est en danger.

    citoyen karim

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