Retour sur les accords de la honte du 22 avril 1995

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Cette semaine, le torchon brûle entre le MAK et le RCD. La surenchère consiste à savoir qui va exploiter sans vergogne la question culturelle. Pour disqualifier leur ancienne formation politique, les partisans de Ferhat Mehenni l’accusent d’avoir trahi « le peuple kabyle ».
Dans le fond, l’histoire va juger tous ceux qui ont parié la scolarité des jeunes innocents en vue de peser sur les luttes de clans au sein du régime. Ainsi, que ce soit lors de la création du RCD par Saïd Sadi et Ferhat Mehenni en tentant de faire une OPA sur le MCB ou lors du lancement du boycottage scolaire dans des conditions malhonnêtes jusqu’à la conclusion des accords de la honte, on a assisté à une série de coups bas.
Bien que le site séparatiste ne dise aucun mot sur la responsabilité de leur dieu vivant, il n’en reste pas moins que le nom de Ferhat Mehenni est associé à cette période la plus terne que la région ait connue. Pour mieux comprendre cette période où les écoliers sont uniment pris en otage, il faudrait rappeler le contexte politique de l’époque.
Après avoir soutenu le coup d’État militaire contre la volonté populaire –les vainqueurs des élections législatives auraient sans doute malmené les institutions s’ils avaient pris le pouvoir –, le RCD appuyait la politique du tout sécuritaire.
En 1994, après l’arrivée de Liamine Zeroual au pouvoir, une tendance du régime a montré des velléités de dialogue. « Pour certains animateurs du mouvement culturel, l’agitation et le désordre qui résulterait de ces événements[le boycott scolaire] n’auraient d’autres buts que de faire échouer la solution politique recherchée par les négociations en cours entre le clan présidentiel –Zeroual et Betchine – et les responsables du FIS. Échec qui profiterait aux tenants de la solution militaire », écrit Alain Mahé, auteur de l’histoire de la Grande Kabylie.
Comment peser sur les luttes du sérail? Cinq ans après avoir décrété la mort du MCB, le RCD ne pouvant plus mobiliser en son nom crée en janvier 1994 le MCB-coordination nationale. La présidence est confiée à Ferhat Mehenni. Et c’est lui qui se présente devant les téléspectateurs de l’ENTV, le 28 août 1994, pour annoncer le boycott scolaire illimité. Est-ce que tous les élèves et les étudiants de la région sont logés à la même enseigne ? La réponse est non. À commencer par le lanceur de l’appel dont les enfants sont scolarisés en France.
Pour revenir à la stratégie machiavélique des initiateurs du boycottage scolaire, un événement inattendu ou un concours de circonstance s’est produit : l’enlèvement de Matoub Lounès. Bien que cet immense artiste soit adoré dans la région, il n’en reste pas moins que la mobilisation en vue de sa libération ne devrait pas provoquer un bain de sang.
Habitué à parler au nom de toute la région sans qu’il ait le mandat pour ça, Ferhat Mehenni adresse un ultimatum aux ravisseurs –jusqu’à aujourd’hui leur identité reste mystérieuse – « leur laissant 48 heures pour libérer Matoub Lounès, faute de quoi la Kabylie déclarerait la guerre aux islamistes. » Heureusement, grâce à l’intelligence de la population locale, le fou furieux n’est pas suivi dans son délire.
Toutefois, pour des raisons tenues secrètes, l’entente entre Ferhat Mehenni et Saïd Sadi se fissure en janvier 1995. Exclu du RCD et remplacé à la tête de la coordination nationale par Ould Ouali El Hadi, Ferhat Mehenni maintient ses activités. À titre personnel, il ouvre les négociations en février 1995 avec le gouvernement Mokdad Sifi. En mars 1995, un accord est signé. Les deux points importants sont : la reprise des cours et la création d’un haut conseil à l’amazighité.
Après avoir dénoncé avec une virulence inouïe l’accord de Ferhat Mehenni, le MCB-coordination nationale signe un nouvel accord le 22 avril 1995 avec le même gouvernement. « En fait, il n’y aurait eu aucune différence entre l’accord proposé par Ferhat et dénoncé par la coordination nationale et celui que celle-ci finira par avaliser. Le seul changement réside dans le nom de l’organisme créé pour promouvoir l’amazighité : haut conseil dans la formule de Ferhat et haut commissariat dans celle de la coordination nationale », note Alain Mahé.
Dans la foulée, la coordination se lance dans une autre bataille : la campagne de Saïd Sadi pour les élections présidentielles de novembre 1995. Où est la trahison et où est la sincérité dans tout ça ? Seule l’Histoire en jugera.
Aït Benali Boubekeur

3 Commentaires

  1. Comme quoi la Kabylie toute entière a été « utilisée »(surtout pendant ces moments sombres de l’histoire récente de l’Algérie)par des clans mafieux du régime=avec à leur solde la seule devise »diviser pour régner »=.Régler leur chamaillerie,s’accaparer illégitimement du pouvoir et régner définitivement sur le dos des Algériens.
    Le comble, dans tout cela,c’est que pas mal de « têtes pensantes »et de militants sincères et honnêtes de la cause berbère ont mordu à l’hameçon,parfois jusqu’à l’os,sans ce rendre compte qu’ils sont eux-mêmes « les dindons de la farce » à l’image de tout le Peuple Algérien.

  2. Bien le bonjour, Mr Ait Benali,
    Je suis content de vous lire de nouveau, mais -de Grâce- Evitez s’il vous plait de débattre de choses qui ne méritent que la poubelle dans laquelle l’histoire des peuples ne manquera pas de jeter ces énergumènes .
    KS

  3. Nous avons compris que tout ce cirque n’avait pour but que celui de s’octroyer une place au soleil aux cotés de la nomenklatura.

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