Questionnement sur la françalgérie (encore).L’affaire CHAABNA

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               Cette affaire qui fit beaucoup de bruit notamment sur les réseaux sociaux fut qualifiée par mon ami Salah Eddine de diversion et nous n’y reviendrons pas. Si dans le jargon militaire ce terme désigne une opération ou action destinée à tromper l’adversaire, éventuellement à le manipuler pour ensuite le surprendre, il est utilisé généralement en politique, et notamment par les pouvoirs publics, pour promouvoir, généralement médiatiquement, un événement, un acte destiné à détourner l’attention ou l’intérêt de l’opinion et lui cacher ce faisant un ou des faits autrement plus inacceptables.

               Nonobstant l’affaire Chaâbna qui ne présente dans le fond aucun intérêt, le remaniement ministériel qualifié officiellement de recentrage du gouvernement fut dans l’absolu un rajout de ministères par fragmentation de départements préexistants. Il est donc à une période de grande disette, provoquée par l’effondrement des cours pétroliers, une augmentation du budget de fonctionnement sensé devoir être réduit en cette période d’austérité, et de grandes préoccupations face à un avenir incertain.

               Est-ce aussi un règlement de compte ? Tout porte à le croire en considérant le limogeage du secrétaire d’état chargé du sport d’élite. Ce dernier avait dénoncé en avril dernier sur un plateau de télévision algérienne privée et sur les colonnes d’El Watan, la situation de blocage du secteur dont il avait la charge. «J’ai été nommé par le président de la République non pour me rouler les pouces, mais pour mener à bien ma mission. Malheureusement, je constate qu’il y a blocage». «J’ai des défis à relever, ainsi que des ambitions. J’ai accepté cette fonction pour laisser mon empreinte et non pas pour le statut de secrétaire d’Etat». «Il y avait des ennemis de l’Algérie dans les années 1990, et l’Algérie a encore des ennemis qui n’ont rien à voir dans le domaine du sport. J’ai des prérogatives et des moyens limités et donc je ne peux rien faire». 

               L’ancien triple champion du monde du 1500m, star mondiale du demi-fond, connue pour son affabilité, refusait de prêter ainsi son image à la valorisation d’un édifice dont il s’était aperçu qu’il n’en formait qu’un simple élément de la devanture. Il mettait aussi et surtout en évidence par ses propos, cette question épineuse sur les véritables détenteurs des prérogatives et donc de la décision au sein de l’exécutif. Il met en lumière par ces propos cette question fondamentale qui se résume à « QUI GOUVERNE L’ALGERIE ? »

              Pour autant, et dans leur recherche d’éléments probants de réponse à cette question, les observateurs de la scène politique algérienne et dans le cadre de ce qui est communément appelé la françalgérie, restent toujours à l’affut du moindre indice permettant de relever l’influence française sur les décisions de l’exécutif algérien, et dans le cadre de cette ‘‘diversion’’ en admettant qu’elle en soit une, les éléments suivants sont mis en lumière.

              Dans un article écrit par un journaliste algérien paru sur le journal ‘‘Le Monde’’ il est dit :« A partir du début des années 2000, les premiers mandats d’Abdelaziz Bouteflika ont été marqués par une reconsolidation de la langue française, enseignée désormais dès la troisième année du primaire ».Il ajoute un peu plus loin que : Le 8 juillet (2019 NDLR ), le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Bouzid Tayeb(ministre de l’enseignement supérieur sous le gouvernement BEDOUI NDLR),avait annoncé œuvrer « à mettre en place les mécanismes nécessaires pour consolider l’utilisation de l’anglais à l’université et dans la recherche, le français ne menant nulle part. »Le journaliste poursuit : « Le 21 juillet (2019), le même ministre donnait ordre aux facultés algériennes d’utiliser uniquement l’arabe et l’anglais dans les en-têtes des correspondances et des documents officiels. Un geste présenté comme la première étape d’un remplacement du français par l’anglais dans l’enseignement.

           Donnant l’impression d’être tout à fait offusqué par la démarche du ministre Tayeb Bouzid, le même journaliste écrit : « Le caractère soudain de la dernière annonce, présentée au terme d’un sondage en ligne auprès de la communauté universitaire eteffectué en moins de deux semaines, a laissé sans voix ses détracteurs. Lesquels posent la question de la légitimité d’un gouvernement censé expédier les affaires courantes, et contesté par la rue, à engager le pays dans une nouvelle politique linguistique ». Rien à ajouter,tout est dit.

           D’autre part, le Pr Chems Eddine CHITOUR en reprenant en janvier 2020 le flambeau du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique déclarait, dans une intervention à la chaine 3 de la Radio Nationale que, « le système LMD nous a été imposé par un pays dont je tairais le nom »,il avait aussi et surtout rappelé : «Les études universitaires ne forment pas aux métiers. C’est à partir de cela qu’une réforme graduelle et par étapes doit être engagée. Parmi les premières étapes, l’adoption de l’anglais. Intégrer cette langue utilisée dans toutes les universités devra se faire de manière apaisée».

               Le 30 avril 2020, devant les parlementaires algériens, il déclarait que « la rédaction des thèses du doctorat se fera obligatoirement en anglais ». Cette nouvelle décision entre dans le cadre de la généralisation de l’anglais dans les universités algériennes qui reste selon lui « la meilleure voie devant permettre à l’université algérienne d’augmenter sa visibilité sur le plan international ». Le ministre de l’Enseignement supérieur rappelait par ailleurs que son département avait déjà autorisé auparavant, le résumé du doctorat en langue française « Et cela seulement parce que de nombreux étudiants avaient avancé dans leurs thèses » A une question d’un député, il répondit : « Désormais, les doctorants sont obligés de soumettre leurs thèses en langue anglaise »

               Est-ce donc là les véritables motivations qui font changer au Pr Chitour de portefeuille ? Est-ce donc là les tenants et aboutissants de la ‘‘diversion’’ ? La question reste posée. Cependant, et pour être tout à fait bref sur son remplaçant, du reste ancien recteur de l’université d’Oran, rappelons que l’homme avait occupé une place conséquente dans la mise en œuvre du programme de formation des enseignants (l’enseignement à distance) en collaboration ou sous l’égide de l’AUF (Agence Universitaire de la Francophonie).

               Les observateurs de la scène politique algérienne suivront bien sûr avec toute l’attention requise l’action du nouveau ministre du secteur de l’Enseignement Supérieur et comme de bien entendu accorderons une attention tout à fait particulière à la place de l’anglais dans l’avenir au sein de l’université algérienne en particulier et de l’enseignement en général.

D.Derhane  

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