« Algérie-Actualité », un journal, une époque et un gâchis !  

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« Algérie –Actualité n’a pas d’archives ! C’est malheureux de le dire ! ». C’est par ce triste constat que Mohamed Balhi a répondu à une question de Nazim Aziri dans l’émission Question d’Actu , consacrée au patrimoine culturel algérien, et diffusée le 15 mai dernier sur Canal Algérie.
Et M. Balhi avait raison de souligner que ce constat ne concerne pas que ce mythique hebdomadaire qui aura marqué des générations d’algériens des années 70 à 90 principalement.
Oui, ce constat attriste et révolte. Je n’ai jamais pu avoir confirmation de l’existence des archives d’Algérie-Actualité (AA) à la Bibliothèque nationale du Hamma ou au Centre National de Documentation, de Presse, d’Images et d’Information de Kouba dont le site est en maintenance.
L’Institut du monde Arabe (IMA) de Paris, possède une collection d’Algérie-actualité datant de 1985 à mars 1997, date de la disparition définitive du journal. Cette collection n’est malheureusement pas numérisée et a même risqué de disparaître suite à la rénovation de la bibliothèque de l’IMA l’an dernier. Profitant d’une visite à l’IMA, j’ai essayé de prendre le maximum de photos des unes de ce journal… Mais il faudra beaucoup plus d’une journée pour le faire. Et compte tenu de la faible demande relative à la consultation de l’hebdomadaire à l’IMA, je doute que ce travail de numérisation soit fait un jour.
Algérie-Actualité fait partie de notre mémoire collective. Dans son livre témoignage « 10 ans de presse. 1962-1972 », paru aux éditions Dahlab en 2013, Youcef Ferhi, fondateur du journal raconte, avec de menus détails, la naissance de cet hebdomadaire en septembre 1965, sous l’œil inquisiteur de Bachir Boumaza, ministre de l’information à cette époque. Le titre initial proposé par Youcef Ferhi était « Algérie-Dimanche », titre refusé par le ministre parce qu’il rappelait « France-Dimanche », le mot Dimanche étant remplacé par Actualité avec une maquette et un logo proposés par Bachir Rezzoug qui auraient séduits le ministre.
Dans ce livre, l’auteur rapporte les débuts d’AA, ses difficultés à trouver une bonne équipe rédactionnelle, le ministre lui ayant interdit de débaucher ceux du journal d’El-Moudjahid, et l’extraordinaire ascension du journal, devenu une référence nationale : «Algérie-Actualité devenait de semaine en semaine une référence. Il a été, quand il ne les a pas suscités lui-même, de tous les débats sur les grands sujets tels que l’éducation, la santé, la culture, les finances, la jeunesse, la femme».
Qui ne se souvient pas de ces quelques grands noms, parmi d’autres :
– Abdelkrim Debbih, Malika Abdelaziz, Akli Ait-Abdellah, Baya Gasmi pour la rubrique politique,
– Génia Boutaleb, Mustapha Chelfi, Abdelkader Hamouche, Hanafi Taguemout pour la rubrique « culture »,
– Tahar Djaout , Nadjib Stambouli, Azzedine Mabrouki pour la rubrique « économie », – Abdelkrim Djilali, Mohamed Dorban, Tawfik Hakem pour la rubrique « arts et spectacles »
– Mohamed Balhi, Ghania Mouffok, Ahmed Mostefaï, Mohamed Dorban, Lazhar Moknachi pour la rubrique « société »,
Sans oublier bien sûr Abdelkrim Djaad, le rédacteur en chef d’AA dans les années 1980 qui a tenté désespérément, en 2004, de ressusciter le journal avec le titre « le Nouvel Algérie actualité ». En vain.. Djaad est décédé en janvier 2015, sans voir ce projet qui lui tenait à cœur se réaliser.
Qui ne se souvient pas de ces titres mémorables à la Une du journal pour les grands événements comme la mort du Président Boumediene, le tremblement de terre d’El-Asnam, la médaille d’or de Hassiba Boulmerka ou Nordine Morcelli aux jeux olympiques, l’élection de Chadli… ? Des titres qui sont restés gravés chez nombre de mordus de la presse de cette époque. Presse sous contrôle, où il fallait lire entre les lignes pour comprendre ce que le journaliste voulait faire passer comme message. Epoque où l’autocensure était presque la règle pour des journalistes « fonctionnaires » dont la carrière était régie par une grille d’avancement officielle à l’ancienneté. Yektab wella mayetktabche, et à un même échelon, les journalistes avaient le même salaire. Mais cela n’empêchait pas ces journalistes de terrain de faire des investigations sur des sujets très variés relatifs à la société, la culture, les arts, les sports où ils profitaient parfois de l’occasion pour faire une critique objective des responsables de l’époque qui pouvait échapper à la censure.
Beaucoup de journalistes d’AA des années 70 – 90 sont encore vivants, certains sont décédés, d’autres assassinés.
Que ce soit pour Algérie-Actualités, pour les autres journaux, comme pour d’autres domaines – musées, sites archéologiques, ouvrages d’art, Casbah, traditions…- il parait évident que la conservation de la mémoire collective relève de la politique de l’État en la matière.
En Février 2016, le ministère de la culture avait repris le colossal travail du musicologue Benkalfat aidé par une soixante de personnes du monde des arts et de la culture, relatif à la création d’un site Internet dédié au patrimoine culturel algérien. La richesse de ce site est inouïe par les rubriques qu’il propose : musique, contes, littérature, théâtre, cinéma, poésie, arts rupestres, sculpture, calligraphie…. Cependant, à part la rubrique « musique andalouse » plus ou mois fournie, la plupart des autres rubriques brillent soit par la pauvreté des contenus soit par l’absence totale de contenu. Et à chaque fois que vous cliquez sur une rubrique sans contenu, le site vous renvoie sur un message d’accueil dont cet extrait « …D’ici la fin de l’année 2016, nous avons pour objectif de mettre en ligne quelques dizaines de milliers de références qui seront réparties dans les différents créneaux du portail… Le portail sera suspendu, de temps à autre, pour effectuer les mises à jour et les tests nécessaires ».
Sauf que cette suspension semble durer !!! Espérons que ce site sera viable et actualisé, sinon il y a de quoi être désespéré. Galhoum Aimé Césaire « Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ».
PS. Qu’on me pardonne l’écriture des noms des journalistes ou ce que je rapporte comme faits qui mériteraient peut être d’être corrigés ou complétés.

1 COMMENTAIRE

  1. Wallah baraka allah fik ya si el Asnami pour cette article et vous nous faites rappeler des belles moments je dirais même de ma vie! de cette époque, chaque jeudi je me dirigeait vers le kiosque d’a coté pour acheter ce fameux jouranl c’était des moments inoubliables en conséquence tous aller bien dans les années80 même la regretté myriam macuba venait assez souvent en algérie chanter, je profite pour rendre hommage a Monsieur Mostefa Abada d’algerie actualité dont je n’ai plus de nouvelles depuis longtemps. merci merci.

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