Hocine LAHOUEL : Patriote sincère, libre comme le vent.

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Hocine Lahouel. (1917-1995) Il a tenu tête à Messali et critiqué Boumediène : Patriote sincère, libre comme le vent !
J’ai sorti de mes archives ce texte écrit il y a 6 ans qui relate le parcours flamboyant d’un homme qui s’est sacrifié corps et âme pour l’indépendance de notre cher pays mais qui a fini amer et désabusé. Une pensée à sa mémoire en ces moments troublés.

L’attrait du danger est au fond de toutes les grandes passions. Hocine en sait un bout, lui qui, à peine adolescent, s’était voué corps et âme au triomphe de l’idéal indépendantiste. C’est lui qui dans le feu de l’action, bravant les périls, avait eu cette réflexion ô combien édifiante : «Je ne veux pas que ma vie ait un sens pour moi, il faut qu’elle en ait pour autrui.»
Ainsi était Hocine Lahouel, grande figure du nationalisme radical incarné par l’Etoile nord-africaine, le PPA, le PPA-MTLD et enfin le FLN.
«Pour avoir été longtemps son proche compagnon, je ne crois pas céder ici à la louange facile mais témoigner de sa foi, de son courage politique et de sa totale abnégation partout où ses responsabilités l’avaient requis. Par son patriotisme sans concession, ses vertus militantes et ses qualités humaines, il s’était en effet hissé au niveau des meilleurs, ceux qui avaient donné au PPA sa dimension et son souffle, qui avaient durablement enraciné sa crédibilité au sein des masses», m’avait confié le vieux militant Sid Ali
Abdelhamid, occulté par tous les régimes en place depuis 1962, Hocine a eu un écho disproportionné par rapport à son riche parcours de militant «sincère, libre comme le vent».
Deuxième personnage après Messali, Hocine a entièrement consacré sa vie à la libération de la patrie. Il activa au FLN et se retira de la politique bien avant l’indépendance — ce qui ne l’empêcha pas de rester fidèle à ses idéaux sans jamais verser dans la compromission.Lorsque la scission du PPA-MTLD était consommée au début de 1954, Lahouel, alors secrétaire général du parti, prit nettement ses distances avec le Zaïm pour devenir le chef de file des centralistes. En mars de la même année, il prit part à la naissance du CRUA, en étant également responsable de la revue Le Patriote. Le 25 octobre 1954, Lahouel, accompagné de M’hamed Yazid, fut chargé par le Comité central de se rendre au Caire pour négocier avec les officiels égyptiens l’aide à apporter à la Révolution algérienne. Mais Lahouel n’a jamais admis le rôle ambigu et plein d’arrière-pensées des services secrets égyptiens et de leur chef, Fethi Dib, qui n’avait choisi qu’un seul interlocuteur en la personne de Ben Bella.
Lahouel vint alors à critiquer ouvertement les agissements de Ben Bella et en fit part aux membres de la délégation extérieure. «Si vous êtes des révolutionnaires, la Révolution exige que les contacts avec les autres parties ne soient pas l’œuvre d’une personne mais de deux, de trois au moins. Ces contacts avec les parties ne doivent pas se limiter aux seuls services spéciaux.» Cette attitude courageuse valut à Hocine une mise à l’écart qui ne l’affectera pas outre mesure, puisqu’il fera savoir qu’il n’est pas avide de pouvoir en déclarant notamment : «Les responsabilités que j’ai dû assumer dans le cadre du Mouvement national m’ont été rigoureusement imposées. En 1930, nous avions un rêve à la dimension de l’histoire. Le rêve s’est réalisé 132 ans après.»
Son ami Benyoucef Benkhedda, avec qui il a cosigné aux côtés de Mohamed Kheiredine et Ferhat Abbas un appel contre l’autoritarisme de Boumediène en 1976, a dressé un portrait plein de reconnaissance de celui qui est né en 1917 à Skikda et qui a été profondément marqué dans sa tendre jeunesse par la guerre du Rif marocain, conduite par le héros Abdelkrim El Khatabi et par les fêtes du centenaire de l’occupation française de l’Algérie (1930). Elève au collège Luciani de Skikda, à 13 ans déjà il est convoqué par le commissaire de la ville pour ses «idées subversives». Sa famille quitte Skikda pour Alger en 1933, où Hocine fréquente le groupe de l’Etoile nord-africaine chez Hadj Smaïn, coiffeur à La Casbah, Ahmed Mezerna, traminot, Brahim Gherafa, épicier, Mestoul, serrurier, Hocine Mokri, taxieur…
Grâce à son dynamisme, Hocine est propulsé coordinateur des cellules et se trouve être le premier permanent du Parti, cadre salarié voué entièrement à l’action militante. Le 3 août 1937, il est arrêté et incarcéré à Serkadji et condamné par le tribunal d’Alger pour avoir réclamé l’indépendance de l’Algérie en vertu du décret Rainier. Libéré en août 1939, Hocine et ses camarades sont de nouveau harcelés au déclenchement de la Seconde Guerre. Hocine fera la connaissance de tous les camps de déportation du sud oranais. De là, il envoie des articles à L’Action algérienne, journal clandestin créé et animé par le groupe Taleb à Alger. Hocine est de nouveau poursuivi et condamné à 20 ans de travaux forcés. A l’annonce du verdict et avec son sourire narquois, Lahouel, debout, lance à l’adresse du juge : «Monsieur le président, je pense que d’ici-là la France sera partie !» On était à 17 ans de l’indépendance. Mais Lahouel est envoyé à la prison centrale de Lambèse, connue pour les rigueurs de son régime. Il en sortira à la faveur de l’amnistie générale, décrétée en avril 1946. Lahouel reprend sa place à la direction du PPA dissous depuis 1939. Ses divergences avec le Zaïm sont un secret de polichinelle. Hocine sera parmi ceux qui préconiseront la création de l’OS.
«Hocine, note Benkhedda, a marqué de son empreinte un des grands moments de l’histoire du Mouvement national. Trois traits de caractère dominent chez lui : le don de soi ; adolescent, il quitte les bancs du lycée de Skikda pour se lancer dans la bataille de la libération de la patrie ; le respect des principes, notamment le principe de la direction collégiale ; en 1946 au mois de novembre, le comité central du PPA avait décidé la participation aux élections à l’Assemblée nationale française. Lahouel s’y était opposé et il était le seul.» «Pourtant, poursuit Benkhedda, au cours de la campagne électorale, il laissa de côté son point de vue et ses sentiments personnels et défendit publiquement avec chaleur le point de vue de la majorité. L’union nationale était sa devise. Il était convaincu que, sans elle, l’indépendance était une chimère.»
Chergui Brahim, ancien moudjahid, a fait la connaissance de Lahouel en 1953 à l’époque où Brahim avait été désigné par le Parti au poste de chef de Wilaya de Constantine. «Hocine n’a jamais cessé de militer pour la cause nationale depuis les années trente. Hormis ses qualités de militant sérieux et organisé, il s’est toujours distingué par son don d’orateur brillant. Il a été arrêté à plusieurs reprises par les forces coloniales, condamné et interné dans les camps de concentration. Il apparaît comme un héros de la cause nationale aux côtés de
Debaghine, Mezerna, Mostefaï, Sid Ali Abdelhamid, Asselah, Taleb, Chentouf… Il restera à jamais une figure marquante de la lutte de Libération nationale.» Réda Bestandji, doyen des Scouts musulmans, militant de la cause nationale, a connu
Lahouel au lendemain des massacres de Mai 1945. «J’étais étudiant et il était l’un des principaux responsables du MTLD. Je le croisais souvent à la Place de Chartres au siège du Parti. Lorsqu’il y avait des réunions publiques ou des élections, il prenait la parole, et de quelle manière ! C’était un tribun, un orateur né. On sentait dans son discours enthousiaste le militant sincère et dévoué. Puis, je l’ai de nouveau revu chez un coiffeur à Alger, au milieu des années 1970. Je me souviens lui avoir fait le reproche de ne pas écrire ses mémoires comme le font ses semblables. Surtout lui, qui avait beaucoup à dire du fait des postes-clés qu’il a occupés. Je me rappelle très bien de sa réponse cinglante : ‘‘Le temps, m’avait-il rétorqué, n’est pas à la parole, mais à l’action’’.»
Lorsqu’il s’est élevé contre Boumediène, celui-ci en représailles l’a privé de son salaire, le plongeant dans le besoin, car il n’avait pas d’autres ressources. Lorsque j’ai évoqué son cas à Ben Bella, alors en résidence surveillée à Bologhine, l’ancien Président a proposé son aide à Lahouel. Mais je n’ai pas osé en faire part à Hocine, car je savais qu’il aurait refusé. «J’ai eu l’honneur et le plaisir d’assurer sa défense devant les magistrats et les juridictions répressives coloniales qu’il affrontait avec sérénité et parfois avec une ironie frisant le mépris», confie Me Amar Bentoumi, qui suggère que Lahouel «doit figurer en bonne place dans l’histoire de l’Algérie qu’il aima avec passion et qu’il ne cessa de servir en toutes circonstances contre vents et marées». «Un homme illustre, un grand fils de l’Algérie disparaît en 1995 dans l’anonymat le plus total. Quelle injustice ?», regrette le professeur et moudjahid
Messaoud Djennas, qui est convaincu que l’histoire, ce grand juge implacable, est là et finira bien par restituer à chacun la part qui lui revient.
Dans le Manifeste de mars 1976, Hocine Lahouel, cosignataire aux côtés de Ben Khedda, Kheireddine et Ferhat Abbas, s’élève contre «le pouvoir personnel qui nous a conduit progressivement à la même condition de sujets sans liberté et sans dignité. Cette subordination est une insulte à la nature même de l’homme et de l’Algérien en particulier. Elle est une atteinte à sa personnalité. Les quatre vétérans de la lutte de libération appellent les Algériens à lutter afin d’élire par le peuple, librement consulté, une Assemblée nationale constituante et souveraine. De mettre fin au système totalitaire actuel et élever des barrières légales contre toute velléité de ce genre. D’établir les libertés d’expression et de pensée pour lesquelles le peuple algérien a tant combattu. D’œuvrer pour un Maghreb uni, islamique et fraternel».
Cet appel, dont un extrait ci-dessus a valu aux quatre signataires du document la mise en résidence surveillée, la nationalisation de leurs biens et suppression du salaire pour Lahouel, alors directeur d’une société nationale, ne résonne-t-il pas comme un brûlant sujet d’actualité par les temps qui courent où l’autoritarisme et le mépris du peuple règnent en maître.
HAMID TAHRI

8 Commentaires

  1. C’est un parmi tant d’autres. L’erreur monumentale commise depuis la confiscation du pouvoir par une caste sans scrupules, était de ne pas avoir raconté verbalement la vraie histoire aux générations qui s’en venaient. Boumédiene a changé toute l’histoire des manuels scolaires et de la vie publique. Aucun jeune ne pourra raconter la vraie histoire. Tout a été fait pour tromper le peuple.

  2. Un vieux proverbe Kabyle dit : Azguer iharthits Aghyoul isnefiits ce qui donne à peu près ceci « le Boeuf a semé et c’est l’âne qui a récolté les fruits ». Ce proverbe résume et explique l’échec de la « révolution » Algérienne. Finalement l’ennemi intérieur tapis à l’ombre aux frontières était pire que la France coloniale et on n’a pas encore cessé d’en payer le prix fort.

  3. Qu’est-ce qu’il peut faire, un homme esseulé, contre un système autocratique, à part la parole et le témoignage de son temps pour ses idées même s’il risque l’isolement et le dénuement le plus total.
    Mais ce genre d’hommes resteront dans l’histoire des nations le guide et la lumière la plus brillante pour toute résistance contre l’aliénation et les mensonges.
    L’histoire finira, toujours,par reconnaître les hommes de valeurs et de principes.

  4. Je garde toujours en mémoire les paroles de mon frère aîné et Ami, Si Hocine Lahouel qui me rendait visite en 77 à l’hôpital,après sa libération. Il me disait au sujet de Boukharouba : « Dieu dans toute sa Grandeur et sa Puissance s’est créé un opposant : SATAN. Boukharouba, quant à lui, plus que parfait, n’admet pas d’opposant « .
    Rahimakou Allah, cher Si Hocine.

  5. SALAM A TOUS
    WA SANA MOUBARA LIL JAMI3
    SOUBHAN ALLAH, CE boukharouba n’a epergne personne.
    Comment peut-on confisquer le salaire d’un pere de famille?
    Il me semble que le criminal boukharouba et que certains meme aujourdhui s’evertuent a lui faire des eloges, n’est pas alle au dela de l’insupportable ,mais qu’il a demontre une lachete qui n’a d’egale nullement dans l’histoire des dictateurs.
    En cette nouvelle annee de l’hegire , je prie ALLAH de se venger de tous ceux qui l’ont servi et supporte tout comme ceux qui leche la botte a bouteflika…
    Il me semble que c’est BOUDIAF-RABI YA RAHMOU- qui a traite les jeunes intellos au lendemain de l’independance de nouveaux pantouflaards alors que lui meme subissait la deportation,,,en d’autres termes la lachete a commence juste au lendemain de l’indepandance…
    merci a tous

  6. @A sidhoum, un autre grand home ( lamine khan ) de collo pas loin de skikda, disait Boukharouba, dans ses rêves s’est vu prisedent « .
    Ces deux homes connaisse apparament bien le type et le malheur de l’algerie

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