Le E oublié de l’ANEP… volonté politique ou négligence ?

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Youcef L’Asnami

« Dans un pays comme l’Algérie, dont l’économie repose sur la rente pétrolière, il est nécessaire que la publicité – quasiment monopole de l’Etat – soit organisée sur le principe de l’égalité entre opérateurs ».

C’est ce qu’a déclaré le ministre de la communication, Amar Belhimer en procédant récemment, à l’installation de M. Larbi Ouanoughi à la tête de l’Agence Nationale d’Edition et de Publicité (Anep). Il s’est engagé à « réorganiser » l’Anep dans « la transparence » et a confié au nouveau DG une mission d’assainissement du secteur.

Juste avant sa nomination comme DG de l’Anep, M Ouanoughi, invité pendant une heure par la chaine El-Hayat le 4 avril dernier en tant que conseiller du ministre de la communication, a dressé un constat sombre du monde de la presse écrite, mais aussi de l’Anep considérée comme un bras séculier de l’ancien pouvoir pour répartir la manne publicitaire sur la base du degré d’allégeance des journaux à ce pouvoir. Un panier à crabe dont il a promis l’assainissement !

En ces temps de confinement, les regards sont donc braqués sur l’Anep uniquement sur une de ses missions concernant la publicité. Or l’ordonnance n°67-279 du 20 décembre 1967 portant création de l’Anep qui définit cette Agence comme « un établissement public à caractère industriel et commercial doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière » rappelle dans son article 4 les missions de l’agence qui sont :

          la prospection et la promotion de la publicité par tous les supports et par tous les moyens visuels et auditifs (affiches, films, dépliants, prospectus, etc..)

          l’édition de revues, d’ouvrages, de bandes sonores, à caractère ou à financement publicitaire et tous objets similaires ou connexes employés aux mêmes fins,

          la diffusion de la publicité par tous les moyens.

La seconde mission de l’Anep relative à l’Edition est très souvent ignorée par les médias qui se concentrent principalement sur le nerf de guerre qu’est la « gestion politique » de la publicité quasi-monopole de l’Etat.

Même les textes officiels relatifs à l’Anep relèguent au second plan la mission dévolue à l’agence dans le domaine de l’Edition. Ainsi, le Décret 86-283 du 2 décembre 1986 portant réorganisation de l’Anep, après avoir modifié son statut en la déclarant comme « entreprise publique à caractère économique et à vocation sociale et culturelle, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière », est consacré quasi exclusivement :

          aux activités de l’Anep liées à la gestion de la publicité (Art 4),

          à son organisation et son fonctionnement (attributions du directeur général et du conseil consultatif (Art 8 à 23)

          et au comité technique de coordination (Art 24 à 29)

Notons au passage que ce conseil consultatif qui intègre dans sa composition des représentants de nombreux ministères (AE, Défense nationale, Intérieur, Finances, Planification, Information, comprend aussi un « représentant du Parti de Front de Libération nationale » ! Pas un seul représentant du ministère de la Culture ! Une incohérence difficilement compréhensible de cette composition eu égard aux missions de l’Anep relatives à l’Edition.

De même qu’on est en droit de s’interroger sur les raisons des gouvernants de cette époque d’attribuer deux missions complétement différentes à une même agence. Quel rapport entre le monde de l’Edition qui, de mon point de vue relèverait plus de la culture, et celui de la publicité qui, naturellement relève de l’information et de la communication.

La plupart des affaires rapportées par la presse et liées à la gestion de l’Anep concerne principalement la partie « Publicité » de l’entreprise…  On a vu récemment l’affaire Madjer, celle des1000 milliards de centimes non identifiée qu’a évoqué le nouveau DG et bien d’autres…

Il en est de même quant au monopole de l’Etat sur la publicité. Ce monopole est souvent dénoncé à cause de ses dérives, mais aussi en terme de légalité institutionnelle. L’ordonnance de 1967 relative à création de l’Anep ne prévoyait pas expressément le monopole de l’Agence sur la publicité émanant des annonceurs publics Ce monopole n’a été rajouté que dans l’article 4 du décret du 2 décembre 1986, qui institua le principe du monopole de l’Etat sur la publicité commerciale et confia à l’Anep l’exercice de ce monopole sur tout produit ou service. Le décret n° 93-194 du 9 août 1993 qui réaffirme le monopole de l’Anep sur la publicité serait, selon certains spécialistes du Droit, en contradiction avec d’autres textes institutionnels.

Si l’importance accordée par les pouvoirs publics à la mission « gestion de la publicité » de l’Anep dénote d’une volonté manifeste de contrôle les médias, pourquoi maintenir le secteur Edition dans le giron de cette Agence ? Pourquoi ne pas intégrer cette mission Edition au ministère de la culture au même titre que l’Entreprise nationale des arts graphiques (ENAG)  par exemple?

Le site de l’Anep mentionne l’édition de pas moins de 268 livres pour la seule année 2019, livres classés dans une vingtaine de catégories (romans, essais, nouvelles, beaux livres, mémoires, histoire…) en arabe et en français.

Très présente dans les salons du livre nationaux et internationaux et exposant des livres caractérisés par un rapport qualité/prix incontestable, la partie Edition de l’Anep mérite, dans le cadre de la réflexion engagée en haut lieu, une attention toute particulière qu’il faudra isoler de l’aspect publicité plus politique et plus sensible. A moins que la volonté du pouvoir soit de tout contrôler chez le citoyen, y compris ses lectures. Attitude vaine à l’ère d’internet et des médias électroniques.

1 COMMENTAIRE

  1. l’anep demeure toujours un gisement bien entretenu pour la subordination du monde de l information…c est une pratique tres restrictive de la liberte de la presse , ca coute tres cher au tresor public et ca empeche le pays de faire emerger des titres ecris et televisuels en mesure de produire des oeuvres exportables en mesure de promouvoir l image d un pays qui a tout pour reussir mais qui n arrive pas a trancher entre un systeme qui a usé de tous les subterfuges pour regner et une jeune generation qui prefere se donner en pature aux requins que de supporter ses archaismes ….l’economie de marché etant institutionnalisee mais le monopole de l etat sur la publicite ne fait que s affermir c est la une des tres nombreuses contradictions du mode de gouvernance du pays qui plonge cycliquement la societe dans des crises qui l empechent de s exprimer …

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