Kais Saïed, l’homme de droit qui veut changer le visage de la Tunisie

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Tunisian presidential candidate Kais Saied and his wife Ichraf Chebil react after exit poll results were announced in a second round runoff of the presidential election in Tunis, Tunisia October 13, 2019. REUTERS/Zoubeir Souissi

Kais Saeïd, 61 ans, est le sixième président de la Tunisie. Il a été élu, dimanche 13 octobre, avec 72% des voix contre 28 % pour Nabil Karoui, selon les premiers résultats. Il sera le premier président à diriger la Tunisie, depuis son indépendance en 1956, sans s’appuyer sur un parti. “Je suis indépendant et je le resterai”, a proclamé Kais Saeïd lors du face-à-face télévisé du vendredi 11 octobre 2019. Connu pour son intégrité, sa rigueur intellectuelle et pour sa parfaite maîtrise de la langue arabe, Kais Saeïd, surnommé Robocop en raison de sa diction mécanique, occupe la scène médiatique depuis la fin de la dictature de Zine Al Abidine Benali en janvier 2011. Cet enseignant universitaire de droit constitutionnel, à Sousse puis à Tunis, et ex-expert juridique auprès de la Ligue arabe, est souvent sollicité par les chaînes télévision arabes et les radios indépendantes tunisiennes pour analyser la situation dans le pays d’un point de vue politique et juridique. L’objectivité et parfois la froideur de ses analyses ont fait qu’il soit devenu une voix respectée par tous. Ex-secrétaire général de l’Association tunisienne du droit constitutionnel, il a toujours évité de se mêler des polémiques, parfois violentes, des huit années qui ont suivi la révolte des tunisiens contre le régime autoritaire de Benali-Leila Trabelsi. Homme de gauche pour certains, conservateur proche des islamistes pour d’autres, Kais Saeïd, attaché à la stricte application de la loi, a adopté le célèbre slogan “Echâab yourid” (le peuple veut) pour sa campagne électorale qu’il a refusé de l’appeler comme telle. Son objectif est de garder “l’esprit” de la Révolution et de relancer le projet des tunisiens de repartir sur de bonnes bases pour reconstruire un pays “débarrassé de la corruption” et des héritages du passé. “Le peuple sait ce qu’il veut. Veut être libre dans un pays libre. Un pays qui lui sauvegarde sa dignité”, a souligné Kais Saeïd. Il a plaidé pour le renouvellement de la confiance entre gouvernés et gouvernant et pour “la continuité de l’Etat” avec le respect de toutes les conventions internationales signées par la Tunisie.

Soutenu par ses ex-étudiants

Sans présence sur les réseaux sociaux, Kais Saeïd a laissé ses anciens étudiants et certains ex-militants du mouvement Kasbah 1, né dans la rue en 2011, mener la campagne à sa place sur internet et dans les espaces publics. Un acte de volontariat. Sur le terrain, il a préféré écouter ce que proposent les jeunes pour sortir le pays de la crise économique et sociale. Il a promis que leurs propositions seront traduites en projets, une fois élu président de la République parce qu’il, dès le début, choisi de ne pas se doter de programme électoral. Candidat indépendant, il a préféré les visites de proximité dans les quartiers populaires et les villages aux grands meetings. Sa famille et ses amis l’ont aidé à financer sa campagne. Il n’a reçu aucune aide de l’Etat ni des milieux d’affaires. Entre les deux tours, il n’a pas voulu sortir sur le terrain en raison du maintien en prison de Nabil Karoui, son concurrent, libéré mercredi 9 octobre 2019. Il a installé son QG dans un modeste appartement au centre-ville de Tunis, sans directeur de campagne et sans hiérarchie.

“Continuer sur le chemin de la liberté

En 2014, Kais Saeïd a siégé au comité d’experts qui a été chargé de réviser le projet de Constitution tunisienne. A la même date, il a proposé un texte de loi pour créer une fondation “Fida’a” pour la prise en charge sociale des victimes de la Révolution et des blessés de la lutte antiterroriste. Pour lui, le mandat des élus locaux doit être révocable. “La population doit contrôler directement l’action des élus”, a-t-il dit. Antisystème, il plaide pour une décentralisation du pouvoir en rompant avec le modèle jacobin de l’Etat et pour une révision du mode électorale du Parlement. Il s’adresse souvent aux “tunisiens libres” qui veulent changer les choses en faisant “une Révolution dans le cadre de la Constitution”.  “Les tunisiens ont vu en Kais Saeïd, c’est l’homme de droit. On ne lui demande d’avoir un programme, on lui demande de la rectitude et la disposition morale ainsi que la fermeté à lutter contre la corruption”, a estimé Sihem Bensedrine, présidente de l’Instance Vérité et dignité, interviewée par RFI. Interrogé par la chaine publique El Watania, Kais Saeïd a invité les sociologues, les politologues et les philosophes à analyser ce qui s’est passé en Tunisie avec l’élection présidentielle 2019. Il a appelé ses partisans à ne s’en prendre à personne et s’est engagé à respecter la liberté de la presse. “Vous tunisiens, vous tracez de nouveaux horizons à la liberté. Nous allons continuer notre chemin vers la liberté, pas de retour en arrière”, lance-t-il. Marié à la juge Ichraf Chebil Saeïd, Kais Saeïd est père de trois enfants. Kais Saeïd, qui s’est engagé à visiter l’Algérie comme première destination après son élection, doit prêter serment le 30 octobre 2019.

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