Religion contre Religion

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exploitants de la religion« Il n’est donné dans la Nature aucune chose singulière qui ne soit plus utile à l’homme qu’un homme vivant sous la conduite de la Raison.» Baruch Spinoza (Philosophe Hollandais 1632-1677).
L’Homme, se voit comme un être souffrant avant d’être pensant, aliéné et désarmé dans un monde réel, qu’aucun principe ne régit, aucune morale ne transcende, aucune providence n’ordonne. Un monde insensé, où le crime paie parfois et où la vertu n’a pas d’autre récompense qu’elle-même. Un monde absurde, enfin, que gouvernent des lois aveugles.
Pour avoir été jeté dans cet univers dont il ne sait même pas la raison, et que la Condition Humaine dépouille de tout ce que, par faiblesse, il a la crédulité d’y voir et d’espérer, la raison restera son unique lanterne éclairant le chemin de son salut.
La religion qui, initialement, portait un mouvement émancipateur, une pensée neuve et un projet social original, est devenue dans le cadre rigide et dogmatique de l’ordre clérical porteur d’un esprit conservateur et sclérosé.
Mais surtout elle fut façonnée comme un moyen politique redoutable, défenseur de l’oppression, de l’immobilisme, du passé et de l’ordre établi.
Cette religion ne peut regarder l’avenir.
Ali Shariati, le théoricien et idéologue de la révolution iranienne prépara durant sa brève vie les fondements d’une Sociologie de l’Islam.
Il ouvre cette démanche par une critique sociologique de la déclinaison historique du Message prophétique.
La clef principale de son approche réside dans le fait qu’il n’a pas voulu anticiper la religion dogmatiquement, mais a voulu la redécouvrir et surtout la faire émerger dans son contexte naturel, le contexte social.
Plaçant son analyse du point de vue méthodologique dans un paradigme régi par le matérialisme historique, qu’il utilise comme outil de connaissance, en lui faisant jouer le rôle d’une explication structurelle en profondeur, Ali Shariati postule dés le début que le message prophétique dans son essence ne peut être que d’ordre social.
Si l’exactitude de cet énoncé n’est pas à établir, Ali Shariati le lie directement et explicitement à l’unicité du Créateur.
Son projet par philosophie se dévoile alors et exhibe son objectif majeur, celui de donner à l’Homme ce que les religions lui promettent en un autre monde.
D’un être qui subit les évènements et qui les redoute, d’un être qui, sans cesse, a peur et se sent passif vis-à-vis de la Nature, Ali Shariati veut en faire un être libre et heureux.
En essence il postule que dans l’ordre du social le message prophétique ne doit pas juger mais relever les déficits structurels des « entendements collectifs » des cultures humaines en mettant en avant ce qui fait révolter l’espèce humaine : Sa condition, dite Condition Humaine. Cette réalisation ne peut s’opérer elle-même qu’au niveau de notre coïncidence avec Dieu.
Si l’être humain se sait éternel, il ne craindra plus rien, puisqu’il ne peut craindre que du temps. Et si sa pensée et sa volonté s’identifient avec la pensée divine, il ne subira plus aucun événement, puisque c’est de lui-même, que semblera découler tout ce qui aura lieu.
Il sera la cause de ce qui lui arrive, il sera donc libre et heureux. Il s’agit de savoir si cela est possible, et à quelles conditions.
Sur le plan individuel, cette approche tente aussi de saisir toutes les choses dans leur mouvement : leur naissance, leur développement et leur finitude, en avançant que, la fin n’est pas une disparition pure et simple, mais un dépassement, qui est à la fois négation et conservation. Ce qui naît porte en soi les éléments de ce qui meurt.
En même temps, Ali Shariati remarque que le message prophétique dans son essence traite la « totalité des conditions » de l’ordre social comme objet qui est « doté de sa propre réalité, indépendante de tout sujet ». Cette idée peut être exprimée dans la formule suivante: « Nous ne prétendons donc pas montrer comment les hommes pensent dans leur condition sociale; mais comment la condition sociale se pense dans les hommes et à leur insu ».
Cette lecture du message prophétique ne contient pas un schème clos et fini, mais évolue dans l’espace et le temps avec comme unique fil conducteur : La justice sociale.
Et en concluant que c’est dans l’individuel comme dans le social, c’est dans la réalité même, dans l’essence éternelle de la nature humaine, qu’on pourra découvrir le moyen de fonder la sécurité, la paix de l’Etat et la vie humaine digne de ce nom.
Et que si la condition humaine est une donnée constance et sujette à domination, cette domination est présentée comme historique et donc dépassable,
Par cette approche dialectique, Ali Shariati remet le message prophétique dans son contexte original, celui d’être le porteur d’un projet sociétal universel, déclinant ainsi une religion appelée ici Religion du Devoir.
A cette religion du devoir, il faut lui opposer la Religion du Pouvoir, une lecture pernicieuse du message prophétique, produit des ronronnements cléricaux sur les collines de l’Histoire.
En inoculant dogmatisme et sectarisme, cette lecture réduite et réductible à des trivialités n’a d’objectif que le pouvoir.
Elle contient et fait référence d’une façon doctrinaire à un héritage théologique figé dans le temps qui continue de régulariser les comportements sociaux et projettent sur leurs usagers un consentement formé autour de menaces invisibles mais ubiquistes.
Religion contre Religion, celle du Devoir contre celle du Pouvoir, celle du Salut contre celle de la perdition ; pour conjurer son aliénation, l’être humain doit d’abord retrouver son humanisme, en plaçant le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres êtres avant l’amour-propre en sachant cette existence a commencé sans lui et s’achèvera sans lui.
Khaled Boulaziz

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