Algérie : un militant des droits de l'Homme condamné pour "apologie du terrorisme"

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@ FAROUK BATICHE / AFP

L’homme condamné à cinq ans de prison ferme est l’un des fondateurs d’une association réclamant de connaître le sort de proches disparus pendant la guerre civile.

Un fondateur d’une association de proches de disparus de la guerre civile en Algérie a été condamné à cinq ans de prison ferme après la diffusion, qu’il nie, d’images assimilées à une « apologie du terrorisme », a indiqué dimanche un de ses avocats.
Algérie : un militant des droits de l'Homme condamné pour "apologie du terrorisme" Cinq ans ferme. Arrêté en février et détenu depuis, un « militant des droits de l’Homme, Rafik Belamrania, a été condamné à cinq de prison ferme. C’est énorme », a déclaré à l’AFP Maître Mustapha Bouchachi. Il a précisé que le jugement avait été prononcé le 15 novembre par un tribunal de Jijel, à 350 km à l’est d’Alger. Rafik Belamrania est l’un des fondateurs de l’association Mech’al (« La Torche ») des enfants de disparus de Jijel (Amedj). Cette association réclame de connaître le sort de proches ayant disparu -le plus souvent après leur arrestation par des membres des forces de sécurité- durant la décennie de guerre civile ayant opposé l’armée algérienne à des groupes armés islamistes entre 1992 et 2002.
Il avance que son compte Facebook a été piraté. « Il est accusé d’avoir diffusé des images qui peuvent être assimilées à de l’apologie du terrorisme, mais il nie ces faits. Nous allons faire appel » a ajouté Maître Bouchachi. Selon son avocat, Rafik Belamrania affirme que son compte Facebook a été piraté et dément avoir posté les images et commentaires incriminés. Il s’agit « de commentaires sur ‘le système politique corrompu’, (…) de photos de personnes poursuivies pour apologie du terrorisme et depuis acquittées », ainsi que « de photos de deux soldats assassinés avec un commentaire ‘soldats d’un système corrompu’. Il nie avoir publié cela », a expliqué Maître Bouchachi, déplorant qu’il n’y ait « pas eu d’expertise de son compte Facebook ».
7.000 disparitions. Selon l’Amedj, quelques jours avant son arrestation, Rafik Belamrania avait mis en ligne les conclusions du Comité des droits de l’Homme de l’ONU, rendues début février, reconnaissant que son père Mohamed Belamrania avait « manifestement été victime d’une exécution sommaire aux mains d’éléments de l’armée régulière » algérienne en 1995 et déplorant l’absence d’enquête. Une commission officielle a recensé officiellement quelque 7.000 disparitions durant la décennie de guerre civile, attribuées à des « agissements illicites » de certains agents de l’Etat. Les ONG de familles de disparus évaluent de 10.000 à 20.000 le nombre de personnes victimes de « disparition forcées » durant cette période et exigent la vérité. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale, adoptée par référendum le 29 septembre 2005 pour tourner la page de la « décennie noire » -qui a fait officiellement 200.000 morts- empêche toute poursuite.

Par Rédaction Europe1.fr avec AFP

1 COMMENTAIRE

  1. L’exécution sommaire du père durant la « sale guerre ».
    https://www.alkarama.org/fr
    ALGÉRIE : LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME RECONNAIT LES VIOLATIONS GRAVES COMMISES CONTRE MOHAMMED BELAMRANIA ENLEVÉ ET SOMMAIREMENT EXÉCUTÉ PAR L’ARMÉE ALGÉRIENNE
    Belamrania Mohamed + Algeria + محمد بلعمرانية
    Lors de sa 117ème session qui s’est tenue à Genève du 17 octobre au 4 novembre 2016, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies a rendu sa décision concernant le cas de M. Mohammed Belamrania, en réponse à la plainte qui avait été déposée le 9 mai 2012 par son fils Rafik, assisté par Alkarama. Ce citoyen algérien et père de dix enfants avait disparu à la suite de son arrestation, à son domicile, par des militaires dans la wilaya de Jijel en juillet 1995. Quelques jours plus tard, sa famille a retrouvé son corps parmi plusieurs dizaines de victimes sommairement exécutées par l’Armée Nationale Populaire (ANP)
    Rappel des faits
    Mohamed Belamrania, agriculteur de 44 ans, vivait à El Kennar près de Jijel, lorsqu’il a été enlevé à son domicile, en présence de toute sa famille, dans la nuit du 13 au 14 juillet 1995 par une trentaine de militaires appartenant au 5ème bataillon des parachutistes de l’ANP.
    Ces derniers avaient investi le domicile familial vers 21h30 et l’ont emmené à bord de son propre véhicule dans une caserne installée dans un centre commercial réquisitionné par l’armée situé au milieu du village. Avant de l’emmener, les militaires avaient alors affirmé à son épouse qu’il s’agissait d’un « simple interrogatoire de routine suite auquel il serait rapidement relâché ». Son arrestation a eu lieu dans le cadre d’une opération de grande ampleur menée par l’armée dans le village au cours de laquelle de nombreux militants et sympathisants du Front Islamique du Salut (FIS) avaient été arbitrairement arrêtés. Cette nuit là, le voisinage de la caserne avait entendu des cris, laissant entrevoir les tortures qui étaient infligées aux victimes de la rafle.
    Le lendemain après-midi, M. Belamrania a été emmené vers une destination inconnue à bord de véhicules militaires dans lesquels se trouvaient également les autres civils détenus dans le même centre commercial.
    Quelques jours plus tard, trois des personnes qui avaient été arrêtées en même temps que la victime ont été libérées suite à l’intervention d’un de leurs parent colonel de l’armée ; ceux-ci ont informé la famille qu’ils étaient tous détenus à la caserne d’El Milia, à une cinquantaine de kilomètres du village. Le lendemain, l’épouse et le frère de la victime se sont rendus à la caserne pour s’enquérir de son sort mais ont été menacés de mort par l’officier de permanence s’ils s’obstinaient à demander des informations.
    Le 24 juillet suivant, 11 jours après l’arrestation, le frère de la victime a été informé par l’un de ses proches que plusieurs cadavres de personnes exécutées sommairement par les parachutistes du 5ème bataillon stationné à la caserne d’El Milia avaient été jetés au bord de la route au lieu-dit Tenfdour et que l’un des cadavres pourrait être celui de son frère.
    Il s’est alors rendu sur les lieux et a effectivement identifié son frère parmi les nombreuses victimes dont les corps mutilés avaient été jetés au bord de la route. Mohammed Belamrania avait les mains liées derrière le dos avec du fil de fer et son corps, criblé de balles, portait des traces visibles de tortures.
    Son frère Youssef Belamrania s’est alors rendu immédiatement au commissariat central de la police d’El Milia où il a informé les autorités de la découverte des cadavres mutilés dont celui de son frère ; après une longue attente, la police a fait évacuer les dépouilles des victimes vers la morgue de l’hôpital local. En dépit de la plainte pénale déposée devant le procureur de la République d’El Milia et les nombreuses démarches de la famille auprès de toutes les autorités, aucune enquête n’a jamais été ouverte à la suite de ces exécutions sommaires. Lorsque la famille a demandé la restitution du corps de leur proche, les officiers de police ont exigé en contrepartie le paiement d’une somme de 120.000 dinars ainsi qu’une reconnaissance écrite que la victime « faisait partie d’un groupe terroriste ». Cette pratique courante pendant cette période avait pour but de couvrir les crimes commis par les services de sécurité algériens contre les civils. Devant leur refus de payer la somme exigée par les policiers ou de signer une telle reconnaissance, la dépouille leur a finalement été remise sans cependant qu’aucune autopsie ne soit pratiquée. Le cercueil a été scellé par la police avec interdiction de l’ouvrir.
    Face à l’impossibilité d’obtenir justice en Algérie, la famille de la victime s’est vue contrainte de s’adresser aux instances internationales. Alkarama avait ainsi déposé le 9 mai 2012, au nom du fils de la victime, Rafik Belamrania, une plainte devant le Comité des droits de l’homme.
    Décision du Comité des Droits de l’Homme
    Les experts du Comité ont reconnu la violation par l’Etat algérien de plusieurs dispositions du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP ) notamment des articles 2(3), 6 et 7 relatifs respectivement au droit au recours utile, au droit à la vie et à l’interdiction de la torture.
    Dans sa décision, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a noté le refus de coopération des autorités algériennes, notamment dans la communication d’informations lors de la procédure. En effet, malgré quatre rappels successifs des experts invitant l’Etat partie à répondre à la plainte, celui-ci n’a jamais été en mesure d’apporter une réponse ou de contester les faits. Les experts ont de ce fait rappelé que tout Etat partie au Pacte est tenu de coopérer avec le Comité et a « non seulement le devoir de mener des enquêtes approfondies sur les violations supposées des droits de l’hommes portées à l’attention de ses autorités, en particulier lorsqu’il s’agit d’atteintes au droit à la vie, mais aussi de poursuivre quiconque est présumé responsable de ces violations, de procéder à son jugement et de prononcer une peine à son encontre ».
    Après avoir confirmé la véracité des informations soumises relatives à la disparition, la torture et l’exécution sommaire de Mohammed Belamrania, et en l’absence de toute réfutation de la part des autorités algériennes, le Comité a ainsi conclu que celles-ci avaient « dénié à Mohamed Belamrania le droit à la vie dans des circonstances particulièrement graves, puisque ce dernier a manifestement été victime d’une exécution sommaire aux mains d’éléments de l’armée régulière ».
    De plus, le Comité a également rappelé aux autorités algériennes qu’elles ne sauraient opposer aux victimes de violations graves des droits de l’homme les dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, prévoyant le rejet de toute plainte contre les agents de l’Etat. Le Comité a en effet rappelé à de nombreuses occasions que cette Charte, en ce qu’elle accorde une amnistie aux auteurs des crimes les plus graves, était contraire aux obligations internationales de l’Algérie et contribuait à l’impunité dans le pays.
    Quelle suite ?
    L’Algérie dispose d’un délai de 180 jours pour informer le Comité des mesures qu’elle a prises pour donner effet à ses constations et à rendre publique la décision rendue. Dans le cadre de la procédure de suivi instituée par l’instance onusienne relativement aux plaintes individuelles, Alkarama accordera une importance particulière à la mise en œuvre de cette décision importante afin de s’assurer que les droits des victimes et leur dignité soient finalement respectés.

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