« Casser » RAJ en condamnant Abdelouahab Fersaoui

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Raouf Farrah

Le verdict est tombé comme un couperet. Le juge du tribunal de Sidi M’hamed a condamné Abdelouahab Fersaoui, président de l’association Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), à une année de prison ferme. Fersaoui a été arrêté le 10 octobre dernier alors qu’il participait à un rassemblement de soutien aux détenus du Hirak. Il a été placé sous mandat de dépôt, accusé d’atteinte à l’intégrité du territoire national et d’incitation à la violence. Le 23 mars dernier, le procureur de la république avait requis deux ans de prison ferme et 100 000 dinars d’amende à son encontre.

Ceux qui connaissent Fersaoui savent qu’il est tout sauf un « traitre à la nation ». Qu’il est un homme d’une gentillesse exceptionnelle, un patriote et un militant qui a déployé une énergie immense pour tenter de sortir le pays de l’impasse. Tous les acteurs de la société civile savent que Fersaoui fait partie de ceux que l’Algérie a enfanté de mieux. Qu’il est un homme libre qui se bat pacifiquement pour les libertés, la citoyenneté et les droits de tous.

Ce soir, Fersaoui n’est pas avec ses enfants et sa femme. Il ne verra pas ses camarades de RAJ et ses amis non plus. Abdelouahab passera le mois de ramadan dans une cellule exiguë du régime pour avoir simplement exprimé une opinion. Ce droit est conféré par la Constitution algérienne. Il n’est ni un délit, ni un crime.

En emprisonnant Fersaoui, le régime veut casser RAJ; une association trop insoumise, trop rebelle. RAJ n’est pas une organisation nouvelle. Dès 1992, elle s’était donnée une mission noble et de haute facture : regrouper et permettre l’expression libre à tous les jeunes algériens qui refusent la fatalité du chômage, du désœuvrement…le sort de la décennie noire.

Dans les universités, dans les quartiers populaires, dans la rue, RAJ a incarné au sein de la société civile une corde fine sur laquelle l’espoir d’une Algérie meilleure pouvait s’accrocher.

Au fil des années, le local du RAJ est devenu l’un des rares espaces de libertés, d’échanges et de débats. RAJ a organisé des rencontres entre tous les Algériens, du simple citoyen aux universitaires les plus connus malgré les contraintes et les pressions.

Fersaoui et les siens se sont battus pour une jeunesse émancipée, une presse libre, une justice indépendante, pour les libertés, sans concessions, ni compromissions.

Mais sur la rue Larbi Ben M’hidi à Alger, les enRAJés – comme les membres de RAJ aiment à se nommer – se savaient ciblés. Ils se savaient sous les radars du régime et sa police politique.

Depuis le 22 février, plusieurs membres de l’association ont été arrêtés. La majorité d’entre eux, comme Hakim Addad et Djalel Mokrani, ont passé des mois sous les barreaux. Et c’est à peine sortie de prison qu’ils ont repris le chemin de la lutte pacifique pour la dignité, la justice et la liberté.

Fersaoui est le dernier du RAJ encore en prison. Il est victime d’un régime militaro-policier qui règle ses comptes avec les militants honnis. Les Fersaoui, Hamitouche, Hassani, Drareni, Lalami, Tabbou et les quarante autres détenus du Hirak paient le prix de leur engagement. Ils sont sensés servir d’exemple aux autres dissidents.

Alors que le pays vit une crise sanitaire grave, que les morts vont se compter par centaines, que les hôpitaux manquent de matériel, que les finances des familles sont à sec, le régime a le luxe de voir ailleurs. Il continue son acharnement judiciaire contre les militants, les journalistes et les citoyens engagés dans le mouvement populaire. En ces temps de crise, le régime réfléchit à sa survie dans le monde de l’après Corona bien avant de penser à l’Algérie. Il est le premier virus qui menace notre pays.

Raouf Farrah
6 avril 2020

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