Du Bosphore à la Tamise : Erdogan sauvé par la rue, Blair, blanc et criminel de masse

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Turquie2Saad Ziane. Dans  17 juillet 2016

Tayyip Erdogan est turc, islamiste, il a été élu de manière indubitable par une majorité d’électeurs turcs. Sa politique peut être discutée, sa légitimité non. Et même si le modèle turc à la Erdogan s’essouffle et s’égare dans une alliance peu glorieuse avec les monarchies du Golfe et dans une aventure dangereuse en Syrie, il vient de donner la preuve de sa résilience.

Un coup d’Etat a échoué en Turquie. C’est une excellente nouvelle. Que le bâton des manifestants l’emporte sur les chars des putschistes est réjouissant pour ceux qui ne défendent pas la démocratie à géométrie variable voire la démocratie qui exclue.

La Turquie moderne a connu de nombreux coups d’Etat mais on présumait qu’avec l’évolution de la société que cela ne serait plus possible. Ce n’était qu’une hypothèse – la démocratie n’étant jamais irréversible et pas uniquement en terre d’Islam – fondée sur le poids économique important pris par la bourgeoisie et les classes populaires anatoliennes qui ont bousculé la vieille Turquie. Et qui a remis aux institutions élues un pouvoir exercé de manière informelle par ce qu’on appelle « l’Etat profond ».

L’AKP sous la direction de Tayyip Erdogan incarne depuis deux décennies l’émergence d’une nouvelle génération de cadres politiques qui a cassé l’emprise de la grande bourgeoisie stambouliote aux liens puissants avec l’armée.

L’Etat profond, cette alliance informelle entre hauts gradés, magistrats et élites économiques (à laquelle il faut ajouter le poids des américains) a fonctionné comme une tutelle sur la population.

Dans le meilleur des cas, c’est une souveraineté limitée qui était concédée à la population, l’armée, bras armé de l’Etat profond, se chargeant de renvoyer les gouvernements qui déplaisent.

La montée de l’AKP était le signal que le vieil ordre était bousculé, ses réussites électorales répétées le confirmaient. Les institutions élues prenaient le pas sur l’informel et ce n’est pas les Algériens qui nieront qu’il s’agissait là d’une évolution qualitative. On peut discuter de l’autoritarisme, réel ou présumé, d’Erdogan, il est difficile de ne pas noter que les institutions fonctionnent.

Le plus remarquable est que les capitales occidentales contrairement aux «habitudes » ont réagi mollement comme si elles attendaient de voir l’évolution des choses pour s’exprimer clairement.

Les turcs qui sont sortis dans la rue l’ont aussi compris : il n’y a rien à attendre des démocraties occidentales, il faut défendre la démocratie dans la rue quand les putschistes l’attaquent. Jamais les occidentaux ne défendront la démocratie dans notre aire géo-civilisationnelle, ils préfèrent gérer des pouvoirs sans dimension populaire. Car ils savent que nos Etats profonds sont très superficiels.

Réjouissances prématurées

En Algérie, sur les réseaux sociaux, on aura eu l’espace d’une soirée comme un remake de janvier 92, avec des «démoncrates » qui se réjouissaient prématurément de la chute d’Erdogan. Cette disponibilité à se faire les zélateurs des coups d’Etat contre les électeurs libres qui «votent mal » n’est pas surprenante.

Ils ont ressorti le discours sur le mauvais choix des peuples, sur le fait qu’il ne faut pas laisser des analphabètes décider du sort de la nation. Ceux-là se pensent comme « l’Etat profond algérien » et ils ont piètre allure.

Ces gens-là haïssent le peuple (ils aiment utiliser les termes de populace, de Ghachi), le peuple, lui, les ignore. Ceux qui l’ont appelé en janvier 2011 à défendre la démocratie étaient ceux-là même qui l’ont attaquée frontalement en janvier 1992. Il y a plus que de la maldonne. Ces gens-là parlent une novlangue inconnue des Algériens.

Tony Blair, le mass-killer

Tony Blair est un blanc, il n’est pas passible de la Cour pénale internationale. Pourtant son bilan irakien – des centaines des milliers de morts, une nation disloquée et une créature nommée Daech- dépasse très largement les méfaits des dictateurs africains qui sont les seuls à avoir le déshonneur d’être jugés par le Tribunal pénal international.

Il reste le rapport de John Chilcott qui documente pour la postérité que la Grande Bretagne a été bien été gouvernée par un triste sire, un minable individu qui a menti et manipulé une partie de son opinion publique, l’autre était résolument contre la politique du «caniche de Bush ».

Ce rapport sur une crapule, travailliste présumé, n’avait pas comme objectif de faire les constats des malheurs du peuple irakien la démocratie transportée par des missiles de croisière et autres joujoux du complexe militaro-industriel. Cet aspect est évoqué de manière collatérale. L’objet principal du travail de la commission Wilcott est de déterminer si Tony Blair a servi les intérêts du peuple britannique qui l’a élu.

Non seulement, elle apporte la preuve qu’il a menti à son peuple sur les armes de destructions massives. Blair affirmait que l’armée irakienne pouvait les déployer en 45 mn, la précision destinée à faire peur. A chaque fois que le «centre » veut une guerre, il met en œuvre une stratégie de la peur. Et il met en action les médias pour assener les mensonges comme des évidences.

Qui se souvient des médias «embedded » qui répétaient exactement que ce les spins doctors voulaient. Les ADM, c’était une évidence. Le New York Time admettra après des centaines de milliers de morts qu’il a eu tort de se faire le porte-voix d’assertions mensongères. Mais cela ne change rien à l’histoire et rien n’indique que les choses ne se répéteront pas.

Tony Blair invoque, faussement, de mauvaises informations données par les services de renseignement. Or, les services de renseignements n’ont fait qu’obéir : on leur a demandé de justifier, par n’importe quel moyen, une guerre déjà décidée par Bush. Tout cela le rapport Chilcott le démonte et le démontre.

Ce ne sont pas les centaines de milliers de morts irakiens qui sont le sujet principal. Le rapport montre que Blair a pris l’engagement auprès de Bush, huit mois avant d’obtenir l’aval du parlement britannique. « Je serais avec vous quoiqu’il arrive ».

« Tony Blair n’a pas obéi au peuple britannique mais au président américain » note The Guardian, la vassalité assumée. Jusqu’au mensonge et la forfaiture. En 2012, Desmond Tutu a refusé de participer à une conférence à Johannesburg à laquelle assistait Tony Blair. Pour lui, dans « un monde cohérent », Blair et Bush devraient répondre de leurs actes devant un tribunal en raison des souffrances qu’ils ont provoquées.

Ces deux hommes ont mené une guerre criminelle sur la base de mensonges, ils ont « déstabilisé le monde et polarisé le monde à un degré jamais atteint par aucun autre conflit dans l’histoire ».

Tutu a raison. Blair est criminel mais il est un occidental, un blanc, il n’ira pas au TPI, cela on le laisse pour les africains. Mais pour l’histoire – et le rapport très british de sir John Wilcott le document : Blair est une infâme ordure, un tueur de masse impuni.

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2 Commentaires

  1. Salam 3alikoum

    Le rapport Chilkott est à prendre pour ce qu’il est réellement ,un lifting de l’histoire contemporaine Britannique ,il n’apporte rien de nouveau que ce que tous les médias ont répété depuis des années.

    Un hasard de sortie ,une tentative de repositionnement de la diplomatie ,un nouveau costume pour l’ex maire de Londres …….le tout sur un air d’enterrement d’une période peu glorieuse du génie Anglais la mise à mort d’un pays ,la destruction de ses frontières ,la mort de sa société ,le pillage de ses richesses et l’héritage d’une civilisation qui a tout donné à l’humanité.

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