Arrêtons de folkloriser Yennayer!

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yennayer1Comme chaque année, Yennayer est le grand absent dans l’agenda officiel de notre pays. Quel dommage! Et pourtant, c’est une fête que tous les Algériens célèbrent avec enthousiasme et joie dans les coins les plus reculés du territoire national. Mais pourquoi instaure-t-on cette méconnaissance et cet oubli officiel de tout ce qui constitue notre patrimoine culturel immatériel en norme de gestion permanente? Et puis, pourquoi l’hypocrisie gagne-elle des galons chez nous au moment où d’autres fêtes sont consacrées officiellement comme jours fériés et chômés? L’Algérie est-elle vraiment schizophrène pour s’auto-nier de la sorte? Comment serait-il possible pardi pour une nation quelconque de regarder devant si elle ne savait pas d’où elle venait ni ce qu’elle voulait? Ne dit-on pas qu’effacer les traces de l’histoire condamne les peuples à revivre leurs erreurs du passé? Bien entendu, Yennayer n’est pas seulement un moment de convivialité, du resserrement des liens familiaux et du folklore culturel pour les nôtres mais aussi et surtout un rappel historique de cette mémoire collective, la nôtre, longtemps confinée à l’oralité. Ainsi le retour aux racines et le ressourcement dans cette belle terre de l’ancienne Numidie trouvent-ils en cette occasion une chance inouïe pour se cristalliser. Il est aussi judicieux de souligner combien ce rendez-vous entre la mémoire, l’histoire et l’authenticité ressuscite le besoin d’unité de tous ces peuples frères de l’Afrique du Nord (Tunisie, Algérie, Maroc, Libye, etc), lesquels partagent le même récit épique (l’Amazighité, le polythéisme légendaire pendant l’époque antéislamique, la venue de l’Islam, le mouvement indépendantiste, la décolonisation,etc.,) ainsi que les mêmes aspirations au développement, progrès, modernité. Un besoin d’autant plus urgent que l’avenir dans cette ère d’incertitude planétaire n’est malheureusement garanti qu’aux grands ensembles géostratégiques.

Yennayer est, somme toute, cette date phare qui nous fait plonger dans cette actualité algérienne faite de dépendance économique de l’étranger. Or, nul ne peut nier que le calendrier berbère est d’abord «agraire», c’est-à-dire relié au travail de la terre, aux cultures maraîchères et à l’agriculture de façon générale. La Numidie fut très fertile et avait servi, c’est une vérité historique relatée par Tite-Live (59 av.J.-C 17 ap. J.-C), de fournisseur en denrées alimentaires (blé, orge, maïs, etc.,) au marché des Romains et des autres peuples envahisseurs. D’ailleurs, son calendrier est considéré comme l’un des plus vieux au monde à côté de ceux des Mayas, des Incas et des Aztèques, ces civilisations millénaires de l’Amérique Latine. La dimension historico-mythique mobilisatrice de ce nouvel an berbère avec tous les rites qui s’y rattachent n’est pas à démontrer.

Le sacrifice en groupe en faveur des pauvres, la célébration de la générosité de cette nature, rythmée par le cycle des saisons, la revitalisation de la sève de la solidarité entre les citoyens en sont quelques uns des aspects positifs. Enfin, le fait que les historiens ont jeté leur dévolu sur la date du 950 AV. J.-C., un des événements marquants de l’épopée berbère avec l’intronisation du roi Chichanq 1 Pharaon d’Égypte, pour situer le début de Yennayer, participe plus d’un choix fantaisiste qu’autre chose. D’autant que l’histoire berbère est beaucoup plus ancienne que cela.

 
Kamal Guerroua
 

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