Seghir Mostefaï, fondateur de la Banque d’Algérie et père du dinar

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Hommage

El Watan le 23.01.17 

 

 
Seghir Mostefaï
 

Par Sid Ali Boukrami

Il y a tout juste un an, le 21 janvier 2016, nous quittait Seghir Mostefaï à l’âge de 89 ans. Il avait été désigné au lendemain de l’indépendance de notre pays gouverneur de la Banque centrale et pour mettre en place l’Institut d’émission dans un délai de trois mois avec un seul cadre hérité de la Banque d’Algérie.
Seghir Mostefai, le symbole de l’humilité par sa discrétion légendaire qui renforçait son élégance et lui donnait une allure de jeune premier dans les allées des institutions multilatérales, comme le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale dont les responsables n’hésitaient pas à le consulter, car sa crédibilité lui offrait l’écoute des architectes du Système monétaire international.
Il est utile de rappeler que de nombreuses dérogations ont été accordées par les institutions financières internationales à note pays grâce à ses actions et au climat de confiance qu’il savait créer avec ses partenaires ou les représentants des différentes instances sans jamais se prévaloir du moindre privilège. Il a d’ailleurs été choisi par ses pairs en 1972 pour figurer parmi les experts de haut niveau chargés du projet de réforme du Système monétaire international et s’est distingué par une présence remarquable dans le Groupe des 20 et celui des 24 qu’il a eu l’honneur de présider au cours de la décennie.
Ainsi, l’ancien gouverneur de la Banque centrale d’Algérie a, à maintes reprises, obtenu des dérogations aux usages dans le cadre des institutions financières internationales ou dans ses relations avec la Federal Reserve. Nous citerons l’acquisition de réserves d’or en contrepartie de dollars à la fin de l’année 1968 qui a pu se réaliser, bien que l’Algérie n’était pas signataire de l’accord de Washington sur le double prix de l’or.
Cette dérogation accordée par les autorités monétaires américaines ne pouvait être qu’une marque de considération à l’égard de la dignité d’un représentant d’un pays comme l’Algérie, qui continuait à jouir d’une considération peu commune auprès des milieux politiques à Washington. En 1980, lors des négociations de la libération des otages américains en Iran, la délégation des Etats-Unis n’a pas omis d’inclure le fameux Salomon de la Federal Reserve qui avait accueilli Seghir Mostefaï quatorze années plus tôt.
Le rôle de Seghir Mostefaï dans ces négociations a été primordial, et en cette année précisément d’anniversaire, les Etats-Unis ont renouvelé leur gratitude à l’Algérie.
Nous avons d’ailleurs pu constater le prestige dont bénéficiait Seghir Mostefaï auprès des responsables du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale lors des assemblées annuelles du FMI et de la BM à Toronto en 1982. Seghir Mostefaï a joué un rôle déterminant au cours des deux décennies ayant suivi l’indépendance, en temporisant l’enthousiasme des initiateurs des grands projets qui considéraient que les questions financières et monétaires devaient être reléguées au second plan par rapport à l’ambition de développement.
De 1962 à 1982, le premier gouverneur de la Banque centrale avait pu permettre un contrôle de l’inflation, malgré un rythme d’investissement très élevé, tout en bénéficiant des avantages des mécanismes de formation des prix et des revenus dans le cadre de la planification.
Seghir Mostefaï a certainement apporté beaucoup de crédibilité aux thèses défendues à l’extérieur pour l’Algérie sur les plans monétaire et financier. Le respect strict des engagements, l’utilisation exceptionnelle des clauses de garantie et la constance des positions ont donné beaucoup d’atouts dans les négociations avec les partenaires très attentifs à la stabilité institutionnelle et la cohérence des arguments.
Un ouvrage sur l’histoire de la Banque d’Algérie (1830-2010), édité à New York en 2014, lui consacre un chapitre et ne tarit pas d’éloges à son endroit (The History of Algerian Banking System, Edwin Mellen Press, New York, 2014). Sans revenir sur sa contribution à la libération du pays (1954-1962) et sa participation active aux négociations d’Evian, l’homme était soucieux de faire ce qu’il considérait être son devoir de citoyen et grand commis de l’Etat sans contrepartie.
Il était parmi ceux qui incarnent l’éthique, donnent de l’espoir à la jeunesse, restent fidèles sans renoncer à leurs valeurs au prix de sacrifices énormes pour la dignité.
D’ailleurs, il était soucieux de passer le flambeau aux générations montantes et n’hésitait pas à venir se mêler aux étudiants de l’Ecole supérieure de commerce au cours de la décennie 1990 et d’assister à des séminaires internationaux sur la dette, comme en avril 1989, sans protocole ou à des soutenances de mémoire de fin d’études comme en 2000. En toute humilité.
L’Ecole supérieure de commerce témoigne sa gratitude, sa reconnaissance et œuvre à protéger ses acquis en demeurant fidèle à ses enseignements. 
Sid Ali Boukrami

2 Commentaires

  1. L’auteur a « omis » de préciser qu’en fin de carrière, cet illustre patriote avait été chassé de sa villa à Hydra ainsi que sa vieille mère par l’ex-sous-officier « déserteur » de l’armée coloniale, Larbi Belkheir, lui saisissant tous ses documents et archives personnelles.

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