Sahara occidental : entre le Maroc et l’Algérie, la guerre diplomatique fait rage

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Selon Riccardo Fabiani, spécialiste de l’Afrique du Nord à l’International Crisis Group, « le risque d’un conflit militaire est faible mais ne doit pas être sous-estimé ».

Le Monde avec AFP

Publié le 06 septembre 2022

People cast shadows as members of Spain’s Sahrawi community and their supporters take part in a protest against Spain’s new position on the fate of Western Sahara as an autonomous region of Morocco, in Las Palmas de Gran Canaria, Spain, March 26, 2022. REUTERS/Borja Suarez – REFILE – CORRECTING CITY

La grave crise entre l’Algérie et le Maroc au sujet du Sahara occidental s’est transformée en une guerre d’usure diplomatique qui dépasse la région et fait craindre une déflagration faute d’issue en vue, selon des analystes.

Enhardi par la reconnaissance par l’administration de Donald Trump, fin 2020, de sa souveraineté sur ce territoire disputé en contrepartie d’un rapprochement avec Israël, le Maroc déploie depuis une diplomatie de plus en plus offensive pour rallier d’autres pays à ses positions. Le roi Mohammed VI a averti en août qu’un tel soutien ne devait « prêter à aucune équivoque », affirmant que le dossier du Sahara était « le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international ».

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En face, le grand rival algérien continue d’afficher son soutien indéfectible aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario. Alger met aussi à profit son statut d’exportateur gazier choyé par l’Europe cherchant à compenser le gaz russe pour marquer des points dans son duel diplomatique à distance avec Rabat, avec lequel il a rompu les relations en août 2021.

« Nous assistons à une guerre diplomatique dans laquelle les deux parties usent de tous les moyens sans aller jusqu’à un conflit ouvert », estime Riccardo Fabiani, spécialiste de l’Afrique du Nord à l’International Crisis Group (ICG).

Brahim Ghali reçu par le président tunisien

Le dernier épisode de cet affrontement diplomatique a eu lieu fin août, lorsque le Maroc a rappelé pour consultations son ambassadeur en Tunisie après que le président Kaïs Saïed a reçu le chef du Polisario, Brahim Ghali, à l’occasion d’un sommet économique Japon-Afrique. Cet incident montre que « le conflit au Sahara occidental commence à avoir des répercussions en dehors du cadre bilatéral Maroc-Algérie, souligne M. Fabiani. Le Maroc va désormais considérer la Tunisie comme faisant partie du camp pro-algérien. »

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L’hospitalisation de M. Ghali en Espagne, en avril 2021, avait provoqué une grave crise entre Madrid et Rabat, culminant avec l’entrée le mois suivant de plus de 10 000 migrants en vingt-quatre heures dans l’enclave espagnole de Ceuta, à la faveur d’un relâchement des contrôles frontaliers côté marocain. Madrid a mis fin à cette crise en s’alignant en mars sur le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole contrôlée à 80 % par Rabat. Le Polisario réclame un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU. En réaction au revirement de Madrid, l’Algérie a suspendu sa coopération avec l’Espagne, rappelé son ambassadeur et évoqué une hausse des prix du gaz algérien livré à l’Espagne.

Situé sur la côte Atlantique, le Sahara occidental (266 000 km2) est riche en phosphates et doté d’un littoral très poissonneux de plus de 1 000 km. Un cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 avait volé en éclats en novembre 2020 après le déploiement de troupes marocaines à l’extrême sud du territoire pour déloger des indépendantistes qui bloquaient la route, selon eux ouverte illégalement, vers la Mauritanie. La tension est encore montée en novembre 2021 après que l’Algérie a fait état d’un bombardement marocain qui a causé la mort de trois camionneurs algériens en territoire sahraoui.

« C’est un moment délicat et dangereux »

Pour M. Fabiani, la reconnaissance par M. Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara en contrepartie d’une normalisation avec Israël, au grand dam d’Alger, a « réactivé un conflit qui était gelé pendant longtemps à la faveur d’une sorte de pax americana ».

« Pendant la décennie écoulée, le Maroc a musclé sa diplomatie, notamment en Afrique et envers certains pays de l’Union européenne [UE], alors que l’Algérie était à la traîne », décortique Dalia Ghanem, de l’Institut d’études de sécurité de l’UE (IESUE). L’Algérie, forte de sa richesse gazière mise en valeur par le conflit en Ukraine, « entend renforcer son rôle dans la région et devenir leader en Afrique », estime-t-elle.

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« Nous assistons à une tendance inquiétante qui consiste à tout voir dans la région à travers le prisme de la rivalité algéro-marocaine, note Anthony Dworkin, du Conseil européen pour les relations internationales. C’est un moment délicat et dangereux. »

L’émissaire de l’ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura, a effectué ce week-end une nouvelle visite dans la région, sans le moindre signe d’une possible reprise du dialogue en suspens depuis plusieurs années. « Le risque d’un conflit militaire est faible car aucune des deux parties ne le souhaite. Mais cela ne doit pas être sous-estimé. Il suffit d’un incident frontalier et d’un mauvais calcul », met en garde M. Fabiani.

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