Libertés académiques : La censure, un acte illégal

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El Watan le 05.07.17 
 

Nuire aux libertés académiques est la pire des exactions. Car ce genre de procédé ne lèse pas seulement l’individu ou la communauté, il suspend l’évolution d’un pays en entier.
 La nouvelle affaire révélée à la faculté des sciences politiques Alger 3 provoque encore des réactions d’indignation, même si les pratiques de censures des travaux, de harcèlement  de chercheurs ou de castration des initiatives est le lot quotidien des universitaires. L’atteinte aux libertés académiques est une violence de la même teneur que celles (violences) dénoncées ces dernières semaines, après l’assassinat de l’enseignant de Khemis Miliana, Karoui Bachir Serhan, ou l’agression des enseignants et étudiants à l’intérieur des franchises ou des résidences universitaires.
En mai 2010, une note émanant du ministère de l’Enseignement supérieur révélait la perception des gestionnaires du secteur de la liberté académique et celle de penser. La note 628/SG relative aux «Relations avec les partenaires étrangers», soumettait alors, la participation aux conférences et colloques internationaux, en Algérie ou à l’étranger, ou toute action de coopération, à l’accord préalable du ministère.
Le texte avait été promulgué, car l’institution avait constaté  que «la liberté d’initiative (pour la participation  de chercheurs algériens à des colloques tenus à l’étranger, sur des thèmes ayant un caractère sensible pour la politique étrangère de notre pays et pour les intérêts nationaux, sans avoir pris le soin et la précaution de recueillir l’accord préalable du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique) ne saurait être tolérée lorsque les intérêts ou la politique étrangère du pays sont concernés», était-il écrit dans le texte. Alors, le ministère décide que «la pratique ne saurait être acceptée à l’avenir».
Délit
Après coup, plusieurs cas de censures de recherches et de blocage d’initiatives scientifiques ont défrayé la chronique, à l’image des travaux de l’anthropologue Dr Meriem Bouzid Sababou, en janvier 2015, ou encore la participation de l’économiste Samir Bellal à un colloque international sur  «Recherche et régulation : la théorie de la régulation à l’épreuve des crises», en mai 2015. Si à ces tristes événements, la censure avait un goût amer, aujourd’hui elle a carrément un relent de délit.
Car depuis 2016, les libertés académiques et les libertés de recherche scientifique sont institutionnalisées. A l’article 4 de la Constitution il est dit que : «Les libertés académiques et la liberté de recherche scientifique sont garanties. Elles s’exercent dans le cadre de la loi». Plus encore, et au dessus de la loi mère, la déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIe siècle de l’Unesco de 1998, ratifiée par l’Algérie, accorde une importance majeure à ces libertés.
Ce texte, dans la partie réservée aux actions prioritaires au niveau national, impose aux Etats d’«offrir et de garantir les conditions nécessaires à l’exercice des libertés académiques et de l’autonomie institutionnelle, afin de permettre aux établissements d’enseignement supérieur, ainsi qu’aux personnes travaillant dans l’enseignement supérieur et la recherche, de remplir leurs obligations envers la société».
A la faveur de ces textes, l’atteinte aux libertés académiques est un acte illégal qui devrait conduire à des sanctions contre ses auteurs. Seulement, les pratiques des responsables universitaires tendent toujours à prêter à confusion.

On ne parle jamais d’interdiction ni de censure. On ne l’assume pas. Les maîtres censeurs trouvent toujours des chicanes pour éviter de se faire prendre. Mais au final, toute la communauté sait que ces ronds de cuir ne font qu’exécuter des directives pas directes. A eux après, par excès de zèle ou par bigoterie de jouer le jeu malsain.
Samir AZZOUG

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