Mohammed Harbi : « Il y a une régression culturelle immense en Algérie, on n’imagine pas l’ampleur du désastre »

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Le Monde.fr
06 décembre 2019

𝐂𝐨𝐧𝐬𝐢𝐝𝐞́𝐫𝐞́ 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐥𝐞 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐠𝐫𝐚𝐧𝐝 𝐡𝐢𝐬𝐭𝐨𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐚𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧, 𝐌𝐨𝐡𝐚𝐦𝐦𝐞𝐝 𝐇𝐚𝐫𝐛𝐢 𝐥𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐮𝐧𝐞 𝐚𝐧𝐚𝐥𝐲𝐬𝐞 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐬𝐢𝐭𝐮𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐩𝐨𝐥𝐢𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐚𝐜𝐭𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐝𝐞 𝐬𝐨𝐧 𝐩𝐚𝐲𝐬.

𝐏𝐫𝐨𝐩𝐨𝐬 𝐫𝐞𝐜𝐮𝐞𝐢𝐥𝐥𝐢𝐬 𝐩𝐚𝐫 𝐂𝐡𝐫𝐢𝐬𝐭𝐨𝐩𝐡𝐞 𝐀𝐲𝐚𝐝

A 86 ans, Mohammed Harbi est le plus célèbre historien algérien. Né près de Skikda dans une famille de propriétaires terriens, il vit à Paris depuis 1973, où il publie Aux origines du FLN. Le populisme révolutionnaire en Algérie (Christian Bourgois, 1975), premier ouvrage critique décrivant de l’intérieur le fonctionnement du parti-Etat. Un livre nourri par ses années de militantisme pendant la guerre (1954-1962) puis sous la présidence Ben Bella (1963-1965), lors desquelles il a exercé de hautes responsabilités avant d’être emprisonné puis assigné à résidence pendant près de huit ans. De nombreux autres ouvrages traitant de divers aspects de la révolution algérienne ont suivi. En 2001, Mohammed Harbi, qui se présente comme « non-croyant, non-pratiquant et marxiste libertaire », a publié le premier tome de ses Mémoires, Une vie debout (La Découverte). Ses difficultés à lire, dues à une maladie des yeux, ont retardé la rédaction de la suite. Mais il continue à suivre attentivement l’actualité algérienne et à recevoir collègues et amis. « Je suis moralement au service de l’Algérie, dit-il. Mais je l’ai perdue et j’ai perdu son peuple. Ce ne sont plus les mêmes. »

𝐃𝐚𝐧𝐬 𝐪𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐝𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐫𝐞𝐣𝐨𝐢𝐠𝐧𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐥𝐞 𝐅𝐋𝐍 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐭 𝐥𝐞 𝐝𝐞́𝐜𝐥𝐞𝐧𝐜𝐡𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐠𝐮𝐞𝐫𝐫𝐞 𝐝’𝐀𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞 𝐥𝐞 𝟏𝐞𝐫 𝐧𝐨𝐯𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞 𝟏𝟗𝟓𝟒 ?

Je m’étais engagé avec le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) de Messali Hadj dès 1948. Presque toute ma famille, qui avait fait le choix de « l’accommodement » [avec les autorités coloniales], était contre moi, et mon grand-oncle était vice-président de l’Assemblée algérienne. J’ai entraîné mes deux frères dans la politique. Quand j’ai échoué au baccalauréat – à cause de mes activités politiques, d’après mon père –, on m’a envoyé à Paris. J’y ai rencontré des Marocains, des Tunisiens. J’ai été très vite absorbé par l’activisme avec l’Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord, dont j’ai rejoint le bureau.

Le grand problème de l’époque, c’était la scission au sein du MTLD entre le comité central et le président du parti, Messali Hadj. Ce dernier accusait le comité central de dérive réformiste. La crise a éclaté en France en décembre 1953, puis s’est étendue en Algérie. Messali a demandé les pleins pouvoirs. Ensuite, les messalistes ont envoyé aux étudiants un commando violent. Enfin, ils ont commencé à lancer des slogans religieux. Pleins pouvoirs, islam et bagarres ? Pas question pour moi. Le comité central, pour essayer de doubler Messali, a créé un « comité révolutionnaire pour l’unité et l’action », dont l’idée était de refaire l’unité dans la lutte. C’est de là qu’est sortie l’équipe dirigeante du FLN. Moi aussi, j’étais pour la lutte armée.

𝐘 𝐚𝐯𝐚𝐢𝐭-𝐢𝐥 𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐞𝐧𝐬𝐮𝐬 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞 𝐝𝐞́𝐜𝐥𝐞𝐧𝐜𝐡𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐠𝐮𝐞𝐫𝐫𝐞 ?

Les messalistes n’étaient pas d’accord pour lancer la lutte armée dans ces conditions. Messali avait trois objectifs : mobiliser le peuple, internationaliser la question algérienne et former des cadres militaires qui reviendraient en Algérie sous l’autorité des politiques. Pour lui, il fallait s’appuyer sur le peuple plutôt que donner le pouvoir à ceux qui avaient les armes. La conséquence a été la guerre civile entre messalistes et FLN.

« Le FLN n’a jamais été un parti, c’était une organisation armée »

Le FLN a gagné. Mais toute la guerre n’a été qu’une interminable lutte de factions. Je n’ai jamais pensé que le FLN tiendrait jusqu’au bout et ne se diviserait pas. C’est la France qui nous a tenus ensemble, jusqu’à l’indépendance. Ces guerres intestines ont causé des dégâts incommensurables et donné le pouvoir à ceux qui avaient les armes. Le FLN n’a jamais été un parti, c’était une organisation armée. Les dirigeants emprisonnés ont été pris dans les luttes intestines du dehors. Et ceux qui étaient dehors étaient des militaires. On a eu l’indépendance, mais on est sorti d’une crise pour entrer dans une autre. La militarisation de la société s’est faite à travers ces crises. Et la crise qui a lieu en ce moment n’est qu’une étape de plus. Si on était restés unis, les choses se seraient peut-être passées autrement.

𝐃𝐞 𝐪𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐝𝐚𝐭𝐞 𝐯𝐨𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐢𝐯𝐨𝐫𝐜𝐞 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐥𝐞 𝐅𝐋𝐍 ?

Dès 1956, j’ai réalisé qu’il n’avait pas de stratégie de longue durée. Mais j’ai d’abord rompu sur la question du messalisme et de l’attitude à l’égard de la gauche. J’étais contre la guerre civile entre Algériens. C’est quelque chose que je n’ai pas admis. Ensuite, il y avait la question de la lutte armée en France : j’y étais opposé. On a caché aux militants que tous les responsables emprisonnés à la Santé et à Fresnes étaient contre, eux aussi. Ils disaient : « Attention ! ça peut être très grave pour l’immigration et pour nous. » Enfin, je m’opposais aux attentats à l’extérieur de la France, dans les pays où nous avions des amis, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, la Suisse. Enfermer la lutte dans un cadre purement militaire, c’est tout ce qu’on veut sauf une révolution.

𝐐𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐞́𝐪𝐮𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐚̀ 𝐥𝐨𝐧𝐠 𝐭𝐞𝐫𝐦𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐠𝐮𝐞𝐫𝐫𝐞 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐥𝐞𝐬 𝐦𝐞𝐬𝐬𝐚𝐥𝐢𝐬𝐭𝐞𝐬 ?

Les messalistes et les communistes étaient les deux seules forces capables de générer une gauche. La bataille à gauche, nous l’avons perdue avant l’indépendance. Le bon grain a été lessivé pendant la guerre.

𝐏𝐞𝐧𝐝𝐚𝐧𝐭 𝐥𝐚 𝐠𝐮𝐞𝐫𝐫𝐞, 𝐚𝐯𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐬𝐞𝐧𝐭𝐢 𝐥’𝐨𝐩𝐢𝐧𝐢𝐨𝐧 𝐟𝐫𝐚𝐧𝐜̧𝐚𝐢𝐬𝐞 𝐛𝐚𝐬𝐜𝐮𝐥𝐞𝐫 𝐞𝐧 𝐟𝐚𝐯𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐥’𝐢𝐧𝐝𝐞́𝐩𝐞𝐧𝐝𝐚𝐧𝐜𝐞 𝐨𝐮 𝐝𝐞 𝐥’𝐚𝐫𝐫𝐞̂𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐠𝐮𝐞𝐫𝐫𝐞 ?

Il y a eu un moment très bref, à l’occasion des élections de janvier 1956, qui ont amené Pierre Mendès France et Guy Mollet à s’allier et à gagner, pendant lequel la France a infléchi sa politique. Mais le parti colonial était très fort, il a repris la main. Les partisans de la guerre ont utilisé les oppositions internes, la guerre entre le FLN et le MNA [successeur du MTLD après 1954], etc. Ils ne voulaient pas discuter de quoi que ce soit. A partir du moment où on était en guerre, le pouvoir a été pris par les forces nationalistes. Et la principale force nationaliste en France, c’est l’armée.

𝐎𝐧 𝐝𝐢𝐭 𝐬𝐨𝐮𝐯𝐞𝐧𝐭 𝐪𝐮𝐞 𝐥’𝐢𝐧𝐝𝐞́𝐩𝐞𝐧𝐝𝐚𝐧𝐜𝐞 𝐚 𝐞́𝐭𝐞́ 𝐯𝐨𝐥𝐞́𝐞 𝐚̀ 𝐥’𝐞́𝐭𝐞́ 𝟏𝟗𝟔𝟐 𝐩𝐚𝐫 𝐥’« 𝐚𝐫𝐦𝐞́𝐞 𝐝𝐞 𝐥’𝐞𝐱𝐭𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐮𝐫 » 𝐚𝐮𝐱 𝐠𝐫𝐨𝐮𝐩𝐞𝐬 𝐚𝐫𝐦𝐞́𝐬 𝐝𝐞 𝐥’𝐢𝐧𝐭𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐮𝐫. 𝐏𝐚𝐫𝐭𝐚𝐠𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐚𝐧𝐚𝐥𝐲𝐬𝐞 ?

Ce n’est pas sérieux, ça n’a pas de sens. L’intérieur n’était pas ce qu’on voulait dire, et l’extérieur n’était pas seulement l’extérieur, c’était aussi les forces de l’intérieur bloquées hors du pays. Ils venaient du même milieu social et avaient la même vision des choses. Ceux qui avaient les armes, à l’intérieur comme à l’extérieur, estimaient que l’Algérie était à eux. Ils la voyaient comme un butin. Le vol de l’indépendance, ce n’est pas le fait de l’armée de l’extérieur, mais celui des hommes en armes qui dérobent le pays à ses habitants. Ils ont enlevé l’indépendance et la souveraineté au peuple algérien.

Dès le début, Ben Bella marchait sur des œufs. J’ai assisté à la composition du comité central par Ben Bella et Boumediene. A un moment donné, Boumediene a pris le stylo et rayé deux noms pour les remplacer par des proches. J’ai tiqué, mais je n’ai pas osé parler. Ben Bella n’a pas dit un mot. Boumediene s’est tourné vers moi, et il m’a dit : « Mohammed, ne t’occupe pas des choses des grandes personnes ! » Ben Bella a laissé faire les militaires. En plus, l’opposition [de l’intérieur du FLN, dont Aït Ahmed] y a contribué en allumant des incendies qui ont donné la possibilité à l’armée de prendre les choses en main. Enfin, tous les intellectuels qui attendaient un poste ou une position ont rallié Boumediene.

𝐏𝐨𝐮𝐫𝐪𝐮𝐨𝐢 𝐥𝐞𝐬 𝐣𝐞𝐮𝐧𝐞𝐬 𝐦𝐚𝐧𝐢𝐟𝐞𝐬𝐭𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐝𝐮 𝐇𝐢𝐫𝐚𝐤, 𝐥𝐞 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐬𝐨𝐜𝐢𝐚𝐥 𝐞𝐧 𝐜𝐨𝐮𝐫𝐬 𝐞𝐧 𝐀𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞, 𝐩𝐚𝐫𝐥𝐞𝐧𝐭 𝐚𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐝’𝐡𝐮𝐢 𝐝’𝐮𝐧𝐞 𝐧𝐨𝐮𝐯𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐢𝐧𝐝𝐞́𝐩𝐞𝐧𝐝𝐚𝐧𝐜𝐞 ?

Parce qu’on la leur a prise. Ils n’ont pas été indépendants. Ils pensent qu’à la domination française s’est substituée une domination de l’armée algérienne. Cela a débuté dès 1962. Quand les gens ont vu que les promesses du FLN n’étaient pas tenues, ils ont commencé à dire : « Comme si la France n’était pas partie. »

Même s’il ne correspond pas à ma vision des choses, le « hirak » fait preuve d’une créativité, d’un dynamisme – y compris dans la destruction – que j’admire, ainsi qu’une intelligence populaire vis-à-vis de celui qui a le pouvoir. Même si les choses ne tournent pas comme ils le souhaitent, il y a dans cette vitalité les germes d’une recomposition.

𝐃𝐚𝐧𝐬 𝐪𝐮𝐞𝐥 𝐞́𝐭𝐚𝐭 𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐥𝐞 𝐩𝐚𝐲𝐬 𝐚̀ 𝐥’𝐢𝐧𝐝𝐞́𝐩𝐞𝐧𝐝𝐚𝐧𝐜𝐞 ? 𝐀-𝐭-𝐨𝐧 𝐟𝐚𝐢𝐭 𝐭𝐚𝐛𝐥𝐞 𝐫𝐚𝐬𝐞 𝐝𝐮 𝐥𝐞𝐠𝐬 𝐜𝐨𝐥𝐨𝐧𝐢𝐚𝐥, 𝐲 𝐜𝐨𝐦𝐩𝐫𝐢𝐬 𝐝𝐞 𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐢 𝐟𝐨𝐧𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧𝐧𝐚𝐢𝐭 ?

Cela a été mal géré, mal utilisé. En 1962, notre potentiel était faible. Une partie de ceux qui avaient fait l’apprentissage d’une société civile sont partis. Une autre partie s’est démarquée du « benbellisme » (Ferhat Abbas, Aït Ahmed, Boudiaf, Benkhedda) et s’est mise en retrait. En fait, tout était détraqué. Le monde rural était désaxé. Il n’avait plus de véritable rapport à la terre. Le principal problème, pour moi, était l’autogestion et la reconstitution de la paysannerie.

𝐕𝐨𝐮𝐬 𝐚𝐯𝐞𝐳 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞́ 𝐭𝐫𝐨𝐢𝐬 𝐚𝐧𝐧𝐞́𝐞𝐬, 𝐝𝐞 𝟏𝟗𝟔𝟐 𝐚̀ 𝟏𝟗𝟔𝟓, 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞 𝐜œ𝐮𝐫 𝐝𝐮 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫. 𝐐𝐮𝐞 𝐫𝐞𝐭𝐢𝐫𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐝𝐞 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐞𝐱𝐩𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧𝐜𝐞 ? 𝐏𝐞𝐧𝐬𝐢𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐜𝐡𝐚𝐧𝐠𝐞𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐜𝐡𝐨𝐬𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐥’𝐢𝐧𝐭𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐮𝐫 ?

Le FLN occupait tout le terrain. S’y opposer, ce n’était pas aller en prison, mais risquer sa peau. Il était possible d’acquérir des positions productrices d’autres situations. Parfois, on gagnait du terrain, avec l’illusion que ça pouvait s’étendre. Mais ça ne s’est jamais étendu. A partir de décembre 1964, je n’y ai plu cru. J’en retire un sentiment d’échec. On n’avait pas de prise sur les décisions. Sur l’autogestion, tous les projets qu’on a présentés ont été rejetés ou pas appliqués. Je l’ai dit à Ben Bella. Il y avait deux manières d’envisager le pouvoir : soit essayer de le reconstruire par le bas, et alors il fallait être sérieux et prendre des gens convaincus ; soit continuer à rafistoler l’Etat colonial, comme c’était le cas, et gérer la substitution. Mais la substitution, évidemment, ne touchait pas les travailleurs.

𝐕𝐨𝐮𝐬 𝐝𝐞́𝐜𝐫𝐢𝐯𝐞𝐳 𝐀𝐡𝐦𝐞𝐝 𝐁𝐞𝐧 𝐁𝐞𝐥𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐮𝐧 𝐡𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐫𝐞𝐥𝐢𝐠𝐢𝐞𝐮𝐱 𝐞𝐭 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐞𝐫𝐯𝐚𝐭𝐞𝐮𝐫.

Conservateur et religieux, c’est sûr. Un jour, il m’a dit : « Si ça ne tenait qu’à moi, j’ajouterais un “m”, pour “musulmans”, à l’UGTA [Union générale des travailleurs algériens]. » Mais Nasser, qui était en guerre contre les Frères musulmans, s’y opposait. Le nationalisme arabo-islamique de Ben Bella ne tenait pas compte du peuplement de l’Algérie, ni des Européens, ni des juifs non français du Sahara. Agir de la sorte, c’était mettre les autres au pied du mur. Et, en définitive, les pousser à partir.

𝐄𝐭 𝐇𝐨𝐮𝐚𝐫𝐢 𝐁𝐨𝐮𝐦𝐞𝐝𝐢𝐞𝐧𝐞, 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐥𝐞 𝐝𝐞́𝐟𝐢𝐧𝐢𝐫 ?

C’est un étatiste avec des emprunts au modèle stalinien. Mais il n’est pas religieux à la manière de Ben Bella. Il a cru dans l’expérience économique [socialiste] de l’Algérie. Je n’ai pas de respect pour lui, mais je pense qu’il était beaucoup plus lucide que ses successeurs sur les difficultés qui attendaient le pays.

𝐃𝐞 𝟏𝟗𝟔𝟓 𝐚̀ 𝟏𝟗𝟕𝟑, 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐞̂𝐭𝐞𝐬 𝐞𝐧 𝐩𝐫𝐢𝐬𝐨𝐧 𝐩𝐮𝐢𝐬 𝐞𝐧 𝐫𝐞́𝐬𝐢𝐝𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐬𝐮𝐫𝐯𝐞𝐢𝐥𝐥𝐞́𝐞. 𝐂𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐚𝐯𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐯𝐞́𝐜𝐮 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐩𝐞́𝐫𝐢𝐨𝐝𝐞 ?

Quand j’ai été arrêté, le 9 août 1965, ce n’est pas moi que l’on cherchait. Mais les putschistes ont essayé de m’enrôler à plusieurs reprises. Boumediene [devenu président de la République suite à un coup d’Etat en juin] a demandé à me voir. J’ai refusé. On m’a proposé une ambassade, un ministère. J’ai répondu : « Je n’ai rien à faire avec vous, vous avez pris le pouvoir, vous avez un programme, je n’y ai pas participé. » Ils ont torturé atrocement certains camarades, mais pas moi.

Au début, on a souvent été déplacés, au pénitencier de Lambèse, à l’hôpital d’Annaba, dans un ancien centre de torture des Français, à la Villa Bengana à Alger, dont on a dû partir pour céder la place à Moïse Tshombé [ancien président du Katanga], puis au centre de police de Chateauneuf. En 1969, ils ont décidé de nous placer en résidence surveillée libre. J’ai été envoyé à Adrar, puis à Timimoun, dans le Sahara. A partir de 1971, j’ai pu être à Skikda, pas loin de chez moi.

𝐑𝐚𝐜𝐨𝐧𝐭𝐞𝐳-𝐧𝐨𝐮𝐬 𝐯𝐨𝐭𝐫𝐞 𝐞́𝐯𝐚𝐬𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐧 𝐚𝐯𝐫𝐢𝐥 𝟏𝟗𝟕𝟑…

Tout était organisé depuis la France. Des copains sont venus avec des voitures louées en Tunisie. Nous sommes sortis avec des passeports turcs récupérés dans les camps palestiniens de Beyrouth. Nous avons rejoint Tunis, puis Genève. Annette Roger – de son vrai nom Anne Beaumanoir – nous a fait traverser la frontière vers la France.

𝐂𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐚𝐯𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐞́𝐭𝐞́ 𝐚𝐜𝐜𝐮𝐞𝐢𝐥𝐥𝐢𝐬 𝐩𝐚𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐮𝐭𝐨𝐫𝐢𝐭𝐞́𝐬 𝐟𝐫𝐚𝐧𝐜̧𝐚𝐢𝐬𝐞𝐬 ?

On nous a dit : vous avez l’asile mais pas politique, voici des cartes de travail mais tenez-vous tranquilles. Je dois reconnaître qu’on ne nous a jamais appelés pour nous reprocher quoi que ce soit. Nos communiqués étaient sourcés de Rome ou de Bruxelles [pour ne pas embarrasser Paris]. J’ai vite abandonné l’idée de créer une organisation quand il m’est apparu que la Sécurité algérienne avait envahi l’espace français. Je n’ai pas renoncé à la politique pour autant.

𝐄𝐬𝐭-𝐜𝐞 𝐪𝐮’𝐚𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐞́𝐭𝐞́ 𝐦𝐢𝐥𝐢𝐭𝐚𝐧𝐭, 𝐜𝐞𝐥𝐚 𝐚 𝐞́𝐭𝐞́ 𝐮𝐧 𝐚𝐭𝐨𝐮𝐭 𝐨𝐮 𝐮𝐧 𝐡𝐚𝐧𝐝𝐢𝐜𝐚𝐩 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥’𝐡𝐢𝐬𝐭𝐨𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐪𝐮𝐞 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐞̂𝐭𝐞𝐬 𝐝𝐞𝐯𝐞𝐧𝐮 ?

Pour la compréhension des choses, incontestablement un atout. Le marxisme m’a donné les outils pour appréhender mon expérience militante avec recul. Mais je ne lui reconnaissais aucun privilège exclusif dans l’approche du politique.

𝐏𝐚𝐫𝐦𝐢 𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐮𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐟𝐫𝐚𝐧𝐜̧𝐚𝐢𝐬, 𝐪𝐮𝐢 𝐚 𝐥𝐞 𝐦𝐢𝐞𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐦𝐩𝐫𝐢𝐬 𝐥’𝐀𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞 ? 𝐁𝐨𝐮𝐫𝐝𝐢𝐞𝐮, 𝐂𝐚𝐦𝐮𝐬, 𝐝’𝐚𝐮𝐭𝐫𝐞𝐬 ?

Bourdieu, son livre sur les travailleurs algériens est une référence, même s’il a bénéficié pour le faire de l’aide des services spéciaux. Mais il n’était pas à leur service. Ceux qui ont bien compris l’Algérie, parce qu’ils se situaient dans une perspective de changement total, ce sont les gens de Socialisme ou barbarie, avec Claude Lefort, Cornelius Castoriadis, Jean-François Lyotard et Pierre Souyri. Les africanistes m’ont aussi beaucoup aidé à comprendre la complexité du politique.

𝐋𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐚𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐚 𝐥𝐨𝐧𝐠𝐭𝐞𝐦𝐩𝐬 𝐢𝐧𝐬𝐭𝐫𝐮𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐥𝐢𝐬𝐞́ 𝐥’𝐡𝐢𝐬𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐬𝐞 𝐥𝐞́𝐠𝐢𝐭𝐢𝐦𝐞𝐫. 𝐄𝐬𝐭-𝐜𝐞 𝐪𝐮’𝐮𝐧𝐞 𝐡𝐢𝐬𝐭𝐨𝐫𝐢𝐨𝐠𝐫𝐚𝐩𝐡𝐢𝐞 𝐝𝐞́𝐛𝐚𝐫𝐫𝐚𝐬𝐬𝐞́𝐞 𝐝𝐞 𝐥’𝐢𝐝𝐞́𝐨𝐥𝐨𝐠𝐢𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐩𝐨𝐬𝐬𝐢𝐛𝐥𝐞 𝐚𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐝’𝐡𝐮𝐢 𝐞𝐧 𝐀𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞 ?

Ce pouvoir n’a jamais cessé d’invoquer ses blessures sans jamais considérer celles des autres, y compris celles des victimes de la guerre civile ou des purges. Aujourd’hui, personne, parmi les candidats au pouvoir, n’en parle pour n’avoir aucun compte à rendre sur le saccage et la prédation qui ont régné depuis l’indépendance.

Il y a une régression culturelle immense en Algérie, on n’imagine pas l’ampleur du désastre. On a tué l’intelligentsia. Il n’y a pas de débat intellectuel possible. Par exemple, dans la presse, les « intellectuels » tirent leur position de la « révolution ». Ils n’osent pas la mettre en cause d’une manière critique. A l’université, c’est pire encore. Et l’islamisme a aggravé les choses. Dans la jeune génération d’historiens, il y a une dizaine d’universitaires de grande classe, mais ils sont surtout à l’étranger.

𝐋𝐚 𝐝𝐢𝐚𝐬𝐩𝐨𝐫𝐚 𝐩𝐞𝐮𝐭-𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐣𝐨𝐮𝐞𝐫 𝐮𝐧 𝐫𝐨̂𝐥𝐞 𝐦𝐨𝐭𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥’𝐚𝐯𝐞𝐧𝐢𝐫 𝐝𝐞 𝐥’𝐀𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞 ?

Oui, mais cela prendra du temps. Au Canada et aux Etats-Unis, il y a des jeunes qui s’engagent. En France, c’est moins le cas, car il y a toujours une peur de trahir son pays. Ceux qui ont émigré se voient reprocher d’avoir fui. L’autochtonie est devenue une condition sine qua non pour parler du pays. Les émigrés, lorsqu’ils critiquent l’Algérie, sont disqualifiés comme Algériens.

𝐄𝐬𝐭-𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐥𝐚 𝐬𝐨𝐜𝐢𝐞́𝐭𝐞́ 𝐚𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐚𝐮𝐬𝐬𝐢 𝐨𝐛𝐬𝐞́𝐝𝐞́𝐞 𝐩𝐚𝐫 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐥𝐨𝐧𝐢𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐭 𝐥𝐚 𝐠𝐮𝐞𝐫𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐬𝐞𝐬 𝐝𝐢𝐫𝐢𝐠𝐞𝐚𝐧𝐭𝐬 ?

Non, je ne crois pas. Les gens rejettent ce discours officiel, mais l’idéologie nationaliste imprègne toujours leur comportement : ils ressortent un tas d’effigies de la bataille d’Alger.

𝐋𝐚 𝐫𝐞́𝐯𝐨𝐥𝐮𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞 𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐭-𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐥𝐚𝐢̈𝐪𝐮𝐞 ?

Pas du tout, c’est une révolution religieuse par beaucoup d’aspects. Et les éléments venant de la gauche y ont contribué. Qui a remplacé le titre du journal Résistance par El-Mouhjahid ? C’est Abane Ramdane [l’un des principaux dirigeants politiques du FLN], qui croyait que ça donnerait plus de combativité aux gens. Il ne se rendait pas compte.

Mais ce qui est en jeu, ce n’est pas tant la religion que le patriarcat. Nous ne sommes pas sortis du patriarcat. Même en Kabylie, il est plus facile de brandir le mot d’ordre de la laïcité que de l’assumer dans la lutte contre le patriarcat et pour l’égalité des femmes.

𝐂𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐞𝐱𝐩𝐥𝐢𝐪𝐮𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐥𝐚 𝐟𝐨𝐫𝐜𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐩𝐨𝐩𝐮𝐥𝐚𝐫𝐢𝐭𝐞́ 𝐬𝐨𝐮𝐝𝐚𝐢𝐧𝐞 𝐝𝐮 𝐅𝐫𝐨𝐧𝐭 𝐢𝐬𝐥𝐚𝐦𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐝𝐮 𝐬𝐚𝐥𝐮𝐭 (𝐅𝐈𝐒) 𝐚𝐮 𝐭𝐨𝐮𝐫𝐧𝐚𝐧𝐭 𝐝𝐞𝐬 𝐚𝐧𝐧𝐞́𝐞𝐬 𝟏𝟗𝟖𝟎-𝟏𝟗𝟗𝟎 𝐞𝐭 𝐥𝐚 𝐩𝐞𝐫𝐬𝐢𝐬𝐭𝐚𝐧𝐜𝐞 𝐝𝐞 𝐥’𝐢𝐬𝐥𝐚𝐦𝐢𝐬𝐦𝐞 ?

Le fond de l’islam algérien, c’était une certaine piété, une aménité des rapports sociaux. L’islam politique a été importé en Algérie. Il a tiré sa force du rejet du FLN. Je suis allé voir les élections en 1991. Cela m’a fait penser au surgissement brutal du MTLD en 1946-1948. La présence des Français, à l’époque, a empêché les contradictions internes de dégénérer en guerre civile.

Le jour des élections, en décembre 1991, j’étais à Annaba : les gens allaient se purifier au bain maure avant de voter. J’ai vu des gens pleurer. Ce caractère émotionnel, le FIS l’avait arraché au FLN.

𝐄𝐭 𝐬𝐢 𝐨𝐧 𝐚𝐯𝐚𝐢𝐭 𝐥𝐚𝐢𝐬𝐬𝐞́ 𝐥𝐞 𝐅𝐈𝐒 𝐠𝐚𝐠𝐧𝐞𝐫 ?

Ça aurait été une défaite de la démocratie et de la pensée. Mais je ne suis pas sûr que la voie suivie était la meilleure parce que, quand on sort de la politique, on transforme les gens en activistes : il n’y a plus que le fusil qui parle. En tout cas, ceux qui ont géré la crise sont responsables de la suite. Les militaires voulaient y aller de toute façon, ils avaient choisi la confrontation. Ils s’étaient déjà débarrassés de ce qui restait d’un peu socialiste en forçant Chadli [président de 1979 à 1992] à démissionner. Une fois la guerre contre le FIS gagnée, ils ont pu acheter les islamistes. Mais, pour cela, ils ont saccagé le pays, démantelé l’Etat et ouvert la porte à tous les appétits.

𝐐𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐥𝐚 𝐧𝐚𝐭𝐮𝐫𝐞 𝐝𝐮 𝐫𝐞́𝐠𝐢𝐦𝐞 𝐚𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧 : 𝐦𝐢𝐥𝐢𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞, 𝐜𝐢𝐯𝐢𝐥, 𝐝𝐢𝐜𝐭𝐚𝐭𝐨𝐫𝐢𝐚𝐥, 𝐚𝐮𝐭𝐨𝐫𝐢𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞 ?

L’essentiel, aujourd’hui, pour Gaïd Salah [chef d’état-major de l’Armée nationale populaire depuis 2004 et nouvel homme fort du pays], c’est de maintenir l’autorité de l’armée, comme jamais auparavant. Pendant longtemps, l’armée avait composé avec la technocratie. Lui, il veut la mettre sous sa coupe, il veut la militariser à sa façon.

𝐐𝐮’𝐨𝐧𝐭 𝐫𝐞𝐩𝐫𝐞́𝐬𝐞𝐧𝐭𝐞́ 𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐝𝐞́𝐜𝐞𝐧𝐧𝐢𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐩𝐫𝐞́𝐬𝐢𝐝𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐁𝐨𝐮𝐭𝐞𝐟𝐥𝐢𝐤𝐚 ?

Bouteflika a une responsabilité terrible dans ce qui va advenir. Il a partagé le pouvoir avec les militaires, car il croyait que plus l’armée engraissait, moins elle le dérangerait.

𝐋’𝐀𝐥𝐠𝐞́𝐫𝐢𝐞 𝐟𝐨𝐫𝐦𝐞-𝐭-𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐮𝐧𝐞 𝐧𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 ?

Il y a encore beaucoup de travail à faire. A une époque, j’ai étudié le Risorgimento [la période de l’unification de l’Italie, au XIXe siècle]. Un conseiller de Cavour [tout premier président du Conseil italien, en 1861] disait : « 𝑁𝑜𝑢𝑠 𝑎𝑣𝑜𝑛𝑠 𝑓𝑎𝑖𝑡 𝑙’𝐼𝑡𝑎𝑙𝑖𝑒, 𝑚𝑎𝑖𝑛𝑡𝑒𝑛𝑎𝑛𝑡 𝑖𝑙 𝑓𝑎𝑢𝑡 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝐼𝑡𝑎𝑙𝑖𝑒𝑛𝑠. » C’est pareil pour l’Algérie.

𝐂𝐡𝐫𝐢𝐬𝐭𝐨𝐩𝐡𝐞 𝐀𝐲𝐚𝐝

8 Commentaires

  1. « il faut faire cette algerie » le hirak est a l oeuvre ! elle se fera , elle ne se fera pas seule! elle le sera par les algeriens, les forces du cachir sont fragiles il ne savent que soutenir ..le cachir et c est facile de leur imposer le sevrage!

  2. C’est une lecture lucide surtout pour les divers oppositions ( et aujourd’hui le Hirak) qui emprunte beaucoup d’éléments idéologique à ce pouvoir militaire qui a détruit l’Algérie. Il est important de l’écouter et de le lire car il remet en cause beaucoup d’acquis y compris chez l’opposition ( le rôle des messaliste, le patririacat, la défaite de la gauche et de la paysannerie algérienne..etc) mais il minore le rôle révolutionnaire et la dynamique de l’histoire propre à chaque époque..en cela le Hirak est une force pré-révolutionnaire

  3. En tant qu’historien averti, M.Harbi ,quand il relatait la période 90 où le FIS avait remporté les élections de façon démocratique;usait d’un ton sarcastique et folklorique ces événements !?alors qu’il pouvait nous donner sa vision socio-politique en toute objectivité , mais son penchant athéiste et sa vision gauchiste a eu le dessus;Hélas…

  4. Ont peut evidemment ne pas partager ni sa vision ni certaines de ses idees, mais Mohammed Harbi est un intelectuel integre et un temoin de l’histoire contemporaine de l’Algerie credible. Je voudrais lire ses ecrits et echanger avec lul

  5. Les époques changent, les écrits restent M. Harbi…vous avez du sang sur la conscience malgré un intellectualisme tout parisien…

    « Chérif Mahdi, ancien moudjahid, jette un pavé dans la mare. Cet ancien secrétaire général de l’état-major général de l’ANP accuse l’historien Mohamed Harbi d’avoir une grande responsabilité dans l’exécution du colonel Chabani, un certain 3 septembre 1964 ; une exécution qui n’a pas encore révélé tous ses secrets. Dans une longue tribune publiée dans Le Soir d’Algérie, Chérif Mahdi révèle comment cet historien algérien exilé en France «a une main lourde» dans la mort du jeune colonel. «L’exécution de Chabani était voulue et demandée par Harbi, non que ce dernier eut été un être assoiffé de sang ou qu’il eut un compte personnel à régler avec le chef déchu de la wilaya VI, mais comme un jalon visible, une démarcation nette entre les tenants de la révolution socialiste, dont il s’était autoproclamé le grand prêtre, et les aspirants au grand burnous. «Chabani, le féodal, était jugé ès qualités, un peu comme les GIA condamnaient ès qualités le jeune appelé sans avoir jamais eu à pâtir de ses agissements», soutient-il. L’ancien moudjahid au verbe acéré accuse Harbi de «schizophrénie révolutionnaire». «L’inquisiteur trotskyste, qui avait l’oreille du raïs, avait fulminé contre Chabani non parce que ce dernier s’était rendu coupable de crime de rébellion, mais pour des raisons idéologiques. Mohamed Chabani était aux yeux du quarteron trotskyste, qui sévissait dans la proximité immédiate de Ben Bella, le représentant parfait des féodalités qui menaçaient la révolution socialiste», estime-t-il. Pour Chérif Mahdi, Harbi était un «chantre de l’égalitarisme par le bas, inquisiteur impitoyable à l’affût d’opposants à abattre, redoutable et sans état d’âme quand il a atteint les hautes sphères du pouvoir et eu en mains le levier d’un journal influent». Chérif Mahdi revient, par ailleurs, sur un texte que Mohamed Harbi a publié le 4 juin dernier sur les colonnes d’un quotidien algérois et dans lequel il a refait le procès de Mohamed Chabani. Il souligne que ce n’est pas le premier texte de Harbi contre le colonel exécuté sur ordre de Ben Bella. Le 4 juillet 1964, rappelle-t-il, cet historien attitré écrit dans Révolution africaine un article intitulé Les féodalités bureaucratiques, signé par un pseudonyme (El Harrouchi) dans lequel il justifiait la façon d’administrer la justice aux opposants : «Ou la révolution se défend par la violence révolutionnaire ou la révolution hésite et démissionne» ; «Nous ne sommes pas dans un débat juridique» ; «Qui renonce à la violence renonce à la révolution»… «Après avoir lu cela, on peut faire grâce à Harbi des autres appels au meurtre contre les pseudo-opposants dont sont remplis les éditoriaux signés par lui», commente Mahdi Cherif, s’exclamant devant le fait que Harbi continue, cinquante ans après, d’accuser Chabani d’un crime qu’il n’a pas commis.
    « 

    • Moi c’est ce passage qui me laisse perplexe:

      « Ceux qui avaient les armes, à l’intérieur comme à l’extérieur, estimaient que l’Algérie était à eux. Ils la voyaient comme un butin. Le vol de l’indépendance, ce n’est pas le fait de l’armée de l’extérieur, mais celui des hommes en armes qui dérobent le pays à ses habitants. Ils ont enlevé l’indépendance et la souveraineté au peuple algérien. »

      Et pourtant vous étiez avec eux de 1962 à 1965 …Donc vous aviez cautionné la suprématie du militaire sur le politique. (Pour faire le parallèle, c’est comme ceux qui soutiennent Gaid de nos jours). Donc Vous vous êtes aligné du côté de ceux qui avaient des armes? Vous en aviez certainement une pour avoir survécu parmi eux? J’espère que vous ne l’aviez jamais pointez sur le défunt Chabani …Si c’est le cas vous avez raison la régression culturelle existe chez nous mais la genèse du désastre remonte à 1962 et vous êtes l’une de ses causes…Quand la révolution algérienne révélera tous ses secrets notre culture se porteras beaucoup mieux.

      Avec tous mes respects.

  6. Ni les communistes,ni les messalistes et encore moins les religieux ne furent près et chauds pour déclencher,en 1954,une révolution armée afin de libérer tout un pays d’un colonialisme brutal et acculturant qui a duré plus d’un siècle.Alors venir,aujourd’hui,plus de 65 ans après l’indépendance,nous dire (de la part d’un historien): « qu’il y a une régression culturelle immense en Algérie »,c’est ce que l’on appelle,tout simplement « l’esprit du colonisé » et,qui vient aussi nous jeter en plein figure et en plein Hirak des luttes idéologiques de l’époque coloniale!
    On peut se demander si ce n’est pas du sabotage au profit de qui vous savez?!

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