Quelle relation entre Mohamed Abdelkrim El Khattabi et les révolutions cubaine et algérienne ?

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Photo : Aït Ahmed et l’auteur.

Par Rachid RAHA

La disparition de  «el lider maximo » Fidel Castro, qui accapare en ce moment les unes de l’actualité mondiale, m’ a poussé à poser cette question suivante : y a-t-il des relations entre la révolution nationaliste de Mohamed Abdelkrim El Khattabi et la révolution cubaine ? Posons la question sous un autre angle : pourquoi Che Guevara a absolument tenu rendre visite à Mohamed Abdelkrim El Khattabi lors de sa visite au Caire ? Il parait qu’il y ait eu même une photo immortalisant la rencontre de ces deux plus grands révolutionnaires de tiers monde, Abdelkrim et Che, et que Jamal Abdenasser aurait confisqué pour qu’elle ne voit jamais le jour !

On parle beaucoup de l’influence de la révolution populaire des rifains des années vingt sur les révolutions asiatiques de Vietnam et de la Chine, et rien sur les autres révolutions comme la cubaine en Amérique latine, ou encore plus prés du Rif, de la révolution algérienne. Effectivement, Mohamed Abdelkrim El Khattabi avait inspiré directement Ho Chi Minh et Mao Tsé Tong à cause de sa stratégie de la guerre de guérillas, pour avoir tenu à l’échec durant cinq ans deux grandes puissances coloniales, de 1921 à 1926, à savoir la France et l’Espagne.

Alors, comment se fait-il qu’Abdelkrim aurait dû influencer la guérilla cubaine contre la dictature du Général Fulgencio Bautista en 1959, alors que Fidel Castro est né précisément en 1926, l’année de la reddition d’Abdelkrim aux militaires français? La réponse, je l’ai eu en lisant une biographie de Fidel Castro, lorsque j’étais étudiant à Bordeaux dans les années quatre vingt, écrite par un agent de la CIA, en l’occurrence  Tad Szulc   (Référence : Castro : trente ans de pouvoir absolu, Payot, 1987). Ce dernier raconte que les révolutionnaires cubains ont été entrainés à la guerre de guérilla au Mexique par un certain Coronel nommé Alberto Bayo. Celui-ci, étant officier de l’armée de l’air d’Espagne, avait le mérite de participer directement à la Guerre du Rif contre les guerrilleros rifains. Du fait d’être républicain, il a participé ensuite à la Guerre Civile d’Espagne de 1936-1939. Durant cette guerre fratricide, il a essayé de conseiller en vain les révolutionnaires espagnoles à entamer la stratégie de la guerre des guérillas contre l’armée nationaliste putschiste de Francisco Franco. Etant un expert de la guérilla dans les Iles Baléares, il se réfugie en Mexique après la fin de la Guerre d’Espagne. Et là, il sera sollicité pour son expérience, et l’expérience de la Guerre des tribus rifaines qu’il combattait, par Fidel Castro et son compagnon argentin Ernesto Che Guevara, afin de les entraîner à la dite tactique. Ce qui a déclenché le débarquement de Granma et la guerre d’usure jusqu’à le succès de la révolution cubaine…C’est pour cela que Che avait une énorme admiration envers Abdelkrim !

Et maintenant, quelle histoire lie Abdelkrim aux révolutionnaires algériens ? Celle-là est un peu plus connue du fait qu’Abdelkrim, durant son exil en Egypte, avait formé des révolutionnaires de toute l’Afrique du Nord dont ceux qui venait de l’Algérie sous occupation française. Mais ce que ignore tout le monde est le fait que le premier à penser à solliciter l’expérience d’Abdelkrim dans la lutte anti-coloniale en 1947 c’est un jeune kabyle à l’époque nommé Hocine Ait Ahmed, qui nous a quitté le 23 décembre dernier.

J’ai eu le privilège de connaître ce grand homme politique, qui étais à un certain moment l’un de mes idoles politiques, lors de la Conférence Euro-méditerranéenne de Barcelone en 1995 lorsque j’ai organisé un atelier sur la culture amazighe au sein du forum alternatif de la société civile. Et je lui avais posé la question s’il connaissait un cousin à ma mère, Mohand Khader El Hamouti, qui avait soutenu énormément la révolution algérienne en offrant la logistique aux combattants algériens dont Boudiaf et l’actuel président Bouteflika et en s’occupant de l’acheminement des armes de côté de front de l’ouest, à travers ses bateaux acheminés dans la ville de Melilla. Je me rappelle parfaitement que lorsque j’étais étudiant à Bordeaux, j’ai dû visionner un livre intitulé « les archives secrets de la révolution algérienne » dans la bibliothèque universitaire où cet amazigh montagnard de la Kabylie optait pour la lutte armée contre le colonialisme français en Algérie, comme le préconisait  incessamment Abdelkrim. Dans sa biographie, « Mémoires d’un combattant, éditions Sylvie Messinger, 1983 », Hocine Aït Ahmed l’affirmait parfaitement en ces termes : « L’initiative d’un combat maghrébin de libération échappe à l’Algérie. Dès lors, et puisqu’elle devra suivre le mouvement si mouvement il y a, comment pourra-t-elle s’y intégrer dans les moins mauvaises  conditions possibles? Fondamentalement,  la réponse est sur le terrain. Mais, partiellement, elle se trouve au Caire. J’ai hâte de connaître les projets des leaders nationalistes maghrébins qui sont là-bas, et en particulier ceux d’Abd el-Krim».

2 Commentaires

  1. Feu Mohammed Abdelkrim a été un Chef Moudjahid indomptable,clairvoyant,énergique et tacticien-stratège de 1er ordre, son expertise en guérilla (Guerre Djihadiste asymétrique) contre la Coalition Franco-Espagnole au Rif (Nord du Royaume) a été une occasion en Or pour le Bureau « Arabe » de l’Afrique du Nord au Caire pour mettre en oeuvre son expertise militaro-politique de nouveau sur le terrain au Maghreb.
    Le Grand tournant qui a galvanisé toutes les énergies Maghrébines pour la reprise du combat armé contre le Colonialisme français dans le Grand Maghreb a été en 1953 avec le Coup d’Etat perpétrer par le Général Alphonse Juin (Résident général du « Protectorat » a Rabat) contre le Roi légitime Mohammed V , qui l’expédia avec sa famille en bonne escorte en Corse puis a Madagascar en exil forcée. cette « affaire » a eu le contraire de l’effet escompté de la « pacification politique ». Elle soude les Marocains derrière leur sultan légitime et fédère le mouvement nationaliste marocain derrière le but du retour de son Roi , recouvrement de la souveraineté nationale totale et l’indépendance. Une vague de gréves ,manifestations et d’attentats contre les Colons et forces d’occupation et leur collaborateur »indigènes » dans les grandes villes et dans le Rif s’amplifia au Maroc,puis la lutte armé se concrétise avec la constitution de l’armée de libération marocaine au Sud du Maroc, tandis qu’éclate dans le même temps la guerre de libération d’Algérie en 1954 et que la même politique colonialiste déclenche les mêmes effets en Tunisie.

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