15 Décembre ou la fin d’un exil UNE DATE, UNE MEMOIRE, UNE PENSEE

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Ait-Ahmed-LA-600x300Par Prof. Mohamed A. LAHLOU

Il y a des dates qu’on n’oublie pas et qu’on partage avec des centaines de milliers voire des millions de personnes qui leur donnent le sens dont elles sont porteuses. Parmi ces dates, il y a celle du 15 décembre qui, depuis un quart de siècle, nous rappelle, chaque année, les instants de la fin d’un exil. C’était le 15 décembre 1989 ! Ce jour-là Hocine Aït Ahmed retrouvait son pays après 22 années d’exil en Europe.

C’était son deuxième exil après celui qui avait commencé au début des années 50, alors qu’il était âgé de près de 25 années seulement : responsable de l’OS et après l’attaque de la poste d’Oran, il devait quitter la clandestinité dans l’Algérie colonisée pour se réfugier en Egypte et continuer à préparer les conditions de l’insurrection populaire à venir le premier novembre 1954. Ce premier exil avait fini le 3 juillet 1962 avec l’indépendance de l’Algérie. Ce n’était hélas que son premier exil.

Après s’être évadé de la prison d’El Harrach le 01 Mai 1966 où il était détenu par le pouvoir d’Alger, Hocine Aït Ahmed allait quitter, dans une nouvelle clandestinité, l’Algérie devenue indépendante, pour un autre exil. Faut-il comptabiliser les années pour donner sens à cette deuxième vie de militant de la liberté et de la démocratie ?

Au lendemain de l’indépendance de l’Algérie : après une année d’opposition politique au régime autoritaire de Ben Bella, puis presqu’une année d’opposition clandestine en Kabylie, puis plus d’une année dans les prisons du pouvoir après sa condamnation à mort, l’exil du combattant allait reprendre jusqu’au 15 décembre 1989.

Le Comité Exécutif Provisoire du FFS avait depuis plusieurs semaines préparé le retour de Si El Hocine au pays. Des doutes et des inquiétudes subsistaient mais le temps de la détermination était là présent. Le CEP avait pris toutes les dispositions pour un accueil à la mesure de l’Homme et de l’Evénement. J’étais, pour ma part, parti le 12 décembre pour informer de vive voix, Si El Hocine, de l’organisation que nous avions prévue pour son arrivée. Le 13 décembre nous avions, dans un restaurant à Paris, pris le repas de notre dernière rencontre en clandestinité. Il y avait, ce midi, Si El Hocine, Naït Maouche Mouhoub et moi-même. Nous discutions de l’Algérie et de la fin de l’exil. A une table à côté de la nôtre, un couple nous avait écoutés avec attention sans que nous nous en rendions compte : la femme se présenta comme la fille de l’écrivain Albert Camus et l’homme comme l’éditeur Gallimard. Ils avaient compris ce qui se passait d’exceptionnel ce jour-là. Emue la fille de Camus nous demanda si nous reconnaissions son père comme l’Algérien que nous voulions qu’il fut.

Quelle demande de réconfort adressée à Hocine Aït Ahmed l’historique de la révolution algérienne ! Et en quel instant de fin d’un exil pour l’historique de la révolution algérienne !

Je retournai le soir même à Alger, pour participer à l’accueil de Si El Hocine, le 15 décembre, et surtout aux préparatifs et à la rédaction du numéro spécial du journal « FFS INFORMATION » consacré au retour d’exil du leader du parti. Ces journées de préparation nous montraient combien le FFS était dans les cœurs de ses militants et  sympathisants même les moins attendus.

Le siège national provisoire, au Boulevard Bougara, était devenu un lieu de retrouvailles enthousiaste où convergeaient les anciens de 63 mais également de jeunes militants et sympathisants en lesquels était porté, clandestinement et depuis longtemps, l’idéal du FFS. Nous n’avions pas dormi cette nuit-là, ni la suivante, ni les suivantes encore. Il y avait, dans l’air, comme une tension mais aussi un sentiment de bonheur qui faisait que  toutes les inquiétudes avaient disparues.

Ce 15 décembre, en milieu de matinée, l’avion d’Air Algérie, en provenance de Paris, a atterri sur l’aéroport de Dar El Beïda à Alger. Dans l’avion, certains en reconnaissant Si El Hocine avaient applaudi et poussé des you-you bien de chez nous. Le ton était déjà donné et l’émotion intense. A l’aéroport, les journalistes de la presse nationale et internationale allaient dans tous les sens pour saisir cet instant historique, celui du retour d’un héros. Dehors des centaines ou des milliers de personnes avec drapeaux et banderoles étaient là, à attendre le retour d’exil de Da El Hocine et témoigner qu’ils étaient toujours là « debout » pour l’Algérie et la démocratie.

Le peuple était présent pour Hocine Aït Ahmed, pour l’Homme, pour le combattant, pour le compagnon. Vers 13h, un immense cortège emprunta, après de longues minutes d’attente,  la route d’Alger pour rejoindre la salle Harcha où nous avions prévu le premier meeting de Si El Hocine. La salle Harcha était bondée de monde. Combien 10000, 20000, 30000 personnes ? Nous ne pouvions l’évaluer, tellement l’enthousiasme était indescriptible ! Le discours de Si El Hocine fut un moment qui donnait à l’enthousiasme ambiant encore plus de force. Il parla de l’Algérie, de la démocratie, des Algériens et de leur liberté. Il parla longuement sans passion mais avec détermination et avec le besoin de paix qui était le sien.

Il était impossible à chacun de se rappeler de tout mais le but était atteint et un grand espoir venait de renaître en Algérie. Cet espoir allait être porté à chaque instant pendant toutes ces années jusqu’à cet autre jour où il fallait penser à tout recommencer un jour !…

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