Récit d’une nouvelle journée de bras de fer entre les médecins résidents et les autorités

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Le mouvement de protestation des médecins résidents risque de se durcir après l’échec de la réunion avec la commission intersectorielle, ce mardi 30 janvier, au siège du ministère de la Santé. Les représentants des médecins résidents, en grève depuis fin novembre 2017, se sont retirés de la réunion pour rejoindre leurs camarades à l’hôpital Mustapha Bacha à Alger qui tenaient un sit-in devant la porte d’entrée après plus de deux heures de marche à l’intérieur de l’établissement hospitalier.

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Le ministre en voyage à l’étranger

« Nous avons quitté la réunion en constatant l’absence du ministre de la Santé à la réunion, en déplacement à l’étranger malgré la crise actuelle. C’est la preuve qu’on ne prenne pas nos revendications au sérieux. La commission a fait des propositions sur le service civil éloignées de ce que nous avons demandé. Ils n’ont même pas fait l’effort de se rapprocher de nos revendications puisque nous sommes en phase de dialogue. Rien que pour le service civil, nous avons introduit vingt-quatre points. Il est illogique d’organiser plusieurs réunions sur un seul point seulement. Le ministère de tutelle donne l’impression de traîner les pieds dans l’étude de nos revendications. Il y a une perte de temps. Nous rejetons ce comportement », a dénoncé Hamza Boutaleb, membre du collectif des médecins résidents.

Les deux parties se sont entendues, selon lui, pour que toutes les revendications soient étudiées en trois réunions. « Les propositions faites par le ministère de la Santé ne répondaient pas à nos demandes. Nous avons dit que ces propositions ne sont pas à la hauteur de nos espérances avant de quitter la salle. Ils nous ont proposé un petit remodelage par rapport à la durée qui ne convenait pas du tout à nos demandes. Ils ont gardé les grands CHU avec 4 ans de service civil, une année ou deux de moins dans les petites villes. C’était insuffisant par rapport à ce que nous avons proposé. Nous sommes fermes par rapport à cela. S’il n’y a pas de suite favorable, il n’y aura plus de discussions. Nous n’avons pas envie que les choses s’étalent et que nos revendications soient prises à la légère », a déclaré Amine Naïli, membre du collectif des négociateurs au nom des médecins résidents.

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« Lors de son premier discours, le ministre de la Santé a déclaré qu’il s’agit d’une commission d’action, pas de parole. Jusqu’à ce jour, au bout de la troisième réunion, nous n’avons eu que des paroles ! Aucune action concrète n’a été réalisée pour régler la crise. Il n’existe aucune volonté de changement ni de dialogue. Il s’agit d’une réunion de méditation ! Le DRH (Directeur des ressources humaines) du ministère de la Santé a fait un effort personnel sur le service civil. Ils ont fractionné la revendication sur le service civil en plusieurs petites parties. Nous avons avancé vingt-quatre propositions sur ce service. Un point a été abordé seulement. Cela veut dire qu’on va organiser vingt-trois autres réunions pour étudier le reste. Ceci est inacceptable », s’est indigné Mohamed Taileb, membre également de la délégation qui négocie au nom des médecins résidents.

« Nous leur avons dit que nous sommes prêts à nous réunir avec eux ce matin, le soir et durant la nuit. L’essentiel est de tout régler en trois jours successifs en abordant toute la plate-forme de revendications. Nous sentons qu’ils veulent gagner du temps. Nous avons constaté qu’ils ont commencé de menacer les médecins résidents », a-t-il poursuivi. La grève est, selon lui, un droit constitutionnel.

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« Veulent-ils ramener des médecins de Cuba ? »

« Aucune personne ni encore tribunal n’a le droit de contester la légitimité de la grève. La légalité de la grève est indiscutable. Nous avons envoyé plusieurs mails aux membres de la commission intersectorielle. Ils n’ont même pas pris la peine de nous répondre. Nous avons dit que nous refusons la présence des représentants du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique. Ils ne nous ont pas entendus. Le ministre de la Santé est parti à Cuba dans un moment aussi difficile. Cela veut dire quoi ? Veulent-ils ramener des médecins de Cuba ? Nous faisons grève pour améliorer nos conditions de travail. Est-ce que nous ne valons rien ? », s’est interrogé Mohamed Taileb.

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Le collectif des négociateurs a exigé la préparation d’un agenda précis avant la prochaine réunion avec la commission intersectorielle pour discuter en bloc de toutes les revendications. « Nous leur avons dit, le malade souffre. Il faut vite trouver des solutions. Nous avons fait nos propositions. À eux, de faire les leurs. Si nous sentons qu’ils n’ont pas la volonté d’accélérer les choses, nous boycotterons ces réunions », a-t-il appuyé.

Selon plusieurs représentants des médecins grévistes, des menaces auraient été proférées à l’égard des grévistes à propos du gel des salaires ou des ponctions sur salaires.
« Ils ont ponctionné plus de 30% des salaires, plus que le maximum légal. Ils ont élaboré des rapports falsifiés sur l’absence des médecins résidents alors qu’un gréviste n’est pas absent, il exerce son droit constitutionnel. Ils veulent contester la légitimité de la grève et du collectif. Ils envoient des notes aux directeurs des structures sanitaires et des chefs de services allant dans ce sens. Tout cela, nous ne fait pas peur. Nous allons continuer dans le mouvement de protestation et dans le boycott des examens jusqu’à l’obtention de nos droits. Le ministère de la Santé ouvre le dialogue et saisit la justice pour déclarer la grève illégale. Tout cela pour exercer des pressions sur nous pour que nous acceptons les miettes. Et bien, nous n’allons pas céder. Ces intimidations sont entrain de rajouter de l’huile sur le feu. Elles ne font que renforcer notre détermination à avoir tous nos droits. Ils sont entrain d’obtenir l’effet contraire de ce qu’ils attendent », détaille Mohamed Taileb.

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D’après lui, les membres de la commission ont proposé que le service civil (obligatoire) doit être de quatre ans à Alger. « Or, ils nous ont toujours dit que le service civil est justifié par les besoins. Y a-t-il des besoins de médecins à Alger ? Comment justifier la durée de quatre ans dans une région où il y a une surcharge de praticiens ? », s’est-il interrogé

« Dites-le aux citoyens : nous n’avons pas de moyens »

Durant la marche à l’intérieur de l’hôpital Mustapha, plusieurs slogans ont été scandés ou écrits sur les banderoles : « Reviens demain ? Et après demain ? Et puis, plus rien », « El siha mankouba, wel wazir fi cuba » (La santé est sinistrée et le ministre à Cuba », « Aya el wazir, maranach khayfin » ( Ô ministre, nous n’avons pas peur),  « Fausses promesses », « La santé avant l’argent », « La santé du malade est de la responsabilité de tous », « Non à la discrimination, à l’injustice, à la violence et aux menaces », « Fierté, dignité, solidarité » , « Dites-le aux citoyens, nous n’avons pas de moyens »…

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Des policiers des forces anti-émeutes sont entrés à un moment donné à l’hôpital pour traverser la marche sous une pluie de huées et de sifflements. Les grévistes s’attendaient à une intervention musclée des policiers. Des dizaines de camions et de véhicules de la police étaient stationnés devant tous les accès de l’hôpital alors que la circulation automobile a été suspendue à l’intérieur de l’établissement sanitaire.

« Nous ne sommes pas dans une logique de provocation »

« Nous allons maintenir la grève car rien n’a été fait, rien de sérieux n’a été proposé. S’il y avait une réelle volonté, les problèmes auraient été réglés depuis longtemps. Qu’ils déclarent la grève illégale ou pas, nous n’allons pas changer nos positions. Il ne s’agit pas d’un durcissement du mouvement. Notre combat est légitime. Nous ne sommes pas dans une logique de provocation. Nous maintenons le service minimum. Ce qui est une preuve de responsabilité sachant que nos salaires seront ponctionnés. Face à des gens qui ne nous écoutent pas et qui nous menacent, nous continuons à assurer le service minimum », a rassuré, pour sa part, Salaheddine Dadi, médecin résident gréviste.

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« Nous militons pour améliorer les conditions de travail en Algérie et pour travailler dans notre pays. Nous nous sommes pas intéressés par les propositions faites ailleurs », a soutenu, de son côté, Mohamed Taileb.
« En tant que médecins résidents, nous organisons cette grève pour améliorer le système de santé dans l’intérêt du citoyen. Comme vous savez, le service civil était une mesure provisoire prise pour couvrir le manque dans la couverture sanitaire. C’est devenu, plus de quarante ans après, une mesure permanente. Pour nous, le service civil a échoué. Nous voulons donc contribuer à améliorer le système de santé publique. Nous demandons la suppression du caractère obligatoire du service civil. Ils nous forcent à travailler dans des régions du pays où il n’existe pas moyen pour exercer correctement son métier », a appuyé Hamza Boutaleb.
Selon lui, le mouvement de grève est suivi à plus de 95 % au niveau national, « 99 % à Alger où se trouvent 5000 médecins résidents ».

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