"Douctour" et "Broufissour" sans le bagage qui va avec !! Et la descente aux enfers de l'Université continue !

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Suppression de la publication scientifique

Doctorat, vers la dilution du diplôme ?

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El Watan le 08.11.17 

Tahar Hadjar a pris la défense, ce 2 novembre devant la presse, d’une étudiante, fille du recteur de l’université de Ouargla, accusée d’être parachutée sur la liste des accédants au troisième cycle d’enseignement supérieur : le doctorat.

Du haut de son statut de ministre de la République, il répond, par une formule dédaigneuse : «Les enfants de responsables peuvent aussi mériter leur réussite», à une problématique pourtant endémique à l’université algérienne, où passe-droit, népotisme, clientélisme et corruption ont aussi leurs places «pédagogiques».
Cette année particulièrement, le nombre de cas de dénonciations concernant le parachutage de certains «enfants de responsables» de différents rangs et statuts, pose réellement des interrogations sur la pertinence et le sérieux des concours organisés par le secteur de l’enseignement supérieur. Ces forfaitures, loin d’être des cas isolés, sont autant de coup de boutoir donnés à la crédibilité de ces concours.
D’ailleurs, et ce qui est très étonnant, il n’est pas rare de voir figurer sur les listes des lauréats dont la moyenne générale flirte avec les 5/20. Une aberration lorsque le cursus convoité est le troisième cycle de l’enseignement supérieur, soit le doctorat qui, doit-on le rappeler, est un palier de recherche scientifique !
Tahar Hadjar, qui annonçait l’été passé sa détermination à protéger et valoriser ce diplôme en particulier, vient, ces dernières semaines, de donner le coup de grâce qui va sûrement diluer et amollir le doctorat. Un nouveau décret, concocté par le ministère de l’Enseignement supérieur, va dispenser l’étudiant de 3e cycle de la publication de son travail de recherche dans une revue scientifique internationale.
Aujourd’hui, on comprend mieux ce que voulait dire Tahar Hadjar par algérianiser le LMD : c’est rompre avec ce qui se fait ailleurs dans le monde au profit de la gestion des flux et de la dilution des diplômes du supérieur. Car, même si elle a été saluée dans certains cercles adeptes du nivellement par le bas, la décision de l’équipe Hadjar est un coup porté à la crédibilité et à la pertinence de ce diplôme.
C’est un cache-misère et une fuite en avant pour masquer le cancer du plagiat qui a métastasé et placé l’université algérienne non pas dans les classements internationaux, mais dans un état terminal de déliquescence. Par ailleurs, au lieu de penser à booster l’étudiant vers l’avant, en direction de l’excellence ou à défaut de produire des publications scientifiques algériennes de qualité, le ministre prend la tangente.
Radical. Ce n’est pas parce qu’il y a 4000 morts chaque année à cause des accidents de la route qu’il faut supprimer le permis de conduire ! Par projection donc, ce n’est pas parce que le plagiat fait des ravages, que le nombre de doctorants incapables (pour une raison objective ou pas) de soutenir dans les temps ou de publier son travail dans une revue internationale, qu’il faille supprimer la «formalité».
Rappelons à toutes fins utiles, que si les universités algériennes ne figurent pas dans de bonnes positions dans les classements mondiaux, c’est, entre autres, à cause de leur pauvreté en matière de publications scientifiques.
Avec cette nouvelle mesure adoptée pour le secteur de l’enseignement supérieur, les rares établissements algériens qui figurent en queue de classement, à l’instar de celle de Sidi Bel Abbès 1781e, Ouargla 1798e et Tlemcen 2297e (dans l’édition 2015 du palmarès QS des universités mondiales) disparaîtrons tout bonnement de l’univers universitaire.
La décision de supprimer l’obligation de publication des recherches des doctorant peut être perçue comme une nouvelle brèche ouverte en faveur du «trafic» des diplômes. L’hypercentralisation des décisions au niveau du ministère – il suffit de prendre cas de l’opération de transfert des étudiants chapeautée uniquement par la tutelle et qui crée une véritable crise au niveau des établissements du supérieur – permet tous les excès. Ainsi, l’«enfant du responsable», qui a eu accès illégitimement aux études doctorales, n’aura même pas à fournir l’effort de produire un travail scientifique.
Cela va aboutir indéniablement vers un marchandage encore plus odieux que celui qui a cours aujourd’hui dans les établissements supérieurs.
Pire, ces «douctour» gagneront en grade et franchiront par les mêmes procédés les paliers de l’excellence universitaire. Ils seront ainsi des professeurs et des cadres de la nation sur titre mais sans le bagage qui va avec. Et au final, l’Algérie aura gagné un nombre impressionnant de docteurs sans recherche.

En 2015, sur un total de 30 000 étudiants doctorants, seuls 4000 activaient dans les laboratoires de recherche ! Et en termes de centralisation, ajoutons également le monopole d’accès aux sites et revues scientifiques détenu par la direction générale de la recherche scientifique qui voit à sa tête Abdelhafidh Aourag, le champion d’Algérie des publications scientifiques. C’est par-là qu’il faut commencer. Assainir d’abord les rouages de la recherche avant d’éliminer carrément les publications dans les cursus universitaires.

Samir Azzoug

7 Commentaires

  1. Une ancienne chronique de notre ami Mounir Sahraoui, qui est toujours d’actualité.
    L’université de BB (In Hoggar.org)
    Vous connaissez la dernière ? C’est l’université de Benbouzid
    Il y a très très longtemps, est né en Algérie un génie comme il n’en nait qu’une fois par siècle, avec un peu de chance… Vous avez bien deviné, il s’agit de… Benbouzid, ou BB pour les victimes.
    Comme dans les années 70 il était en bons termes avec Si Chekkam, lequel connaissait Si Bouchkara, un petit indic de la SM qui rodait dans l’université, le jeune BB décrocha le plus légitimement du monde une bourse anti-impérialiste pour aller « étudier » en URSS…
    BB voulait naturellement se spécialiser dans l’électrodynamique quantique, car il avait lu dans Pif Gadget que c’était la voie royale pour obtenir le prix Nobel de physique. Plus que circonspect sur ses aptitudes intellectuelles, le centre d’orientation des Soviets l’envoya dans la fameuse Université Russe de l’Amitié des Peuples – ou Université Patrice Lumumba – laquelle avait pour mission première de donner l’aumône communiste en distribuant des diplômes type « PhD » à tout boursier africain qui se dévouait à combattre l’impérialisme décadent et les ennemis du prolétariat…
    Suite à 5 ou 6 années de lavage-graissage de cerveau, BB obtint son « doctorat », non sans avoir au préalable fermement promis à ses examinateurs d’exporter en Algérie tout ce qu’on lui a fait subir à l’Université Lumumba…
    Tout auréolé de son précieux sésame, BB prit l’avion du retour, lequel, malheureusement pour nos enfants et petits enfants, ne s’écrasa point. Vers 93-94, Toufik était justement à la recherche d’un génie pour aider les instruits à désapprendre et à s’abrutir efficacement. Devant ses collègues de la Junte, Toufik soutenait ferme que l’Algérie n’avait pas besoin d’intelligencia mais d’abrutigencia. Il fit donc appel à BB, qui accepta l’offre de diriger le ministère de l’Eraducation Nationale, à condition toutefois que le bail soit de 20 ans renouvelables. Il argua avec force et conviction qu’il fallait « du temps pour démolir tout cela »…
    Ecole fondamentale, école fawdamentale, 15 matières infligées aux mômes de 8 ans, les maths dispensés en arabe mais écrits en latin, de droite à gauche qui plus est… les innovations géniales de BB ne se comptent plus…
    Après 16 ans sur le trône de l’Eraducation, BB peut contempler son œuvre avec une légitime fierté : l’Université algérienne est, aux dernières nouvelles, classée… dernière, justement. Dernière en Afrique pour être tout à fait complet. Mission accomplie, donc ! BB ne connait pas la teneur de cette étude, autrement il l’aurait corrigée à la hausse comme il l’a fait pour les résultats du Bac 2010, lesquels ont vu des dizaines de milliers de mentions « tri bien ». Sans doute pour refléter plus fidèlement l’inflation galopante dans d’autres secteurs comme la corruption ou les émeutes…
    Les élèves qui sortent de « l’Université » à partir de 2010 n’auront connu que le système BB. Donc à partir de dorénavant et à compter de désormais, ces diplômés promotion BB vont commencer à faire leur entrée dans le monde du « travail ». Ils vont « construire » vos immeubles, vos ponts, vos stades. Certains vont « diagnostiquer » vos maladies. D’autres vont vous « opérer » du cœur… et il y en a même qui seront aux commandes de centrales nucléaires…
    Jusqu’à aujourd’hui donc, le système BB, c’était de la théorie. Dans les années à venir, nous allons passer aux « travaux pratiques ». Alors : Oine, tou, tré, viva l’Algéré !
    Mounir Sahraoui

  2. Il faut discerner entre le titre de «docteur» et le grade de «maître de conférences-B».
    La note 870/S.G/ 2013 du Secrétaire général du MESRS, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, fait référence au décret exécutif ? 98-254 du 17 Août 1998. En trente et un articles, l’Arrêté ? 250 du 28 Juillet 2009 régit l’organisation de la formation de troisième cycle en vue de l’obtention du diplôme de doctorat. Dans son Article 17, il était stipulé que la thèse de doctorat consiste en l’élaboration par le doctorant d’un travail de recherche original devant faire l’objet d’au moins une (01) publication dans une revue scientifique reconnue ; elle est sanctionnée par sa soutenance.
    Cette ancienne façon de procéder, l’imposition d’un article de revue, était «négative». Selon l’esprit de l’Arrêté en vigueur, des chercheurs ou doctorants se sont même «suicidés» scientifiquement en achetant des articles de journaux véreux à de fortes sommes en devises.
    Des journaux hindous, pakistanais ou ceux d’Asie et dernièrement même européens ou américains ont trouvé une «aubaine «, une façon de se faire de l’argent sur le dos des scientifiques algériens.
    Ils leur publient leurs articles d’une qualité «douteuse «en contre partie d’une rémunération conséquente, à 30 euros la page, ce qui revient à un ordre de 400 euros par article.
    Par cet acte, l’auteur de la publication scientifique achète son article.
    Il n’y a plus d’effort intellectuel à fournir.
    Des enseignants universitaires ont même eu des grades de Maître de conférences-A et Professeur sur présentation de ces articles «achetés «.
    Il a été suggéré par nous même l’élaboration d’un texte immuable s’inspirant de ce qui se fait en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en France, pays qui possèdent les systèmes de production de la science les plus développés.
    Ce n’est pas tous les détendeurs de Ph.D et les Docteurs qui doivent publier des «articles de revue» pour soutenir leur thèse.
    La «revue» n’est pas la dénomination d’un «magazine» hebdomadaire ou mensuelle mais celle d’un journal scientifique.
    Si un doctorant a cherché et a recherché pendant trois années et a pu rédiger un mémoire de thèse de Doctorat, et si un jury de délibérations confirme «l’originalité» du travail de recherche, il est autorisé à soutenir son doctorat.
    Le mémoire de thèse est un document dépassant obligatoirement les cinquante pages. Un mémoire de thèse et une communication dans une «conférence internationale» peuvent suffire pour la soutenance du doctorat suggéré.
    L’acceptation d’un article à communiquer et à exposer effectivement dans une «conférence internationale» avec un comité de lecture sérieux, connu et reconnu sur la scène internationale, évitera des désagréments aux chercheurs tels les problèmes d’affinité, de susceptibilité, de despotisme de certains conseils scientifiques, de népotisme, etc.
    L’acceptation d’un «article de conférences internationales» est faite après l’arbitrage d’au moins deux «referees» ou arbitres. Ces derniers sont des spécialistes de renommée mondiale ou internationale.
    Il faut seulement attribuer une priorité plus élevée à la communication dans une conférence qu’à un départ en stage.
    Un nouvel arrêté vient d’être diffusé et félicitations pour nos jeunes chercheurs et A bas les Mandarins de l’Université!

  3. La publication, entre la soumission et la diffusion de l’article, peut prendre un temps assez long.
    En effet, certains articles peuvent traîner jusqu’à cinq ou six années pour être acceptés pour publication et paraître dans une revue de renommée établie.
    De ce fait, il ne faut pas sanctionner le doctorant à l’attente de la parution de son article.
    Après des années, le thème du sujet peut devenir «obsolète» et deviendrait un «danger psychologique» pour le chercheur qui n’arriverait sûrement pas à publier ses travaux.

    • Effectivement l’attente peut être très longue pour des journaux de très haut vol, mais on ne demande pas au doctorant de viser ces journaux pour ses premières publications. Et effectivement, dans les pays développés, on n’exige pas nécessairement du doctorant d’avoir publié avant de soutenir, mais il y a un minimum de garde-fous pour que le doctorat ne soit pas « donné ». Or comme nous savons très bien comment les choses se passent chez nous, ne plus exiger de publications reviendrait dans de très nombreux cas à offrir des « doctorats » aux candidats du fait qu’ils sont fils et filles de flène ben flène, ou parce qu’ils sont issus de tel ou tel tribu ou patelin. A l’age d’internet et du village global, on « algérianise » la recherche scientifique à 100%, hna-fi-hna. C’est bien pour le nif et les patriotards, mais catastrophique pour nos jeunes cherecheurs. La porte au népotisme et à l’arbitraire etait déjà entre-ouverte; avec les nouvelles dispositions, on a simplement demonté la porte.

  4. Réponse de la rédaction du supplément étudiant
    El Watan le 15.11.17 |
    Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique use de son droit de réponse à travers une mise au point à l’article intitulé «suppression de la publication scientifique : Doctorat, vers la dilution du diplôme ?», paru sur ce support en date du 8 novembre dernier.
    Dans son réquisitoire contre ledit texte, le ministère s’élève d’abord, contre la dénonciation d’un cas suspecté de favoritisme en faveur de la fille du recteur de l’université de Ouargla pour l’accès à la formation doctorale. Or, l’article en question parle d’ «accusation» de tricherie sur une situation que le ministre lui-même a commenté en public.
    Dans une intervention télévisée, Tahar Hadjar, le ministre de l’enseignement supérieur, défend le droit des enfants des responsables à réussir dans les concours organisés par son secteur. Oui, mais lorsque les règles sont respectées et ces dernières ne le sont pas toujours. Les cas d’ «accusation» de favoritisme sont légions.
    Les messages, preuves à l’appui, de ces dépassements inondent la rédaction du supplément étudiant. Passés maîtres dans le dévoiement des règles, certains responsables d’établissements du supérieur usent et abusent de techniques toujours plus discrètes et sophistiquées pour faire passer leur «clientèle». Sinon, comment expliquer que des candidats au concours de doctorat classés sur la moyenne générale de leur cursus de Master réussissent leur concours avec des notes bien inférieures à 10/20. Des lauréats qui ont des moyennes de 12 voir 14/20 au master sont notés à 5 voir 3/20 lors du concours, et accèdent à la formation ! Cela sent à plein nez le gonflement des notes tout au long des cursus.
    Par ailleurs, dans son intervention télévisuelle, le ministre explique la démission d’un responsable de la même université par le fait que son enfant n’ait pas été inclus dans la liste des admis ! Alors posons-nous la question : pourquoi un responsable démissionnerait de son poste pour cette raison, si ce n’est pour la remise en cause du concours et des ses résultats ?! tentant de minimiser l’ampleur de ces cas de triche, le ministre déclare que des commissions d’enquêtes seraient mises en place «si cela s’avère nécessaire». Alors, que ces commissions, pour peu qu’elles soient véritablement indépendantes, soient mise en branle.
    Ensuite, dans son second volet, le ministère renie son intention de supprimer la publication scientifique pour l’obtention du Doctorat. Or, depuis l’annonce de l’approbation par le gouvernement du contenu de deux décrets relatifs aux «conditions et modalités de l’habilitation universitaires» et au «régime des études LMD», le 7 octobre 2017, la rédaction d’El Watan étudiant n’a eu de cesse de contacter l’institution pour avoir des informations sur lesdits textes. En vain. Comment peut-on expliquer qu’un projet de décret arrivé à un tel stade de maturation qu’il se retrouve sur le bureau du gouvernement, soit à ce point tenu secret ?! Rappelons juste que le droit à l’information est un droit constitutionnel. L’Article 51 de la constitution algérienne stipule bien que : L’obtention des informations, documents, statistiques et leur circulation sont garanties au citoyen.
    La nature à horreur du vide, et devant le mutisme de l’institution, la porte est largement ouverte aux «fuites organisées» voir aux ballons de sondes. Sinon comment expliquer, encore une fois, que l’information soit éditée dans plusieurs supports médiatiques entre autres, le très public quotidien national d’information El Moudjahid – voir l’article intitulé «Recherche scientifique : Les conditions d’obtention du doctorat seront revues» publié le 7 novembre dernier- ?!
    Par ailleurs, nous aurions souhaité, qu’en plus de ces deux griefs portés par le texte du ministère, que des éclaircissement soient apportés au sujet de l’accaparement par la direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique de l’accès aux sites et revues scientifiques et des entraves dressées devant les chercheurs qui luttent pour publier.
    Cela dit, et toute polémique mise à part, la communauté universitaire, à travers des messages adressés à l’équipe rédactionnelle du supplément étudiant, exprime sa satisfaction quand au recul du ministère concernant la décision de supprimer la publication scientifique pour l’obtention du diplôme de Doctorat ce qui aurait eu des conséquences lourdes sur la valeur de ce diplôme. L’essentiel est là.

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