Algérie : quand les Youtubers s’attaquent aux élections, les autorités paniquent

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Avec plus de trois millions de vues en moins d’une semaine, des vidéos satyriques réalisées par de jeunes Algériens se propagent de manière virale sur Internet pour dénoncer les élections législatives du 4 mai
Kamel Labiad a détourné un film de zombies pour inciter les Algériens à ne pas aller voter aux législatives du 4 mai (capture d’écran)
Malek Bachir's picture
30 avril 2017
ALGER – Le coup n’est pas venu de la presse écrite, ni de l’opposition, ni de la société civile, qui, à eux trois, peinent à incarner de véritables contre-pouvoirs. Contre cette voix-là, les autorités se retrouvent impuissantes, et c’est sans doute ce qui les inquiète le plus.
En moins d’une semaine, leurs vidéos ont enregistré presque trois millions de vues. Anis Tina, DZ Joker et Kamel Labiad, trois Algériens très connus sur YouTube, ont réalisé trois clips très différents contre les élections législatives qui se tiendront dans quatre jours (le 4 mai). En face : le gouvernement déploie toute son énergie, via des médias traditionnels, à mobiliser les Algériens pour qu’ils aillent voter.
Anis Tina, 27 ans, compte plus de 700 000 abonnés. Sa dernière vidéo, postée le 26 avril, est une parodie du film « Le Messager », célèbre biopic du prophète Mohammed.

Dans la version d’Anis Tina, qui compte plus d’1,2 million de vues, une tribu « du peuple » résiste à une tribu « de députés » qui appelle les gens à aller voter. Le film touche à des questions sensibles comme l’abstention, la corruption et le clientélisme puisque les parlementaires finissent par proposer de l’argent au représentant du peuple.

Anis Tina dans une parodie du film « Le Messager », dénonce corruption et clientélisme (capture d’écran)

Tournée en arabe, dans une forêt, avec des comédiens en costumes d’époque, cette version du Messager parlera à tous les fans de la série Kaamelott – et ils sont nombreux en Algérie – notamment par ses ressorts humoristiques basés sur l’anachronisme. On voit par exemple un des personnages, censé vivre au VIIe siècle, utiliser un ordinateur portable, et un autre parler avec son compagnon de Messenger.

La vidéo inspire un hashtag sur Twitter

L’autre vidéo virale est celle de DZ Joker. Postée le 27 avril, elle affiche déjà plus d’1,8 million de vues et a inspiré sur Twitter le hashgtag Mansotich (jeu de mots fabriqué à partir du verbe sowat, voter, et qui signifie « je ne vais pas sauter le pas », autrement dit : « je ne vais pas voter ».

DZ Joker, de son vrai nom Chemseddine Lamrani, 26 ans, compte aussi parmi les plus anciens Youtubers algériens puisque ses premières vidéos remontent à 2011. Il s’est notamment fait connaître avec ses parodies de « Game of Thrones » ou de « Braveheart ».
Dans une sorte de slam subversif, il énumère les nombreuses situations de détresse sociale auxquelles les Algériens sont confrontés dans leur quotidien.
Son texte est appuyé par des images : celles du harraga flottant dans l’eau qui s’excuse auprès de sa mère parce que son bateau s’est retourné, du malade couché sur un lit d’hôpital qui dénonce la construction « d’une mosquée de deux milliards d’euros » au détriment d’hôpitaux, du père de famille qui n’a pas assez d’argent pour nourrir sa famille ou encore du sportif obligé de ramener sa baignoire sur les lieux d’entraînement.

Chemseddine Lamrani, alias DZ Joker, est des un des Youtubers les plus connus en Algérie (capture d’écran)

À la fin du clip dans lequel on comprend qu’il s’adresse à l’Algérie en disant « Elle » et aux dirigeants en disant « eux », il conclut : « Ce n’est pas contre toi que je dis ça, tu m’as bien compris, toi je t’aime, mais je parle d’eux ».

Des personnalités algériennes en zombies

Mais la plus violente est sans doute celle de Kamal Labiad, un autre internaute adepte des parodies, postée le 22 avril sur YouTube.
Dans un détournement de film de zombies, qu’il a intitulé « La takon Chiyyat » (Ne sois pas un cireur de pompes), on voit une berline s’avancer dans la nuit et le brouillard, à l’arrière de laquelle est assis le président Abdelaziz Bouteflika que l’on ne distingue que grâce à ses yeux qui s’allument comme ceux d’un robot. Sur la plaque d’immatriculation de la voiture est écrit « Il ne meurt pas ».

Un compte à rebours explique ensuite que les élections législatives approchent mais qu’« elles n’intéressent aucun homme sage et honorable sauf les chiyyatine [brosseurs de pompe] qui courent derrière leur maître dès qu’ils sentent son odeur ».
Les acteurs du film, dont une bonne partie sont des zombies, ont été remplacés par des personnalités algériennes connues pour être des fidèles du président.
Parmi elles : le Premier ministre Abdelmalek Sellal, l’ancien ministre du Commerce et leader du Mouvement populaire algérien (MPA) Amara Benyounès, la cheffe du Parti des travailleurs (PT) Louisa Hanoune,  le prédicateur Chemseddine Bouroubi, Anis Rahmani, le directeur de la chaîne télé Ennahar, ou encore, en bébé géant surgissant au milieu de la route, le député Front national de libération (FLN) d’Annaba Bahaeddine Tliba, présumé impliqué dans des affaires de corruption.

Parmi les personnalités algériennes dont se moque Kamel Labiad : le député Bahaeddine Tliba, ici transformé en bébé géant (capture d’écran)

Sur la route où est écrit « La route qui ne mène nulle part », les zombies et une voiture surmontée d’une énorme brosse, se mettent à courir derrière la berline, conduite par Saïd, le frère du président, qui se dirige vers un bâtiment appelé « La ferme de Bouteflika et sa famille ».
Kamel Labiad, qui apparaît à visage découvert dans la vidéo, prend ensuite la parole pour « conseiller » aux Algériens « de ne pas aller voter ». « Il ne faut pas donner de légitimité à ceux qui ont trahi le pays », explique-t-il.
À LIRE : Législatives en Algérie : l’obsession de la participation
La participation à ces élections est un enjeu crucial pour le gouvernement qui veut s’en prévaloir pour asseoir sa crédibilité.
Samedi 29, le président Bouteflika a adressé un « message à la nation » pour exhorter les Algériens à voter. « L’élection législative de cette année revêt une importance accrue car elle  se situe dans le sillage d’une profonde révision constitutionnelle survenue l’année dernière, tout comme elle se déroule dans une conjoncture financière lourde de défis pour notre pays », est-il écrit dans un communiqué diffusé par l’APS, l’agence de presse officielle.
Mohamed Aïssa, le ministre des Affaires religieuses, a dénoncé « une violente campagne sur les réseaux sociaux ». « On en a un qui ‘’mansotich’’ – qu’il saute ou pas  – et un autre qui se moque de Rissala (Le Prophète) et des compagnons du prophète. Un autre qui jure dire la vérité alors qu’il ment ».
En Algérie, « détourner des suffrages » ou « déterminer des électeurs à s’abstenir de voter » est puni par le code électoral d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 6 000 à 60 000 DA (50 à 510 euros). Mi-avril, un utilisateur Facebook a été selon le ministre de l’Intérieur, « présenté devant les tribunaux » pour avoir détourné l’affiche électorale officielle. Jusqu’à aujourd’hui, son sort reste inconnu.

8 Commentaires

  1. la liberté d’expression est fondamental en occident parait il???????
    Alors qu’ils ne mettent pas des battons dans les roues de cette superbe initiatives que nos jeunes expriment.
    BRAVO RESPECT CONTINUER !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

  2. c’ est bien beau c’ est meme de l’agitation citoyenne , mais ,car il y a un mais, la verité est ailleurs, personne n ‘ose cibler les vrais responsables , la malediction incarnée.

  3. Si la nuit a peur du soleil, le dictateur lui a peur de la contestation, et ces jeunes la font très bien, avec finesse, humour, des mots-chocs, nous nous attendrons à des arrestations avec de nouvelles lois votées par ces néo-bni wiwi de l’APN qui ne disent pas leur nom.
    A l’époque Michel Polnareff avait chanté une belle chanson dans les années 60 …la poupée qui fait non….je conseille à nos chers amis de créer une parodie de cette chanson….la poupée qui fait ouiiiiii.
    Lien pour les curieux
    https://www.youtube.com/watch?v=0zzqwDW1dow

  4. Super .. Emouvant .. Responsable .. C’est de cette jeunesse que l’Algérie a besoin pour retrouver sa fierté .. Je n’ai pas attendu cette vidéo pour décider .. J’ai 62 ans et je suis fier des vrais enfants d’Algérie ..

  5. Moi Personnellement Je N’ai Pas Sauter Depuis 25 ans Deja Ecoules Donc Je Ne Peut Plus Sauter Faute De Ne Pas Prendre De L’equilibre.

  6. […] Ufficialmente l’affluenza è stata del 38,25% (corretto poi al 35% dalla corte costituzionale). In questo articolo prenderemo per buono i numeri dichiarati dal ministero degli interni. Anche se tutti in Algeria, compresi i partiti al potere (1), dicono che la frode è sistematica e pesante, e che l’opinione pubblica è convinta che l’affluenza è molto più bassa di quella dichiarata.  38,25 %, quindi, cioè 8.624.199 votanti dei quali 2.109.917 hanno messo una scheda bianca e poi 14.627.304 (cioè il 61,75%) aventi diritto che non si sono nemmeno presentati ai seggi. Numeri che la dicono lunga. Quella dell’Algeria non è la semplice disaffezione dalla politica che vige ovunque. E’ una vera e propria protesta silenziosa. Un rifiuto di collaborare in un gioco assurdo, in cui nessuno crede più. Nei giorni precedenti il voto la rete era popolata da appelli al boicottaggio di questa ennesima farsa elettorale e di prese in giro dei politici della cosiddetta opposizione che in cambio di stipendi e privilegi accettano di partecipare a questa sceneggiata degna della migliori tradizioni di commedia (2). […]

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