La soif du pouvoir en Algérie !

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pouvoir et patrie

Youcef L’Asnami

« Le président Bouteflika (re)inaugure l’Opéra d’Alger et le rebaptise au nom de Boualem Bessaïh ».

C’est par ce titre que le Huff Post d’Algérie commenta son article relatif à la récente (re)inauguration de l’Opéra d’Alger par fakhamatouhou. . On imagine la difficulté du rédacteur de ce titre à utiliser un autre mot pour évoquer la répétition. D’où l’utilisation du préfixe « Re ».

Parce que cet Opéra avait déjà été inauguré  le 20 juillet dernier par Abdelmalek Sellal.

A travers cet « événement » de communication très médiatisé, le « Système » voulait t-il lancer le nième message prouvant que le Président va bien et qu’il gouverne ? Peut-être. D’habitude, pour des événements beaucoup plus insignifiants, les medias audiovisuels nationaux nous passent des extraits des échanges entre les ministres et les acteurs concernés par une inauguration ou la pause d’une première pierre d’une infrastructure. Là, nous avons eu droit à de tristes images d’un Président assis et très entouré par les officiels à qui il semblait parler.

Pourquoi ce maintien au Pouvoir ? « J’utilise Pouvoir avec P majuscule pour Pouvoir Politique. Là où les égos plus que l’altruisme guident les ambitions » écrivait Beuvelet sur son compte Twitter.

Bouteflika est à la tête de l’Etat depuis 17 ans, 5 mois et 28 jours. A part la prestation du serment suite à sa quatrième réélection en avril 2014, dont on garde l’image d’un Président affaiblie et à la voix tremblante, Bouteflika ne s’est pas adressé directement à son peuple depuis 4 ans, 5 mois et 17 j. Un record ! Cette prestation de serment est une rude épreuve rendue obligatoire par la constitution et à laquelle beaucoup ont compati. Bouteflika aurait peut être gagné en estime s’il avait quitté dignement le Pouvoir. A moins que le Système l’eut forcé à se maintenir en attendant l’émergence un autre messie.

Alors pourquoi cette soif du pouvoir ? Question légitime pour un pays où la gestion des affaires courantes prime sur l’anticipation et la gestion du futur.

Après tous les fantasmes liés à « Rab Dzair », et après son éviction, nous voilà de nouveau confronté à ce questionnement permanent. Qui gouverne en Algérie ? Pourquoi laisse-t-on un Président malade au pouvoir ? N y a-t-il pas d’alternative crédible ?

« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser jusqu’à ce qu’il trouve des limites. » disait Montesquieu. Quelles sont ces limites pour ce qui nous concerne ? Le peuple serait-il résigné ? On se souvient que Bouteflika a été reconduit pour un quatrième mandat dans un contexte de troubles dans le monde arabo-musulman et que le principal argument de la campagne présidentielle animée par le Premier ministre SELLAL reposait essentiellement sur le choix de la stabilité avec en toile de fond un presque chantage à la peur en mettant en avant le spectre de la guerre civile. Il n’y avait pas programme politique proprement dit. La campagne était axée essentiellement sur le « bilan du Président » exagérément loué sans mise en perspective des entrées financières permises par rente énergétique dont on est encore dépendant depuis des années. Et une grande partie du peuple, qui a si enduré pendant la décennie noire, avait été sensible à cet argument.

Dans cette campagne, on n’a pas vu de projet de société, ni de projets pour la jeunesse qui représente plus de la moitié de la population et qu’on a illusionné par ces projets ANSEJ dont les bilans sont peu communiqués, ni de projet éducatif, ni de débat sur la dépendance alimentaire du pays et encore moins sur la politique maghrébine qui se limite à cet insoluble problème du Sahara Occidental qui a pourri la vie des deux peuples marocain et algérien. La pauvreté de l’argumentation pour défendre le 4eme mandat, avec une opposition politique de façade,  est restée dans les mémoires.  Non ! Bouteflika n’a jamais été le candidat du FLN ni du RND. Ce sont ces deux partis qui sont candidats du Président ! Leur allégeance au Système est à la hauteur de leur médiocrité. La récente éviction du Drabki du SG du FLN, un non-événement de fait,  en est la parfaite illustration.

Tiraillé entre un Orient décadent et un Occident conquérant, l’Algérien ne sait plus où est sa place. Les quelques acquis sociaux économiques des années 70 et 80 et surtout éducatifs  ont quasiment disparu, laissant place à une navigation à vue, sans perspective réelle de sortie de crise, les yeux toujours rivés sur l’évolution de la courbe des prix du pétrole.

Dans son dernier roman d’anticipation  « La morsure du Coquelicot » Sarah Haider nous prédit une révolte armée en Algérie dans un avenir proche. « Elli yahssab wahdou yefdhalou » dit un dicton bien de chez nous ! Du moins aussi longtemps que les réserves de change restent confortables.

Bien sûr que Bouteflika n’est pas le seul homme politique à s’accrocher au Pouvoir. De nombreux Etats d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ont connu cette soif du Pouvoir. Mais on se souvient des tristes fins de Benali en Tunisie, Kadhafi en Libye ou Hosni Moubarek en Egypte.

Même en France, et malgré leurs incroyables impopularités, Hollande et Sarkozy s’accrochent presque désespérément au Pouvoir qui symbolise pour eux la raison même de leur existence au point où ils finissent par l’assimiler à leur fonction. On se souvient de Georges Pompidou et de François Mitterrand, qui, malgré leurs maladies, se sont accrochés au Pouvoir, le premier jusqu’à sa mort et le second déclinant un 3eme septennat.

Fidel Castro, malade lui aussi, a fini par quitter le pouvoir en février 2008 après 49 ans de pouvoir quasi absolu. Et ce sera son frère (demi ?) qui le remplacera ! Risque -t-on la même destinée en Algérie ? Quelques voix se sont élevées récemment pour défendre une éventuelle candidature du frère du Président à la magistrature suprême. Un ballon d’essai du Système pour jauger l’état de l’ « opinion publique ». Galhoum Oscar Wilde « L’opinion publique n’existe que là où il n’y a pas d’idées. ».

Si les réserves de change accumulées pendant la période faste des prix du pétrole et du gaz permettent une relative paix civile, on est en droit de s’interroger sur les limites de cette paix.

Lorsque Lord Acton affirmait que  « Le pouvoir tend à corrompre, et le pouvoir absolu corrompt absolument. Les grands hommes sont presque toujours des hommes méchants », on ne peut qu’y adhérer. Beaucoup d’Algériens se trouvent dans un vrai dilemme : avoir de la compassion pour un homme affaibli qui « aura beaucoup fait pour la stabilité de l’Algérie » et le nécessaire renouvellement de la classe politique qui gère notre pays.

Compte tenu de l’absence d’une vraie opposition politique en Algérie, dont beaucoup de représentants  pointent à la « mangeoire » du Pouvoir, le salut viendrait peut être  de la « société civile » qui ne manque ni d’hommes intègres ni d’idées pour sortir le pays de sa léthargie.

Des cercles de réflexion sur les vrais problèmes que traverse l’Algérie existent mais sont inaudibles, car exclus des grands médias. Les organisations caritatives qui luttent au quotidien pour assister les malades, les sans abris, les chômeurs, celles qui luttent pour la préservation de notre environnement peuvent afficher fièrement les bilans concrets de leurs actions avec peu de moyens.  Des personnalités apolitiques qui proposent de vrais pistes de réflexion sur notre économie, nos identités, nos systèmes de santé, bancaire, éducatif, de répartition de la richesse nationale restent méconnues par le grand public. Et pourtant c’est cela la vraie richesse d’un pays : le capital humain !  Elle a un immense avantage sur la richesse matérielle : elle est durable !

5 Commentaires

  1. Bonjour à tous,

    On devrait poser le problème de notre pays d’une autre manière. La manière qui voudrait qu’on intègre la nature humaine. Il faut remonter au temps de la guerre de libération et partir de là en mettant les différents jalons tout au cours du temps jusqu’à nos jours. « La soif du pouvoir » est née avec « la soif de s’enrichir » et « la soif d’assurer la pérennité dans le luxe à sa famille et à son entourage ». Il suffit alors de se poser la question suivante. Lorsque des hommes, peu importe leurs rangs, ont la possibilité (ou trouvent le moyen) de s’enrichir en affichant une vitrine « loyale » (c’est à dire en trompant le peuple et en usant de traîtrise), s’abstiendront ils d’aller au bout de leurs idées? Après c’est juste une histoire d’entretien. Un système ainsi crée demande juste à être entretenu. L’enrichissement appelant d’autres enrichissement inlassablement. Et bien évidemment, cela passe par la tenue du pouvoir exclusif. le reste par la suite est juste une question d’ajustement envers tous les subalternes qui se bousculent aux portillons afin de recueillir quelques miettes. Cela fonctionne à merveille chez nous. Bonne journée.

  2. BIEN SUR QUE LE POUVOIR SANS REMPARTS CORROMPE ET CHEZ NOUS C EST CETTE IMAGE DE DISTRIBUTION DES RICHESSES QUI A MIS LE PAYS DANS CET ETATDE PRECARITE POLITIQUE , economique et sociale, n’est-ce pas L’EXEMPLE LE PLUS EXPRESSIF DE LA CORRUPTION? L ACHAT DE LA PAIX SOCIALE EST LA PREMIERE « RACHOUA » uniquement pour se maintenir au pouvoir et tous nos dirigeants le font sans retenue…d ailleurs en acceptant le « reechelonnement » DE LA DETTE EN 1994, nos dirigeants evitaient soigneusement de presenter un plan de reajustement rationnel susceptibles de montrer leurs impopularites et preferaient dire que c est le fmi Alors que tout le monde sait que l’FMI N’intervient que lorsque le pays debiteur ne veut pas ou ne peut pas presenter de solutions ….le professeur BENYESSAD A REJETE LE REPROFILAGE…MAIS LES DECIDEURS NE VOULAIENT PAS MONTRER UNE IMPOPULARITE QUELCONQUE ET LA AUSSI C EST UNE FORME DE CORRUPTION VOIRE DE TRAHISON ….

  3. M. lasnami quoi vous dire. je vous suis depuis longtemps. je suis épatée par la neutralité et la distance que vous mettez en publiant des articles très critiques tres documentés et sans exces. Vous avez une faculté extraordinaire d’écrire simplement en rapportant des faits avant de les commenter sur un ton que j’apprecie. Les citations que vous rapportez sont extraordinairement bien adaptées a vos articles. Cet article est plein de vérités. Je ne sais pas comment vous avez compté le nombre de jours de présidence de Bouteflika avec une telle précision. je regrette une chose : que vous ne publiez pas en arabe pour faire profiter le maximum de jeunes de vos reflexions tres pertinentes. je me suis amusée une seule fois a traduire un de vos articles pour des amies enseignantes mais la tache n’étais pas facile car vos tournures de phrases où vous melangez l’arabe dardja avec l’accent de l’Ouest et le francais sont intraduisibles ou alors perdraient de leur charme.Alors svp juste une fois ecrivez en arabe pour que les jeunes puissent suivre vos reflexions. J’ai beaucoup aimé la conclusion de cet article. Il y a que la richesse humaine qui est durable en effet que ce soit au niveau des Etats ou meme des individus. Je suis plus réservée sur la sauvetage du pays par la société civile que vous ne definissez pas. Les associations sont nombreuses mais souffrent elles quelquefois de leurs divisions et de rivalités personnelles. J’en sais quelque chose. Mais je partage vore avis que Bouteflika serait parti avec dignité s’il avait quitté ses fonctions es qu’il ne pouvait plus parler. Encore une fois merci à vous de nous eclairer. ZM

  4. GANDI à dit « je peux mourir pour toutes les causes justes mais, il n’y-a aucune cause pour laquelle je peux tuer…. » c’est une véritable prophétie…

  5. Bonjour à tous,

    Par Habib khalil du journal le matin d’Algérie.

    L’alliance entre le clan Bouteflika et les militaires, à leur tête le général et vice-ministre de la Défense Gaïd Salah, semble prendre une autre tournure. Selon un article de Monde Afrique (*), il y aurait comme une guerre ouverte qui a lieu actuellement en secret.

    Le DRS qui fut l’ennemie commun des deux clans étant anéanti, les différents semblent refaire surface. « Sur ces décombres, on va assister à une formidable guerre de tranchées entre les principaux clans qui constituent le pouvoir algérien …Or la belle alliance scellée contre Toufik a explosé depuis longtemps », écrit le journal.

    Il serait même décidé, dans les sphères militaires que le successeur de Bouteflika ne serait jamais Saïd, son frère. Ni même l’ex- premier ministre Ouyahia qui fut un proche collaborateur des services secrets Algériens, ni encore moins le général-Hamel proposé par le clan Bouteflika. Le journal rapporte que lors d’une réunion entre une trentaine de généraux, il y a un an, Saïd Bouteflika, présent dans les lieux de la rencontre, est prié tout simplement de quitter la salle. « En début de réunion, le frère du Président, Saïd Bouteflika, qui joue les régents au Palais de Zéralda transformé en maison de cure médicale pour son frère président et qui se pose clairement, lui aussi, comme un possible successeur, est prié de quitter la salle avant que l’assemblée ne délibère ». Les hostilités étaient officiellement lancées !

    Il faut dire que les ambitions présidentielles de Gaïd Salah ne sont secrètes pour personne. Malgré son âgé avancé, on lui prête des ambitions autrement plus importantes que celles qu’il tient déjà. « Protégé par une collégialité largement formelle, Gaïd Salah a pu continuer avancer masqué. Ou presque masqué », pouvait-on encore lire.

    Le clan Bouteflika qui a tenté en plaçant le général Tartag comme nouveau patron du DRS, afin de le contrôler, aurait vu son projet tomber à l’eau, puisque Gaïd Salah aurait réussi « sous de vagues prétextes fonctionnels, à obtenir le déménagement des services de Tartag dans les locaux de l’Etat-Major. »

    Afin de reprendre la main, Saïd Bouteflika aurait essayé de faire «monter les enchères et tenter un coup de force contre Gaïtd Salah. Le nom du général major Chentouf, le commandant des forces terrestres, est donné favori. Il dispose d’une qualité essentielle : il est natif de l’Ouest du pays comme le chef de l’Etat qui joue volontiers de ses réseaux régionalistes.»

    Gaïd Salah aurait déjoué alors, les plans de son éviction. « Et cela d’autant plus aisément qu’il dispose, dit-on, du soutien à des Américains. Ce qui ne l’empêche pas d’ailleurs d’acheter de l’armement russe ! »

    Conclusion de l’article : l’équilibre semble rompu, et la force serait du côté des militaires. Le clan Bouteflika, qui n’a l’appui que d’une partie des « milliardaires du patronat algérien, aura du mal à l’emporter contre une armée qui échappe désormais à l’emprise des services spéciaux. » Il paraît même que le clan de Tlemcen, aurait demandé le soutien de l’ancien président Zeroual, « histoire de contracter pour le clan de l’Ouest, une alliance avec des dignitaires originaires des Aurès. »

    Bouteflika qui comptait sur l’appui de la France en échange de certains privilèges politiques et économiques, serait bientôt orphelin des socialistes, lui et son premier ministre Sellal. « Hélas, l’atmosphère de fin de règne de Hollande rend moins fringant « le parti de la France » qu’a pu incarner pendant un temps le clan Bouteflika. »

    Dans toute cette histoire rocambolesque, de machination, de guerre de pouvoir, d’ambitions nombrilistes et claniques, c’est le choix du peuple qui semble absent de leurs annales. À les voir s’entre-déchirer pour le contrôle du pays, on se demanderait s’ils ne considéraient pas l’Algérie comme une tarte, un no-mans-land qui appartiendrait au plus fort, au plus prompt ou au plus malin. Peut-être qu’un jour le peuple algérien se souviendra qu’au départ, cette terre meurtrie leur appartenait.

    Hebib Khalil

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