Ali Shariati et l’efficacité Intellectuelle.

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Bougie‘’Il faut constater que le pouvoir produit du savoir ; que pouvoir et savoir s’impliquent directement l’un et l’autre ; qu’il n’y a pas de relations de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir.’’ Michel Foucault
Dans cet article, il sera esquissé un canevas de réflexion dans la grande quête pour resituer l’œuvre du grand sociologue Iranien Ali Shariati
(http://lequotidienalgerie.org/2015/11/23/ali-shariati-un-prince-de-lislam/) et surtout de lever quelques équivoques à son égard dans son rapport avec Karl Marx et le Marxisme. Au lieu de présenter un résumé “possible ou impossible” du rapport qu’Ali Shariati entretint avec l’œuvre de Karl Marx, il sera suggéré un schéma qui peut servir de pointillés pour une recherche à venir.
Il consiste à penser que l’œuvre d’Ali Shariati est traversé d’un bout à l’autre d’une confrontation avec Karl Marx. Cependant il faut distinguer deux plans : celui de la confrontation réelle d’Ali Shariati avec Karl Marx et celui de la confrontation possible. Ces deux plans ne s’opposent pas l’un à l’autre comme la nuit au jour, et ils ne doivent pas non plus faire songer à une opposition entre un côté vrai et un côté qu’on souhaite vrai.
Dans le premier plan se définit un fondement pour le développement du deuxième, même si l’enjeu du problème se situe plutôt, en toute logique, du côté de la confrontation possible.
L’idée est qu’en posant à Karl Marx des questions qui viennent d’Ali Shariati et à Ali Shariati des problèmes qui surgissent de l’œuvre de Karl Marx, on peut découvrir de nouveaux aspects des œuvres en question et trouver par la même occasion de nouveaux parcours pour les réflexions et débats présents et à venir.
En guise d’introduction il faut préciser certains points. Il serait vain d’imaginer que l’œuvre d’Ali Shariati est traversée d’un bout à l’autre d’une confrontation “systématique” avec Karl Marx. Cela ne signifie pas qu’il soit impossible de projeter un travail qui vise à reconstruire pas à pas cette pulsion-répulsion entre Ali Shariati et Karl Marx (ces mots expriment mieux l’enjeu du problème car il garde le double sens de la confrontation et du combat). Mais il faut également savoir que les chemins qui mènent Ali Shariati à Karl Marx ressemblent plus à des labyrinthes qu’à des lignes droites.
Les trois points des problèmes que, en toute logique, cette confrontation pose sont:
Premièrement, il s’agirait de se demander de quel poids l’œuvre de Karl Marx pèse dans celle d’Ali Shariati.
Deuxièmement il faudrait se demander qui est le Karl Marx que Ali Shariati reprend dans ses analyses, qu’est-ce que Ali Shariati met à l’écart de son œuvre et pourquoi il privilégie une piste plutôt qu’une autre.
Troisièmement, bien que l’œuvre d’Ali Shariati ne permette pas facilement de distinguer le combat entre son auteur et Marx de son combat avec le Marxisme, il vaudrait mieux différencier ces deux éléments.
Il est plus clair que de penser, en effet, que si Ali Shariati reconnaît un noyau du Marxisme, un enjeu de ce discours, dans lequel serait aussi impliqué le discours de Karl Marx, il a néanmoins essayé, dans certains lieux de son œuvre, de situer le Marxisme à l’écart de Marx.
Tout au long de son parcours philosophique aussi bien que sociologique, le combat d’Ali Shariati avec Karl Marx et le Marxisme est double. Il refuse le Marxisme comme savoir inscrit dans la rationalité du monde occidental et essaie de montrer que ce savoir, construit un système de pouvoir qu’il ne peut que refuser.
Tout Marxisme voué au système de pouvoir est refusé par Ali Shariati. D’où aussi son malaise et sa méfiance à l’égard de tout discours Marxiste dominant son époque, qui devait lui apparaître comme un renversement de signe du même mécanisme de pouvoir.
Ali Shariati a travaillé à dé-totaliser l’image de Karl Marx, ce qui peut dire qu’il veut se servir de Karl Marx pour ses recherches et surtout analyses historiques, sans que son discours y adhère complètement.
En lisant l’œuvre d’Ali Shariati, on s’aperçoit à quel point Karl Marx fut pour lui un personnage conceptuel à plusieurs masques. Il se présente tantôt comme l’ami, tantôt comme l’adversaire, et souvent il est les deux à la fois. C’est pourquoi Ali Shariati, s’il s’approche de Karl Marx, s’en éloigne aussi souvent, lui attribue des masques, pense avec lui sans le citer, le cite pour le critiquer ou pour critiquer ceux qui semblent être ses disciples, mais qui apparaissent à ses yeux comme ses “gnomes affreux”.
D’autant plus qu’il devait être sans doute gêné par toutes les références que son époque consacrait à Karl Marx. Sa pudeur et sa méfiance face aux choses archiconnues devaient l’écarter d’une confrontation directe avec Karl Marx.
Pour Ali Shariati, il s’agissait d’utiliser Karl Marx comme une boîte à outils et non de rechercher le sens perdu ou de révéler le véritable sens de la parole de Karl Marx. Interroger Karl Marx voulait dire, pour lui comme pour nous, interroger la “chose” de sa pensée et assumer tous les risques qu’une telle entreprise comporte, y compris l’échec.
Car on ne lit pas Karl Marx pour le mythologiser ou pour le faire résister à l’épreuve du temps, mais pour manier ses concepts d’analyse afin de déchiffrer les grondements terribles des grands moments de l’histoire humaine.
Khaled Boulaziz

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