Quelques vérités historiques ignorées par notre jeunesse.

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Benkhedda DahlebEntretien avec Benyoucef Benkhedda (part 1)

Première question : Le retour dans l’espace public national des figures de Abbas, Boudiaf ou plus récemment de Messali Hadj marque-t-il, à votre avis, la fin de l’ère de la proscription et vous-même avez-vous le sentiment d’être un proscrit de l’histoire du nationalisme et de la libération nationale ?

Depuis l’indépendance et l’avènement du parti unique, une véritable chape de plomb s’est abattue sur le pays. L’histoire de la Révolution, avant et après 1954, a été complètement occultée. Ce n’est que dans les années 80, avec le président Chadly Bendjedid, qu’est apparu le phénomène du multipartisme et que les partis et les associations ont proliféré. Malheureusement, cela n’a pas duré long-temps. L’expérience a été brutalement interrompue par la « démission » de Bendjedid, l’arrêt du processus électoral et l’instauration en janvier 1992 de l’état d’urgence. Mais les idées étaient déjà semées et, avec le retour de Boudiaf au pouvoir, les gens se sont mis à réfléchir et à se poser un tas de questions sur Boudiaf dont le nom était ignoré par toute une génération, sur son passé et sur le parti auquel il avait appartenu, ainsi que sur son rôle dans le déclenchement de la lutte insurrectionnelle. Les jeunes ne savaient grand chose ni du mouvement national ni des figures qui, telles Messali, Abbas et d’autres encore, y avaient inscrit leur empreinte. Ce fut une révélation pour eux que de découvrir, dans les années 1990, tout un pan, jusqu’ici soigneusement escamoté, de notre histoire nationale contemporaine.

Les hauts responsables qui se sont succédés à la tête de l’Algérie ont tout fait pour passer sous silence cette période, simplement parce que leur nom ne figure pas parmi les promoteurs ou les artisans de l’indépendance.

Prenez, par exemple, deux dates : le 19 mars 1962 et le 19 juin 1965. La première a marqué la fin d’une guerre de sept ans et demi et elle a consacré une grande victoire : l’indépendance. La seconde évoque le coup d’état opéré par l’Etat-major général de l’ANP. Elle est commémorée comme une fête nationale et donne lieu chaque an-née à une journée chômée et payée, tandis que l’autre est une journée comme les autres, totalement dépouillée de sa signification symbolique et historique. Pourquoi ? Parce que le 19 mars demeure malgré tout l’œuvre du GPRA aux prises avec l’hostilité et l’indiscipline de l’Etat-major de Ghardimaou. Une fois parvenus au pouvoir , au prix d’un coup d’état en bonne et due forme, les anciens chefs de ce dernier avaient préféré mettre sous le boisseau le souvenir d’un événement aussi capital, mais dans lequel ils n’étaient pas directement partie prenante, d’autant plus qu’au CNRA de 1962, ils étaient les seuls à s’opposer à la signature des accords d’Evian.

Un autre exemple est celui de l’anniversaire de l’indépendance célébré le 5 juillet, alors que la proclamation de l’indépendance de l’Algérie et sa reconnaissance officielle par la France sont du 3 juillet 1962. Là encore, des raisons politiciennes et personnelles ont prévalu sur la vérité historique.

J’ai essayé pour ma part, avec mes faibles moyens, de combler les lacunes consécutives aux occultations, aux non-dits et aux approximations qui dénaturent le contenu réel de notre histoire récente. J’ai, à cet effet, écrit trois livres : Les origines du 1er Novembre 1954, Les Accords d’Evian et La crise de 1962. C’est peu et insuffisant, mais c’est, je pense, une contribution à la réémergence et à la réappropriation de la vérité sur le Mouvement national et sur son rôle majeur dans la préparation et la mise en oeuvre du 1er Novembre 1954. Je dois dire que, malgré le silence médiatique qui a accompagné leur parution, ces livres sont aujourd’hui épuisés. Ce ne sont pas à proprement parler des livres d’histoire ; ce ne sont pas non plus des mémoires ou des thèses au sens universitaire – je n’en ai ni la capacité ni le talent -, mais des témoignages sur les évènements que j’ai vécus au cours de mon itinéraire de militant, accompagnés de réflexions politiques et morales personnelles.

Lorsque l’occasion m’est offerte, j’exprime mes idées. Depuis 1962, je n’ai cessé d’être « proscrit » tantôt ouvertement, tantôt d’une manière plus insidieuse. Avec beaucoup d’autres responsables de la Révolution, j’ai dû subir la « conspiration du silence » à laquelle n’est sans doute pas étrangère ma qualité d’ancien président du GPRA, ou de membre du CCE. Nous étions devenus en quelque sorte, et à notre corps défendant, les « pestiférés » de la politique. Hormis quelques rares invitations, et uniquement dans le cadre des anciens moudjahidine, pas la moindre référence publique qui soit de nature à rappeler avec un minimum d’objectivité le rôle politique qui fut celui du GPRA.

Je dois ajouter que la proscription que vous évoquez n’est pas seulement le fait des autorités officielles. Elle est même d’usage chez certains organes de la presse dite « indépendante », à qui il arrive de faire l’impasse sur certains de mes écrits que je leur avais demandé de publier. Il y a pire. L’année dernière, par exemple, un quotidien avait reproduit une information erronée sur ma position à propos des élections présidentielles. Je lui avais adressé alors un démenti, qui fut mis sous le coude, je ne sais trop pourquoi. En dépit de mes interventions répétées, il avait fallu les menaces de Me Amar Bentoumi d’actionner la justice, pour que le démenti pût enfin paraître après cinq jours de « suspense ».

5 Commentaires

  1. Avec le temps tout se saura, Parce que pour édifier et consolider l’état il faut connaitre le passé. Et celui qui a était l’artisan de la libération s’en chargera quelques puisse être les vicissitudes Et l’artisan c’est le peuple. Il ne faillira assurément pas demain pour se réaproprier son bien. Ben m’hidi l’a si sagement et dans sa formule magique défini « La révolution jeter la dans la rue le peuple s’en chargera » Alors c’est évident il s’en chargera!!!

  2. En effet la vérité c’est comme l’huile elle remonte toujours en surface. Et le peuple sait reconnaitre les siens, il n’y a qu’à se souvenir des obsèques de Boudiaf, alors que quelques mois auparavant la jeunesse algérienne ignorait jusqu’à son existence. Les présidents Abbas et Benkhedda ont fait preuve d’une sagesse, d’un humanisme et d’un sens de la responsabilité très élevé en refusant la confrontation avec les troupes qui venaient de Tunisie et même du Maroc. De par cette position ils ont évité à leur peuple une guerre fratricide qui aurait emporté la nation algérienne alors qu’elle était naissante. Malheureusement Bouteflika sur lequel bien des espoirs avaient été mis n’a pas été du niveau des deux premiers présidents au contraire il a fait montre d’une soif du pouvoir sans limite et d’un esprit dictatorial caractérisé.

  3. Depuis le début du JIHAD en novembre, car c’était un jihad et non opas une révolution, les termes utilisés par nos parents étaient islamiques et non communistes, moujahid, mousebel,joundi, allah akbar,….le courant « rouge » a tout fait pour faire capoter, dérailler le Jiahd, petit à petit ils sont arrivés à leur fin, de Ghardimaou à Oujda les souvenirs rapportés étaient ceux d’une frange qui a trahi le jihad et les moudjahidines….demandez à Chaabani allah yarahmou pourquoi il a été executé par Boukharouba et Ben Bella.
    La marche de Boukharouba sur Alger ne fait aucun équivoque à ses intentions de prendre le koursi, et finalement c’est la France qui imposera Ben Bella à la tête du pays, une marche qui fit des milliers de morts entre Tlemcen à Alger…Ferhat écrira plus tard que c’était la seule guerre que Boukharouba fit.
    Un petit retour sur Boutef, sachez que lui avait deserté 2 fois, et Boukharouba le couvrait, arrivé à Bamako il a disparu pour être retrouvé 2 mois après, il avait loué un appart à Tetouan………
    Voila en gros et en gris ceux qui nous gouvernent

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