Etudiants en pharmacie : Une leçon de militantisme

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El Watan le 01.03.17
Malgré la répression policière, les menaces et les…

 Malgré la répression policière, les menaces et les promesses non tenues, les étudiants grévistes maintiennent le cap d’un mouvement de contestation digne. Un parcours plein d’enseignements En grève depuis plus de trois mois, les étudiants en pharmacie donnent une leçon de maturité politique et de pragmatisme aux plus aguerris militants politiques et syndicaux de tous bords.

A cette lutte d’usure contre les plus hautes autorités du pays, ils jouent finement pour arracher ce qu’ils considèrent être leurs droits légitimes. Méthodiques et très procéduriers — si tant est qu’il existe une procédure pour les mouvements de contestation —, les pharmas sont allés crescendo dans le «choix» des interlocuteurs.
Faisant exactement ce qu’il faut faire pour être écouté par ceux qu’ils voulaient entendre. Après des semaines de grèves et de pourparlers infructueux avec le ministère de l’Enseignement supérieur, ces étudiants optent pour un sit-in devant l’antre de la représentativité citoyenne, c’est-à-dire l’assemblée populaire nationale.
Ce 9 janvier 2017, au printemps de leur âge, ils goûtent déjà à la rudesse de l’action revendicative. Pourchassés, interpellés et violentés, ils apprennent sur le tas le dur parcours du militantisme — une délégation sera toutefois reçue par certains députés dès le lendemain. Une brutalité physique et psychologique, teintée d’accusations dégradantes et éculées, celle de la manipulation internationale.
La répression des étudiants en pharmacie, ce jour-là, a eu un tel écho que le chef de gouvernement, lui-même, Abdelmalek Sellal, a dû tweeter une promesse de prise en charge de leurs doléances dès son retour du sommet africain où il devait combler la défection du président Bouteflika. Une première dans les annales politiques nationales.
Et une délégation a bien été reçue, une semaine plus tard, le 5 février, par le Premier ministre. Sans complexe et sans se laisser impressionner, dignement ils refusent de croire aux promesses du chef de gouvernement et demandent du concret.
Ces étudiants ne négocient pas leurs doléances au rabais, car ils les jugent légitimes. Ils demandent simplement des actes concrets. Têtus mais disciplinés et hargneux, ils affirmeront leur position une vingtaine de jours plus tard. Le 22 février, les pharmas tentent de se rassembler devant le CHU Mustapha Pacha d’Alger. Ils subiront encore une répression qu’ils voyaient venir et à laquelle ils semblaient déjà préparés, d’abord moralement, ensuite médiatiquement.
Maturité
Cette fois, des délégués seront reçus au ministère de la Santé le 28 du même mois. Dans un communiqué édité le jour-même, le ministère assure que «des réponses claires et précises ont été apportées aux question et aux interrogations des étudiants», en précisant que «l’audience s’est déroulée dans une ambiance empreinte de franchise et de grande cordialité». «Franchise» et «cordialité», encore un aveu de la maturité des ces jeunes grévistes. Une franchise d’ailleurs qui mènera encore une fois ces étudiants à créer l’événement deux jours après.
Devant l’interdiction de manifester à Alger — même après la levée de l’état d’urgence en février 2011—, ils récidiveront cette fois dans la ville de genêts, ils marcheront avec leurs camarades de médecine dentaire à Tizi Ouzou le 27 février. Ils refusent encore de croire à des promesses sans effets concrets et limités dans le temps.
Le peu de crédit qu’ils ont accordé tout au long de leur mouvement de contestation aux promesses-échappatoires et aux menaces et violences, atteste sinon de leurs connaissances en matière de «marchandage» de droits qu’en termes de fonctionnement des rouages politiques.
Malgré les pressions subies entre autres par des étudiants plus jeunes (ceux du premier cycle et des premières années) qui craignent le recours à l’année blanche, excédés qu’ils sont par ce qu’ils qualifient à leur tour de prise d’otage et la volte-face opérée par les étudiants de certaines régions, à l’instar de Tlemcen et probablement Annaba, la majorité des pharmas issus des 10 établissements du pays semblent souhaiter une sortie de crise honorable et digne de leur mouvement. «Aujourd’hui, nous tenons un AG. On va vers l’envoi de deux réclamations à l’adresse des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé. On demande que des arrêtés ministériels soient signés pour entériner les promesses faites.
On veut des textes réglementaires signés, même si nous n’y croyons pas trop. Car des textes ont été signés en 2011 au lendemain de la grève des pharmaciens et elles n’ont rien donné», informait, hier, un des délégués des étudiants de l’université d’Alger qui assure que ce gage apaiserait les plus radicaux et permettrait le retour aux cours.
Mais ce qui reste énigmatique, c’est le rôle joué par le premier responsable du secteur de l’Enseignement supérieur. Dans cette bataille «démocratique», Tahar Hadjar a fait cruellement défaut, malgré les quelques déclarations et autres communiqués délivrés à l’occasion. Parfois sur un ton menaçant, d’autrefois aigri, le ministre envoie des messages peu valorisants de cette lutte des étudiants en pharmacie qui n’ont pas avalé la pilule, eux qui connaissent bien les produits placebo.
Samir Azzoug

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