Qoffa

3
2018

QoffaKamal Almi

Qoffa قفة, panier, aḍellaɛ… Appelez ça comme vous voudrez : pour moi, c’est le réconfort des marchés hebdomadaires que cela évoque.
Celui de Djamaâ Lihoud où je ne portais jamais rien, avec Lemmima (la tante paternelle qui a élevé mon père, moi en partie et un peu mon frère cadet), Allah yerhamha.
Le marché de Laâqiba ensuite, avec mon père, que Dieu le garde, où mon panier se remplissait bien plus tôt que le sien, tendre exercice d’endurcissement que je maudissais de moins en moins et qui, finalement, ne m’a jamais été utile, j’ai gardé des mains lisses et tendres de damoiseau…
À onze ans, ce fut seul que j’affrontais la faune de Laâqiba, mais déjà reconnu oulid âammi Es-Salah, les retours avec deux paniers pleins à craquer via le téléphérique de Diar El Mahçoul et l’autobus 35 de la RSTA. Et quelque chose pour les couvrir avant de quitter le marché : non pas pour cacher mes modestes emplettes aux regards inquisiteurs d’une voisine dont la fille me suivait dans les escaliers pour toquer à la porte derrière moi et nous «emprunter» un oignon ou une tomate, mais «es-sotra m’liha, ya wlidi», a toujours dit ma tendre mère.
Un temps plus tard, réopéré à la hanche, mon père était désormais interdit de porter des charges de plus de 5 kilos et nos couffins et nous allions à Bach Djarrah.
Ce précieux cadeau m’accompagne désormais au marché Jean-Talon, à Samy-Fruits, à Inter-Marchés ou encore chez Rizwane ou Al-Baqqar, Coralie, Hamel, voire Tassili, Al-Kheïr, Adonis ou Akhawane… et partout, à Montréal et alentours, je croise à chaque fois un regard ravi, du couffin vers ma gueule, un clin d’œil complice ou simplement un sourire, quelque fois un «Salamalikoum !» coloré, une entame de discussion directement en arabe, et je te sors mon plus bel accent algérois avec une fine couche d’huile d’olive, je ne sais d’où venue, et les mots suivent les rires qui font une entaille dans le ciel bas des jours de neige et nous écartelons, parfois à plusieurs, ces maudits nuages pour rajouter de force à nos belles et froides emplettes quelques rayons de soleil droit venus de là-bas… Je me crois alors en halfa, pull marin, tchelliq lebla et stamboul, le mégot au bec et la menthe à l’oreille ! «Hayli, dounek douni… !»
Puis… puis les femmes sonnent le tocsin, il faut partir, faire à manger, etc. Alors nous lissons les nuages comme on fait son lit à l’armée, nous échangeons – sans grandes conviction – nos numéros, nos prénoms et nos promesses enflammées et sans lendemains de chasser l’hiver pour de bon. Au revoir ? Au hasard !
Je te le dis : un couffin, ce n’est jamais rien.

3 Commentaires

  1. Bonjour à tous,

    Le couffin dans l’image coûte 1200 DA. Il est garanti solide à ses prises pour faire son marché. Quelqu’un a rétorqué au vendeur qu »il n’a pas besoin qu’il soit solide aux prises du moment qu’il ne sera jamais rempli et qu’il ne pèsera jamais lourd. Juste quelques agrafes suffisent. Bonne journée à tous.

    • Saha 3aidkoum,

      Il n’a plus le cou aussi fin ,avec la famille qui se réduit comme une peau de chagrin ,la valse des prix et la qualité/ l’origine douteuse des légumes ,il y a longtemps qu’on a tordu au couffin son fin cou ,lui qui ne polluait pas ,cultivait la discrétion a cédé très vite sa place au …sachet.

  2. sans oublier leqfifa, et le filet qui nous rappelle les belles années des marchands honnêtes et de métier à travers les marchés de la capitale. De nos jours le sachet nylon noir (quelle laideur) a balayé toute une épopée et des marchands véreux, avides de s’enrichir rapidement et n’ayant aucune notion avec les fruits et légumes qu’ils revendent en troisième ou quatrième main. Leur caractéristique commune, toujours sales leur étalage mal ordonné, et surtout ne touche pas à mon produit, sans affiche des prix dans la plupart des cas. A dieu leqfifa, et ce sachet noir aille en enfer.
    Merci pour ce rappel idyllique Kamel et bon souvenir du pays ensoleillé dans le ciel, qui n’a plus aucune influence positive sur les esprits noircis comme le sachet

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