L’INTELLECTUEL FACE AU POUVOIR.

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1897

 
« Avec ces gens là,
Si tu parles, tu meurs,
Si tu te tais, tu meurs,
Alors parle et meurs! »
Tahar Djaout – Intellectuel Algérien (1954– 1993)

En préambule, il est à noter que le pouvoir découle de l’imbrication de forces sociales structurées en instances de puissance, éléments constitutifs et cumulatifs de la trame historique de la société́.
Astreignant dans sa nature, le pouvoir fédère et fonde l’ordre.
D’autre part, le pouvoir n’est nullement circonscrit dans le gouvernement, perçu comme un assortiment de procédés techniques d’Etat agissant de manière hégémonique sur le matériel social.
De ce fait le gouvernement non seulement n’est pas un type de pouvoir, il en est lui-même un produit, résultat de l’interaction concrète et consubstantielle de ces mêmes forces.
Cependant, si le pouvoir se fourvoie simplement en un droit de souveraineté́ et s’érige en une mécanique d’assujettissement, alors dans sa démesure politique, sa raison d’être se dévoie et se sclérose pour finalement se cantonner à Régenter, Dominer et Réprimer.
En déphasage avec les pulsations de la société, il élabore et diffuse en conséquence un régime de vérité à travers des discours impérieux qu’il acquiert et fait fonctionner comme vrais.
Muré alors dans sa propre exubérance, faussement immaculée, il ne reconnaît que sa propre logique et refuse d’ouïr à toute critique sur soi. Ce faisant, et sans contredit, il diffracte de lui-même une image machiavélique, en étouffant toute velléité contraire à sa doxa.
Mais juste au moment où les consciences se décrussent, où les discernements se cèlent, et où les esprits s’égarent, l’intellectuel porteur d’une parole critique se dévoile, et élit le courage de vérité comme posture sociale, qui défit, récuse et dénonce la coercition et l’intolérance aliénantes.
Egal à un éclat céleste, ce franc-parler audacieux émerge d’une triade agencée démarquant l’intellectuel dans sa capacité d’être écouté (la sphère de la réceptivité de l’autre), d’être soi-même (la sphère de la liberté), et celle de décerner (la sphère de la raison).
Mais ce courage de vérité, c’est aussi la sincérité souveraine mue dans le geste de celui qui prend la parole en son nom propre.
Porté par la seule force de sa pensée critique, l’intellectuel pareil à une étoile filante illumine en un instant le ciel de l’absurde. Et contre la déraison et l’aveuglement, il dit vrai pour circonscrire la fortraiture dénaturante.
Son attitude s’escompte alors entièrement dans son discours et s’identifie au dire-vrai qu’il a le courage de tenir aux tenants de l’ordre établi, assumant le risque que cette prise de parole implique pour sa propre vie.
Dès lors, il est par qui le scandale – le scandale de la vérité – arrive. Provocant, il est celui qui veut en premier imploser les ghettos mentaux en disséquant les évidences régnantes afin de les déchoir de leur imposture et les renvoyer à leur place de genèse, c’est à dire l’asile de l’ignorance.
L’épreuve de l’engagement moral dans son rapport à la société, c’est cela : et non pas la réflexion abstraite sur le régime idéal ou les formes de la rationalité politique, mais cette adresse directe et courageuse d’une vérité, énoncée en première personne, à celui qui détient le pouvoir en s’attachant à mettre en exergue que la césure asymétrique et périlleuse entre la sincérité audacieuse et le mensonge fétichiste fonctionne comme un impératif existentiel gravé dans les temps immémoriaux.
Lucidement, l’intellectuel face au pouvoir, entrevoie que seul le verbe rénovant constitue son ultime liberté d’action devant les forces qui le dépassent.
Mais c’est surtout sa profonde conviction que son dilemme est : soit se taire devant les puissants du moment, ou soit – et c’est le chemin le plus difficile – remettre en cause le césarisme gouvernant, et éclairer de sa parole le cœur ténébreux du Prince.
Moment cartésien dans l’adversité, l’intellectuel d’un bout à l’autre de son existence, porteur d’une parole acerbe, éveille les consciences, en incitant chaque citoyen à s’occuper, non pas de sa fortune, de sa réputation, de son honneur ou de sa charge, mais de soi-même, c’est-à-dire : de sa raison et de la vérité.
Pour avoir osé, le courage de vérité est vilipendé et ostracisé, et sa quête ne sera jamais réalisée unanimement. Eclairé par son seul entendement, l’intellectuel est condamné à poursuivre son cheminement, seul en dépit et contre les autres.
Ce courage de vérité est le dire-vrai éthique façonné par l’épreuve de l’âme, sceau des Prophètes et Sages. Clamé depuis la nuit des temps, il est une manière de forger un juste sens à la finalité de l’action humaine face à la perdition, lit de la violence et son avatar l’injustice sociale.
Khaled Boulaziz

2 Commentaires

  1. À taaaaable,le peuple est cuit !
    Comment abrutir un peuple et se le farcir pour le spolier de sa liberté, de ses droits et de ses richesses ?
    Voilà la recette…
    1/ À l’issue d’une révolution victorieuse offrant l’indépendance à un peuple et pour réussir la mise en place d’un état despotique, d’abord prendre soin de corrompre, d’écarter ou d’éliminer les vrais résistants encore vivants qui refusent que les planqués et les collabos, pendant la révolution, prennent le pouvoir.
    2/ Imposer une langue de bois garnie d’herbes de religiosité.
    3/ Falsifier l’histoire avec un zeste de culot.
    4/ Créer un faux mythe, l’imposer et le sacraliser avec des lauriers.
    5/ Mélanger le tout avec un beau et unique droit qui est celui de se taire afin que le peuple soit bien mariné.
    6/ Chauffer à petit feu et disperser le peuple quand il commence à revendiquer.
    7/ Phase importante pour réussir la recette; si le peuple ne prend plus des vessies pour des lanternes, il faudrait le retourner, l’infiltrer et le gaver avec une bonne rasade de religion saupoudrée d’un maximum de manipulations afin que le chaos prenne !
    8/ Laisser mijoter ainsi longtemps pour que le peuple se vide de son sang et de ses révoltes jusqu’à ce qu’il implore grâce à son détriment.
    9/ Après dix ans de cuisson à vif (durée moyenne de répression pour que la pâte de la soumission s’établisse), le peuple est prêt à servir et à obéir en disant merci à celui qui l’a cuisiné.
    10/ Un conseil :
    Afin de satisfaire les perpétuelles gourmandises et convoitises de ceux qui s’enrichissent aux détriments du peuple en le gouvernant de force, garder toujours à portée de main les mêmes ingrédients de la recette et surtout ne jamais éteindre le feu !
    Telle est la cuisine cannibalesque de la maffia-politico-financière d’un pays où la tricherie est établie comme règle et l’honnêteté comme exception !
    Aujourd’hui, on en est à : « Heureux les martyrs qui n’ont rien vu »…
    Quand est ce qu’on pourrait dire « Fiers de nous auraient été nos martyrs ! » ?
    Djamel B dit Sidi râle
    

  2. Tout ce qui se déroule sous nos yeux,ces jours-ci,c’est du déjà vu.Et,cela confirme la manipulation,l’intox et la diversion « déversée » par « les amis de l’action psychologique »sur les réseaux sociaux avec des travaux pratiques sur le terrain pour divertir douloureusement « la populace »,c’est comme ça qu’ils considèrent,en réalité,le peuple.
    Pour faire oublier et passer sous silence toutes les revendications socio-économiques de la classe moyenne et ouvrière,au début de cette nouvelle année 2018,avant l’anesthésie générale qui attend toute une société en 2019,en effet il s’agit de lui créer et/ou trouver « un abcès de fixation »:identitaire,cette fois-ci,après celui politico-religieux d’il y a un quart de siècle.
    Dans les deux cas,le problème est réel, de même les conditions économiques.Mais les manipulateurs distillent à dose homéopathique la mauvaise solution en commençant toujours par des « informations toxiques »(…!?) Comme une bête féroce qui veut paralyser sa proie avant de la tuer.
    Les mêmes méthodes,les mêmes solutions aboutissent toujours aux mêmes résultats.
    Prions Allah et espérons que le vaccin d’il y a 25 ans ait fait son effet.
    Sinon dommage pour notre corps social qui pourrait subir encore et renifler jusqu’à satiété la décomposition sociétale et ses odeurs putrides.
    Car l’élite de ce pays semble complètement marginalisée et écrasée par le poids des imbéciles.

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