Le défi du hirak en 2020

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Ait Benali Boubekeur

Malgré la libération des otages politiques, le contexte politique du début de l’année 2020 se caractérise par les mêmes manœuvres. En effet, à quelques heures de l’annonce du « gouvernement Tebboune », les prisonniers politiques sont relâchés. Plusieurs d’entre eux ont déjà purgé leur peine. D’autres sont sous contrôle judiciaire. Donc, il n’y aucune bonne volonté du régime. En un mot, ni leur arrestation ni leur libération n’obéissent au droit. Car, une justice libre ne fonctionne pas selon des calendriers politiques.
Au contraire, la coïncidence des deux événements démontre la mauvaise foi du régime. Bien qu’il s’en fiche éperdument du sort des prisonniers, cette manœuvre pourrait tromper quelques compatriotes sensibles aux bonnes actions. C’est ce que l’on peut constater sur les réseaux sociaux où certains « analystes » ne veulent juger le nouveau régime que sur ses actes. Cela exclut de fait, selon eux, le contexte de crise politique.
Mais, quel est le premier responsable de la crise ? Et surtout, est-ce que le hirak y est pour quelque chose ? Dans la réalité, cette supputation n’est même pas sérieuse. La crise est avant tout celle du régime. Depuis 1962, le régime s’est emparé de tous les leviers. Et la gestion des affaires du pays sans contre-pouvoirs ni contrôle a provoqué le développement de tous les vices. De la simple corruption dans les années 1960 au trafic de cocaïne sous Bouteflika, le régime s’est comporté comme une vulgaire mafia.
Par conséquent, en février 2019, la majorité du peuple algérien ne s’est pas mobilisée uniquement contre la conduite des affaires du pays –certains mauvaises langues évoquent une contestation contre la politique de l’exécutif comme cela se fait dans tous les pays –, mais s’est fixée comme objectif de libérer le pays de cette mafia.
Ainsi, dès le départ, la rupture avec l’ancien régime a été l’élément mobilisateur et le facteur d’adhésion au hirak populaire. Dans toutes les wilayas, le slogan qui revient avec acuité est l’exigence de voir partir tous les responsables de la crise. Certains remettent en cause cette demande. C’est le cas du nouveau ministre des industries. Or, si cette demande est discutable, personne ne pourra remettre en cause la préoccupation des millions d’Algériens pour l’avenir de leur pays.
D’ailleurs, que propose le régime pour surmonter la crise ? Si sur la forme il admet quelques reproches, sur le fond, il refuse toute concession. En présentant les règlements internes comme une volonté de tourner la page de l’ancien régime, le nouveau pouvoir considère que le maintien de la moitié du clan Bouteflika à la tête de l’État est une réponse idoine aux revendications du hirak. Ce qui est une insulte à l’intelligence du peuple algérien. En tout cas, c’est dans cet esprit qu’est intervenue la désignation de Tebboune. Heureusement, cette présentation n’engage que le régime est ses acolytes.
Le hirak, quant à lui, doit suivre son propre calendrier. Ainsi, s’il veut éviter à l’Algérie le naufrage, il devra maintenir la mobilisation pacifique et civilisée jusqu’à l’avènement d’une nouvelle République garante de l’avenir du pays. Donc, en aucun cas, le mouvement ne devrait se résigner. Car, la fin du hirak, c’est la garantie du maintien du même système, avec les mêmes pouvoirs, les mêmes abus, etc. Pire encore, si le régime dépasse cette crise, il ne se mettra plus jamais en difficulté comme en 2019 quand il a voulu maintenir un homme quasiment mort à la tête de l’État. Le peuple algérien est désormais averti.

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