Ma petite Nihal

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Ma petite Nihal, ce fut un choc de voir ton merveilleux sourire dans le journal.  Des barbares ont pris ta vie dans l’âge de l’innocence et de la pureté et je ne suis pas capable t’affronter ton regard car j’ai immédiatement détourné le mien de cette photo. J’aurais tant souhaité avoir le courage de répondre à ce visage illuminé mais devant l’ignominie de l’acte qui t’a emportée, je suis incapable de te donner l’explication de l’adulte, celle qu’il doit à un petit ange qui le questionne sur le pourquoi des choses.

Alors, j’ai pensé à un moyen détourné qui m’en donnera le courage. Je ne sais pas si tu vas me comprendre, vu ton jeune âge, mais tu feras comme toutes ces petites filles qui écoutent les adultes pérorer sans trop comprendre ce qu’ils racontent. A travers leur récit incompréhensible, tu as toujours appris à reconnaître le ton de la tendresse, celui qui réconforte et entoure de son câlin protecteur.

En ce jour, j’ai tellement envie de te prendre dans mes bras et t’embrasser de ce désir sain et dénué des sentiments abjects des monstres que tu as eu le malheur de rencontrer sur ta route. J’ai appris dans les articles de journaux que ton attache familiale était à Eckmuhl, un nom qui jaillit dans mon souvenir par l’image de l’école qui fut la mienne dans ce quartier, je devais à peine avoir ton âge.

Je t’aurais fait rire aux éclats si je t’avais emmenée faire un tour dans cet Oran que tu ne connais pas. Je t’aurais montré ce qui ne se voyait pas ou ne s’expliquait pas mais qui était dans nos têtes d’enfants. Les rêves et les projets, c’est cela la richesse de l’enfance et il n’y a pas d’époque pour les rencontrer, tu aurais eu les mêmes.

Je t’aurais fait faire la connaissance des deux lions de la place d’armes car, bien entendu, ces fiers jumeaux ne parlent qu’à moi, c’est toujours la prétention des souvenirs perdus. Je t’aurais montré cette montagne des lions où il n’y a, par contre, aucun lion.

Un mensonge aux petits-enfants, pas à toi qui semble si alerte sur cette photo. J’aurais essayé de te démontrer qu’il y a des marées à Oran en te convaincant de la différence du niveau d’eau entre le matin et le soir, au bas des embarcadères du port de pêche. L’instituteur nous a fait croire en cette réalité, tu y aurais été autant sensible car ce sont les yeux des enfants qui donnent existence
aux réalités.

Je t’aurais montré l’ancien arrêt du bus qui passe par Eckmul et dont on se prenait la tête, des heures durant, à comprendre pourquoi le « bus A » était le seul à Oran à porter une lettre alors que tous les autres avaient un numéro. Tu m’aurais accompagné pour voir cet aigle des Andes, au zoo municipal, dont nous croyions avec sérieux qu’il avait plané, de sa grandiose majesté, sur l’immensité des montagnes sud-américaines. Le pauvre ne pouvait probablement même pas franchir les hauteurs de Santa Cruz tant il était vieux, malade et perdait ses plumes dans une cage si étriquée qu’il ne pouvait les déployer.

Et puis je t’aurais dit tellement de bêtises de notre enfance que tu en aurais attrapé un fou-rire jusqu’à l’étouffement. Nous aurions passé des cassettes VHS, s’il en existe encore, d’un personnage horripilant dont nous nous moquions lorsqu’il arrivait à l’un d’entre nous d’imiter nos grand-mères. Elles l’écoutaient et ne comprenaient pas un traître mot de ce qu’il disait. Elles dodelinaient pourtant de la tête à chaque fois qu’elles entendaient de lui une évocation religieuse. Le pauvre Cheikh Zoubir, tu vas certainement le rencontrer, sois polie et n’éclate pas de rire aux souvenirs de mes paroles, je ne crois pas qu’il apprécierait.

J’aurais tellement voulu que tu grandisses dans ce pays, coquette et indépendante, libre de tes pensées , aussi prometteuses que ton joli regard. Tu avais l’âge d’échapper à une horrible crise doctrinale que ta génération aurait balayée car ce sont des poussées de fièvre qui ne résistent pas longtemps. Oran aurait apprécié ta beauté, ton intelligence et ta gaîté de vivre, dans un temps qui t’était promis légitimement. Mais des monstres en ont décidé autrement et je ne me précipiterai pas avec la meute pour réclamer la peine de mort, dans une indécence que certains n’ont pas hésité à brandir. Je t’épargne cette souffrance car ton souvenir ne doit être entaché d’aucune pensée barbare que nous laissons aux autres. Laisse ces mauvaises pensées aux adultes méchants et reste dans ton innocence angélique.

Quant au symbole que tu pourrais représenter, toi la petite kabyle qui vient s’inscrire à la prospérité dans la ville d’Oran, toute ma vie militante je l’avais rêvé mais pour une autre occasion que ta  disparition. Laissons cela également à l’indécence car ce n’est vraiment pas ce qui me pousse à m’adresser à toi aujourd’hui et certainement pas au regard de ton très jeune âge qui n’a pas à être confronté à ces considérations.

Ma petite Nihal, le temps m’a manqué pour te dire plein d’autres choses. Tu es partie la semaine où l’orbite de la Terre croise l’essaim des Perséides et nous vaut les fameuses nuits d’étoiles filantes. Ce soir, je lèverai la tête vers le ciel et, sûrement, je te verrai passer. Je ne me tromperai pas d’étoile, tu es la plus lumineuse d’entre elles, petite Nihal.

Pour une fois, ce sera bien la seule, je m’associe à tous ses prêcheurs qui ont accompagné ton passage vers l’au-delà pour confirmer ta place au Paradis. Mais pas pour les mêmes raisons invoquées car, pour moi, tu es l’image même du Paradis, pas besoin d’en rêver un autre…

SID LAKHDAR Boumédiene

Enseignant

6 Commentaires

  1. Comme tous les Algériens ,j’ai été bouleversé et même des larmes aux yeux en voyant la photo de ce petit ange arrachée a la vie par des mains criminels et une pensée pour ses parents , espère que les services de sécurité arrêteront rapidement les auteurs de ce crime impardonnable ,je suis d’accord pour la peine de mort pour le rapt d l’enfants ,puisse Dieu ,le tout-puissant ,accueillir la défunte en son vaste paradis .A Dieu nous appartenons et a lui nous retournons .

  2. Merci Monsieur pour ce texte, personnellement je n’ai rien à rajouter, si non que de prier Dieu en L’implorant de réserver à cet innocent enfant, cet ange, une place dans son vaste Paradis. Je ne pense pas qu’il existe un être humain doté de toutes ses facultés mentales qui ne soit horrifié et envahi de chagrin devant une telle monstruosité. Cependant ce crime nous montre combien l’être humain est faible, il nous ramène à notre juste dimension, à ce que nous sommes ou ce que nous sommes capables de devenir, dans le cas précis, je pense que c’est l’instinct animal qui a guidé le ou les instigateurs. Je me sens évidemment désarmé, je ne peux que me joindre à la famille de cet enfant dans cette terrible épreuve.

  3. Salam 3alikoum,

    Au delà de cette tragédie qui a fauché cette âme innocente et ébranlée toute la socièté .

    Il faut s’interroger sur l’état mental de notre société ,combien y –a-t-il de psychopathes qui peuvent se « réveiller » à n’importe quel moment et commettre des atrocités innommables.

    La solution est elle seulement aux mains des services de sécurité ,doivent ils être les seuls à réagir ,que font les autorités locales ,les associations de défense des citoyens ,le ministère de la santé ,les mosquées ces psychiatres qui déroulent des discours creux ?

    Encore un drame qui prend au dépourvu les autorités ,aucune parade ,hormis le code pénal?, ne semble pour l’heure être envisagée .Il y a des citoyens malades qui sont vraiment dangereux et dont la prise en charge est plus qu’urgente .

    Notre société est malade ,faut il importer des camisoles de force ?.

  4. e seul dispositif fiable qui puisse assurer la sécurité des enfants à mon humble avis ne peut être fourni que par leurs proches, notamment par leur présence constante et par l’éducation / Techniquement il est quasiment impossible aux services de sécurité de réduire à eux seuls ou venir à bout de ce phénomène , sans la participation de tous / Ce fléau n’est pas nouveau comme certains ont essayé de le faire croire ,mais qu’il existe bel et bien depuis la nuit des temps /:Les statistiques sont là pour le prouver/ Extirper ce mal de notre société ou autant vaut le réduire passe inéluctablement par l’implication parentale/ Les mots clés =PRÉSENCE CONSTANTE – EDUCATION QUASI-PERMANENTE et éventuellement signaler à qui de droit la présence inhabituelle ou suspecte d’un rôdeur devant les établissements scolaires ou domiciles, le devoir citoyen prime sur un perclus etre insignifiant, avachi,dépourvu de vigueur par lequel tous les malheurs du monde peuvent arriver, les exemples sont légions,que DIEU PROTEGE NOTRE OUMMA

  5. Cher M. Boumediène, Dieu a rappelé la petite Nihal à Lui, Il avait ses raisons. C’est à cela qu’il faut s’arrêter pour ne pas perdre la raison. Elle n’est plus à plaindre car comme vous dites, c’est un ange, partie trop tôt avec sa « fitra » intacte. Ses parents sont à plaindre qui vivront à jamais avec le film de ses dernières heures. Puisse Dieu les assister et effacer de leur mémoire ces horreurs qu’on ne nous a pas dites pour n’y laisser que les souvenirs que tout parent veut et a le droit de chérir. Des leçons à tirer, il y en a tellement! Non, pas la peine de mort, car alors cela voudra dire que d’autres vies seront parties, que d’autres monstres auront assouvi leur soif de sang. Intervenir en amont, éduquer. Et comme enseignant, vous avez un rôle central. D’autres petites auront besoin que vous leur racontiez… Alors attelez-vous à la tâche, elle est grande, ô combien!

  6. Depuis maintenant l’arrivé de Monsieur Bouteflika, tous genres de voyous sévissent, des jeune délaisser drogués esprit criminels font leurs lois dans les parkings comme dans la rue, les pus faibles sont souvent les victimes « femmes, enfants etc.. » figurez que notre police nationale au lieux de punir les criminels elle songe a quitter les stades de foot encore cette année??!!c’est lieux ou se trouve p^lus de criminels, manque d’éducation de jeune vulgaire la mal vie les a poussés a devenir méchant, ainsi leurs exclusion de nos écoles et les causes sont muliptiples, sont souvent aussi au volant conduisent comme des criminels des dangereux qui trainent en toute liberté!au lieu de les soigner bref on est entre le marteau et l’enclume » nous gens honnêtes entre corrompus et jeune délinquants, cette expression : moi vole ton bien, et toi je te laisses faire ce que tu veux.le problème est en haut.

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