ENTRE NIHILISME ET SALAFISME.

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« LE MENSONGE A DECIME LES HABITANTS DE LA TERRE. SECTATEURS, LEURS ENFANTS N’ONT PU SE LIER D’AMITIE.
N’EUT ETE L’INIMITIE INHERENTE A LEUR NATURE, SYNAGOGUES, EGLISES ET MOSQUEES N’AURAIENT FAIT QU’UNE. » 

Abul Ala Al-Maari – Homme de Lettres Syrien (973-1057)
« D’OU VIENT NOTRE AVERSION POUR L’HOMME ? » 
Friedrich Nietzsche – Philosophe Allemand (1844-1900)
L’anthropologie estime que l’émergence de l’espèce humaine (premier bipède – Homo- erectus) et sa démarcation morphologique du genre animal date de plus de deux millions d’années. Mais la conscience humaine a surgi juste à l’instant fatidique de la réalisation par l’homme de sa propre finitude.
Conscient de sa temporalité, face au chaos et au mal de l’existence, et incapable de vivre dans un univers sans points de repère, l’homme, se voit comme un être souffrant avant d’être pensant, aliéné et désarmé dans un monde réel, qu’aucun principe ne régit, aucune morale ne transcende, aucune providence n’ordonne. Un monde insensé, où le crime paie parfois et où la vertu n’a pas d’autre récompense qu’elle-même. Enfin un monde absurde, que gouvernent des lois aveugles.
Sa vie tel un pendule, alors se balance entre la douleur et l’ennui.
Qu’elle qu’en soit sa genèse seul un ordre, dans lequel il puisse conduire sa vie peut atténuer cet état de faits.
La religion, la théologie, la philosophie, la métaphysique, la morale, et même les sciences et l’art, toutes ces disciplines sont mises à contribution alors à la construction d’un monde doué de sens : un lieu supra-céleste est créé, où les idées sont pensées comme objectivement données; le temps universel est limité par les idées de création, de rédemption et d’apocatastase, afin que l’homme soit sauvé d’une éternité́ pour lui insoutenable; le devenir lui-même – symbole du chaos par excellence – devient progrès, tension vers une fin, téléologie, providence divine; enfin, la vie – qui dans son état originel obéit à des lois cruelles, violentes, animales – est soumise aux lois de la morale, à ses devoirs absolus, à ses impératifs catégoriques.
Les résultats de la construction de cette superstructure métaphysique sont plusieurs:
1- La scission de toutes les réalités (monde vrai et monde sensible, homme tel qu’il est et homme tel qu’il devrait être, vie ici et vie au-delà.) ;
2- La dévalorisation du réel (conçu maintenant comme imparfait en comparaison avec la perfection du monde idéal);
3- La négation de la vie (elle n’est qu’une phase transitoire vers quelque chose de plus haut, l’éternité);
4- Enfin, cette attitude qui consiste à différer le bonheur («Souverain Bien» selon la formule de Kant, c’est-à-dire comme coïncidence de vertu et bonheur laquelle se situe toujours au-delà̀ de la vie sensible, dans la volonté divine).
Ce nihilisme, qui ne menace que trop, n’est pas sans rapport avec une formulation métaphysique qui est dans son essence n’est plus en équilibre avec la raison. Et les religions y ont leur part de responsabilité.
C’est parce que les croyants, pendant des siècles, n’ont cessé de dévaloriser le monde (parce qu’ils projetaient toute valeur dans la volonté divine) que, lorsque la foi recule ou s’éteint, il ne reste que ce monde dévalorisé, comme vidé de lui-même et de tout. Que signifie le nihilisme ? Que les valeurs supérieures se déprécient.
Les fins manquent ; il n’est pas de réponse à cette question : “à quoi bon ?”. Cela n’empêche pas de s’intéresser à l’argent ou au pouvoir, en manipulant la violence pour leur acquisition. Mais, pour faire une civilisation à visage humain et dont la finalité est l’homme lui-même, c’est un peu court.
Et cela laisse le champ libre, en effet, aux fanatiques de tout bord, de toute idéologie ou de toute religion.
Bannissant l’idée même que le siècle présent et ceux à venir ne peuvent être que meilleurs par rapport au siècle qui a vu la naissance de l’Islam, le salafisme, dont sa version la plus abjecte projetant une ethno-centralité passéiste refuse au musulman l’effort de prétendre à une foi en adéquation avec le moment présent.
Le nihilisme à travers la raison occidental ne peut trouver meilleur allié objectif dans l’exaltation de la perdition qu’il prône, lit de la violence et son avatar l’injustice sociale, que ce salafisme régnant.
Cette thèse d’une alliance entre ces deux systèmes de pensée (nihilisme occidental et salafisme) – trouve sa justesse dans l’état du monde qui fait appel à la force et à la puissance de l’ « homme supérieur » qui méprise les faibles, les malades, les pauvres, les suppliciés et autres laissés-pour-compte de la société, au nom d’un « aristocratisme d’esprit », de la nécessité d’un « pathos de la distance » et de la supériorité (physique et morale) des maîtres (seigneurs) sur les esclaves.
Cette condition est élevée dans son essence à une fatalité structurelle due à l’inimitié inhérente à la nature humaine.
Aux damnés de cette terre de refuser cette radicalité en la perception que la réalité des choses n’est jamais fatalement instaurée et établie mais qu’il doit y avoir, à l’intérieur même du temps et de l’histoire, une ouverture, un point de bascule, un point de lumière et d’attraction qui donnerait au genre humain accès, dès ce monde-ci, à un monde meilleur.
Khaled Boulaziz

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