Feuilleton. Les Tagarins comme dans un moulin

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Publié par Saoudi Abdelaziz

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Siège du MDN aux Tagarins alger. Photo DR
Siège du MDN aux Tagarins. Photo DR

De temps en temps, le paysage médiatique est zébré d’éruptions sensées émerger des cercles clos du pouvoir. Faisant fi du secret-défense, elles font les délices nihilistes des citoyens-spectateurs désoeuvrés.

La fin de l’épisode d’automne du feuilleton au long cours « Saïd contre Salah », vient d’être sifflée par l’organe central de l’ANP. Ceux qui pensent ou disent qu’il y a un bras de fer entre le Commandement de l’armée et « certains autres cercles du pouvoir » se trompent lourdement, affirme un article publié dans le dernier numéro de la revue El Djeich.

Les médias vont donc rengainer leur rengaine. En attendant le prochain vrai faux scoop qui permettra au citoyen-spectateur de vivre intimement devant son écran la « Révolution permanente dans le système ». Qui a dit qu’il y avait une stagnation politique en Algérie?

« Guerre féroce entre Saïd Bouteflika et Gaïd Salah«  titrait Mondafrique, le 15 novembre 2016 au plus fort du mélodrame.  Nicolas Beau  à qui il arrive de trinquer et faire affaire avec Bernard Squarcini*, patron des services de renseignement français sous Sarkozy, écrit : « Saïd Bouteflika, le très influent frère du président algérien, et Gaïd Salah, le tout puissant chef d’état major, se livrent une guerre sans merci pour la succession en tentant de multiplier les alliances claniques (…).

 » Durant l’été dernier, Saïd Bouteflika fait monter les enchères et tente le coup de force contre Gaït Salah. Le premier militaire pressenti pour remplacer le vice ministre de la Défense est le général Ben Ali Ben Ali. La manoeuvre est déjouée par Gaïd Salah qui le promeut général de corps d’armée, le plus haut grade de l’armée algérienne, et le nomme commandant en chef de la garde républicaine, en charge de la sécurité du président Bouteflika. La voici neutralisé. Le nom du général major Chentouf, l’actuel commandant des forces terrestres, est donné favori. Il dispose en effet d’une qualité essentielle, il est natif de l’Ouest du pays comme le chef de l’Etat qui joue volontiers de ses réseaux régionalistes. La journaliste d’El Wattan, Salima Tlemçani, surnommée « la générale » dans les couloirs du grand quotidien algérien en raison de sa proximité supposée avec le DRS, n’hésita pas à annoncer que les jours de Gaïd Salah étaient comptés. Ce qui n’a guère empêché le chef d’Etat Major, averti des sombres desseins du clan Bouteflika, de rester en fonctions malgré ses quatre vingt deux ans. Et cela d’autant plus aisément qu’il dispose, dit-on, du soutien à des Américains. Ce qui ne l’empêche pas d’ailleurs d’acheter de l’armement russe ! »

Ya ben âmi, le Beau il en sait des choses…

Le scénario inaugural de cet épisode du feuilleton « Saïd contre Salah » fut sans doute l’article de « la générale » Salima Tlemçani auquel fait allusion Nicolas Beau, paru le 26 octobre dans El Watan. Cet article, ci-joint, est déclaré forbiden sur le site électronique du quotidien.

Après l’éviction de Saadani
Quel avenir pour Gaïd Salah ?

Par Salima Tlemçani, le 26 octobre 2016. El Watan

Le départ de Amar Saadani ne serait pas un acte isolé. Il augure une longue liste de partants dans la sphère militaire et politique. Ces «purges» replacent le centre du pouvoir à El Mouradia, dont le locataire apparaît médiatiquement pour affirmer la légitimité des décisions qui devront tomber à court et moyen termes. L’option du 5e mandat se préciserait-elle ?

Même si la «démission» de Amar Saadani du poste de secrétaire général du FLN était prévisible, elle reste néanmoins annonciatrice d’un nouveau recadrage du centre du pouvoir, désormais revenu au locataire d’El Mouradia qui, subitement, réoccupe l’espace médiatique avec une image plus ou moins soignée. Pour les plus avertis, elle augure d’autres «décisions aussi importantes» qui pourraient éclairer sur l’agenda 2019.

«Amar Saadani a bel et bien été débarqué de son poste. Lui-même l’a confirmé en demandant aux membres du comité central, lors de son discours de clôture de l’assemblée ordinaire, si l’un d’entre eux voulait son départ. En fait, l’ex-secrétaire général du FLN voulait tout simplement dire à ses détracteurs que son départ n’est pas le fruit d’une revendication de la base mais plutôt celui d’une décision en haut lieu», expliquent des sources proches du parti.

Pour elles, «l’erreur de Amar Saadani a été de s’être empêtré dans une logique suicidaire. Il s’est mis du côté du plus puissant, en l’occurrence le vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’Anp, Ahmed Gaïd Salah, tout en continuant à parler au nom du Président. Ses déclarations sulfureuses ne cessaient de faire grincer les dents en haut lieu et les plus récentes de ses attaques ont provoqué la colère».

L’autre erreur du vice-ministre de la Défense nationale

Nos interlocuteurs expliquent qu’entre Saadani, secrétaire général du parti de la majorité, et le vice-ministre, dont la concentration des pouvoirs est devenue source d’inquiétude, «les relations n’ont jamais été aussi fortes que ces deux dernières années durant lesquelles les absences du Président étaient aussi nombreuses que longues et son état de santé objet de polémique. Cette situation de vacance a aiguisé les appétits et fini par engendrer l’émergence de deux centres de pouvoir, l’un à El Mouradia et l’autre aux Tagarins, poussant tous ceux qui gravitent autour du sérail à se positionner pour l’un ou l’autre, même si tout ce monde voue respect inconsidéré au Président.

Le choix de Saadani s’est porté sur le tout-puissant vice-ministre de la Défense, lequel, en violation du principe de neutralité de l’armée, le fait savoir à tous en lui adressant un message public de félicitations à l’occasion de son élection à la tête du FLN». Une autre erreur que le locataire d’El Mouradia a du mal digérer, nous dit-on. Sa réponse a été d’envoyer la même lettre, mais à Ahmed Ouyahia, directeur de son cabinet, fraîchement élu à la tête du RND, qui venait de faire l’objet d’un chapelet d’insultes et d’accusations proférées par Amar Saadani lors de ses sorties médiatiques.

En multipliant les erreurs et en s’attaquant y compris aux institutions et aux symboles de la Révolution, Amar Saadani a scellé son sort. Son débarquement du FLN était, pour El Mouradia, une question de temps, voire d’opportunité. Tout comme le départ du vice-ministre de la Défense.

«Avant même le dernier remaniement gouvernemental, il était question qu’il soit nommé ministre de la Défense et que l’état-major de l’Anp soit confié à quelqu’un d’autre, dont le nom était déjà prêt. Cette proposition a fini par être écartée», précisent nos interlocuteurs, sans toutefois être plus explicites.

Mais les dernières déclarations de Saadani semblent avoir précipité les événements. «Les propos du secrétaire général du FLN ont fait l’effet d’une bombe et suscité de la colère à El Mouradia, dont le locataire est président du FLN et tout ce que pourrait dire Saadani peut être interprété comme suggéré par Bouteflika. En fait, à travers sa dernière sortie médiatique, Saadani a donné l’opportunité à El Mouradia de le mettre hors service définitivement. Ses dérives se sont accumulées et son maintien à la tête du parti risquait de faire éclater le FLN et de compromettre les échéances électorales prochaines. La décision de le débarquer était inéluctable», révèlent nos sources.

L’option du 5e mandat se précise

Cette décision n’est pas isolée. D’autres mesures pourraient suivre dans les mois prochains ou, nous dit-on, probablement juste après les élections législatives. Les dernières sorties médiatiques du président de la République et la multiplication des audiences accordées aux officiels étrangers en visite à Alger pourraient être interprétées comme des messages importants destinés aussi bien à ceux qui se projettent dans l’échéance de 2019 qu’aux partenaires de l’Algérie. De nombreuses sources bien informées partagent cet avis.

Pour elles, «les images d’un Bouteflika en train d’inaugurer un centre de conférence international ou un opéra, d’applaudir, de parler, d’entendre et de suivre un concert durant près de deux heures constituent la preuve que les décisions importantes qui vont tomber sont bel et bien signées de sa main et ne sont pas l’œuvre de son entourage, plus précisément son frère ou encore son directeur de cabinet, Ahmed Ouyahia, qui, faut-il le souligner, est en désaccord aussi bien avec Saadani qu’avec Gaïd Salah», notent nos interlocuteurs.

Désormais, soulignent ces derniers, le locataire d’El Mouradia «revient en force. Et l’enjeu n’est autre que le rendez-vous de 2019».

Visiblement, les jeux de cette échéance de 2019 semblent déjà fermés. Des voix s’élèvent depuis quelques semaines pour soutenir l’option d’un cinquième mandat. La première a été celle de de Abdelkader Bassir, président de l’Organisation nationale des zaouïas, suivie par celle de Amara Benyounès, président du Mouvement populaire algérien (MPA), avant que le tout fraîchement élu secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, n’exprime publiquement lui aussi son soutien à un cinquième mandat de Bouteflika, «si Dieu prolonge sa vie», dit-il.

L’idée lancée, il ne resterait pour le clan présidentiel qu’à «travailler» la base, les partis politiques et les organisations composant l’alliance présidentielle pour la concrétiser en éliminant tout «cavalier potentiel». Ce qui aurait été qualifié de «complot» contre le Président semble déjoué et tout comme Amar Saadani, le tout-puissant vice-ministre de la Défense nationale serait sur une longue liste de partants, pour ne pas dire de purges, qui garantirait «un scrutin taillé aux mesures du candidat-Président», conclut une de nos sources.

Source : Cet article étant devenu forbiden sur le site d’El Watan, on peut le lire sur Algerie-dz.com

*Nicolas Beau ancien journaliste d’investigation devenu patron de presse électronique a été mis au devant de l’actualité à l’occasion des révélations du sulfureux homme d’affaire Alexandre Djouhri, ami de Sarkozy, parues sur Mediapart le 14 novembre 2016:

« Des écoutes judiciaires montrent aujourd’hui comment l’intermédiaire Alexandre Djouhri, proche de Nicolas Sarkozy, n’a cessé d’orchestrer les démentis et les contre-offensives médiatiques, main dans la main avec des journalistes et des patrons de presse.
Au cours de l’enquête financière, la police a aussi retrouvé un virement de 250 000 euros envoyé le 29 mars 2010 au groupe du site d’investigation Bakchich par l’avocat Mohammed Aref, pour le compte d’Alexandre Djouhri.

Les apports de fonds de l’intermédiaire au journal avaient été révélés en septembre 2011 par Pierre Péan dans un livre consacré à Djouhri, mais ils étaient à l’époque contestés par le directeur de Bakchich, Nicolas Beau, un ancien journaliste du Canard enchaîné. (par ailleurs patron de Mondafrique, ndlr)

Dans un livre paru le mois dernier (Les Beurgeois de la République, Seuil), le journaliste reconnaît finalement l’épisode.

L’entrée au capital de Bakchich, pour un total de 400 000 euros, a été scellée lors d’une rencontre organisée par Bernard Squarcini, patron des services de renseignement intérieur sous Sarkozy, à l’hôtel Bristol avec l’intermédiaire, raconte-t-il. « L’accord fut conclu au troisième verre de Bordeaux », précise-t-il, sans regrets apparents. « 

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