L’Etat algérien : entre générosité et contradictions

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On a fait dire à De Gaulle que « La droite ignore ce qu’est la nécessité de la générosité et la gauche se refuse à la nécessité de la puissance. ». Peu importe l’auteur de cette citation. Elle me semble bien caractériser la situation actuelle du « système politique algérien » qui navigue à vue entre sa générosité et ses contradictions.
Mardi 12 juillet, le Premier ministre Sellal annule le projet de réalisation de la cimenterie de Oued Taga (Batna). Klaxons, youyous, salves de baroud de la part de la population locale. Sabhane Allah ! On dirait la réussite au Bac pour l’ensemble de la population ! Mais il faut dire que la mobilisation a payé ! Comme presque toujours ! Presque !
Deux jours après, ce même Sellal déplace le problème à une centaine de km au nord de Oued Taga en posant la première pierre d’une cimenterie dans la commune de Sigus (Oum El Bouaghi). Peut-être la mort annoncée de Castellum Respublica située non loin du lieu d’implantation de cette usine, de sa cité romaine, du fort byzantin et de ce qui reste des quatre basiliques chrétiennes !
Rassurant, Sellal a indiqué très récemment, que « les réserves de change devraient s’établir à environ 116 milliards de dollars pour l’année 2016 et qu’elles ne baisseront pas sous 100 milliards de dollars quelles qu’en soient les circonstances ». Ainsi donc, et d’après l’ancien ministre des finances, le niveau des réserves de change aura baissé de 22 % en 2015 et de 60 % en 2016 par rapport à décembre 2013 qui étaient évaluées à 194 milliards de dollars ! A ce rythme-là, on comprendra que la situation n’est pas tenable à terme et que le spectre du Venezuela hante le pouvoir en place.
Les services du Premier ministère ont commandé en 2015 une étude à deux économistes Algériens Raouf Boucekinne, Professeur d’économie à Marseille et Nour Meddahi, professeur d’économie à Toulouse. Le gouvernement ne fait qu’appliquer les recommandations de ces deux auteurs. Leur rapport a été diffusé par les services du Premier ministre à tous les ministères leur demandant de fournir des efforts supplémentaires pour diminuer la dépense publique. Dans ce rapport, un bilan alarmant a été dressé et relatif à l’actuelle crise économique que traverse le pays suite à la baisse du prix de pétrole et ses conséquences sur le citoyen et les entreprises. D’après ces économistes, cette baisse brutale et persistante du pétrole aurait des conséquences «dramatiques» pour l’économie du pays. Parmi les nombreuses mesures proposées, on peut citer : – l’augmentation « de manière progressive mais substantielle le prix de l’essence de manière à supprimer sa subvention inéquitable et à réduire la consommation énergétique et le gaspillage. », – la réduction puis la suppression complète de la subvention du sucre, – la rationalisation des importations, – la baisse de la valeur du dinar d’au moins 10 %, – la modification de la règle du 51/49% en l’adaptant aux secteurs et la taille de l’investissement (PME), et permettre ainsi une possession étrangère supérieure à 49% mais en limitant les transferts de bénéfices à 49%, – l’augmentation de la TVA sur les produits de luxe et les produits importés, – le développement de la finance islamique.
Et plus récemment, ces auteurs considèrent que « l’emprunt national » est une urgence de l’heure. Un vrai « programme économique de sortie de crise ». Et le pouvoir, affolé, a foncé sur cette idée en lançant en avril dernier cet emprunt obligataire pour lequel les souscriptions étaient ouvertes à la fois aux particuliers et aux entreprises. A travers cette opération, l’Etat espérait récupérer et recycler les milliards de dinars détenus par les plus fortunés en leur offrant des taux d’intérêt de 5 et 5,75 % en fonction de la durée de l’emprunt (3 ou 5 ans). Il est peut-être trop tôt pour faire le bilan de toutes ces mesures mises en application. La baisse drastique de nos réserves de change est le principal indicateur de notre dépendance économique de l’étranger (alimentation, biens d’équipements..) et de la faiblesse de notre appareil de production aussi bien industriel qu’agricole malgré les quelques progrès enregistrés çà et là. Mais le bien être d’un pays peut-il se résumer à sa situation économique ? Le pouvoir semble ignorer que, quelle que soit la politique économique adoptée, elle sera vaine sans la nécessaire confiance du citoyen en ceux qui le gouvernent. Exactement comme pour la valeur d’une monnaie qui est étroitement liée à la richesse produite par un pays certes, mais également en la confiance de ses utilisateurs en l’Etat. La générosité et la paix civile ont un prix. Les contradictions aussi ! En effet, le pouvoir algérien se débat dans contradictions incroyables. D’un côté, une politique généreuse envers les jeunes au travers les prêts qui leur sont accordés dans le cadre du dispositif de l’ANSEJ, d’autre part sur son incapacité à mettre en place une réelle formation, pourtant rendue « obligatoire » par les textes, pour les jeunes bénéficiaires du dispositif afin de pérenniser leur entreprise ou alors à payer les nombreuses factures relatives aux prestations dont il a bénéficié de la part de ces mêmes jeunes. Et c’est ainsi que de très nombreuses « entreprises » créées dans le cadre de l’ANSEJ ont fait faillite ou se débattent dans ces difficultés insurmontables. Kafkaïen !
Il faut aussi rappeler que les conséquentes subventions que consacre l’État aux nombreux produits de « première nécessité », profitent autant au zawali de Tindouf qu’à Cevital, Danone ou Coca-Cola. Ubuesque !
Le citoyen algérien peut se réjouir d’un Etat généreux, qui subventionne son alimentation, lui distribue des logements, mêmes non finis, lui accorde des prêts, lui garantit une scolarité et un accès aux soins « gratuits », mais ne peut supporter que :
– ses pontes puissent se faire soigner à l’étranger quand nos hôpitaux manquent cruellement de médecins généralistes ou spécialistes,
– que les fils des dignitaires du régime fassent leurs études à l’étranger quand nos lycées et universités soient des fabriques de chômeurs,
– qu’il construise des édifices « pharaoniques » pour sa propre prospérité plus que celle de ses administrés, – qu’il bafoue les libertés publiques en emprisonnant des personnes pour leurs seules opinions affichées.
C’est ce manque de confiance en l’Etat qui me semble le principal obstacle au développement de l’Algérie. Et on ne peut résoudre ce problème qu’au travers une politique de « pédagogie de l’exemple ». Galhoum Louis de Bonald « Un mauvais exemple donné par l’autorité est une prime accordée au vice. » Djab li Rabi On y est !

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour à tous,

    Comme s’il fallait être Einstein pour comprendre le problème de l’Algérie. On ne peut vivre que de sa richesse sinon on crève. Comme on ne crée aucune richesse et que l’on vit d’une volatile, il est fatalement dit que l’on ne survivra pas si on ne change pas la donne et que l’on se mette au travail à proprement dire. Et dans ce contexte, la décision d’y faire dépend de la nature de celui qui tient le rôle de prendre cette décision. Et à ce jeu là, tout le monde aura compris dans quel marasme on se trouve. Bonne journée à tous.

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