L’Afrique, premier refuge de l’Islam persécuté, et inlassable enjeu spirituel

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islam afriqueJPEGAbdelhamid Charif
 
« Des vieux de la tribu Antaimoro à Madagascar m’ont dit que leurs ancêtres sont venus d’un lointain village du nord, appelé Djeddah, près duquel se trouvait un village saint, appelé Makkah, où vivait un homme très gentil, nommé Mohamed, qu’ils aimaient profondément ; mais eux, les descendants, ne connaissaient pas les raisons de cet attachement. »
Avec l’auteur de ce touchant extrait (1), un ancien adage arabe regagne magistralement en pertinence ce qu’il a perdu en popularité : « Wahed ka alf, wa alf ka ouf. »
Un comme mille et mille comme nul
Il s’appelle Abdul-Rahman Al-Sumait (1947-2013). Un homme, une nation, un continent. En Afrique, on ne les compte pas sur les doigts des deux mains, ni par dizaines ou centaines, ni même par milliers. Ils sont des millions de personnes à avoir embrassé l’Islam, ou retrouvé cette religion ancestrale perdue, ou faussée et pervertie, pendant des siècles, par la grâce divine ainsi que les efforts et sacrifices persévérants, hors du commun, de ce médecin koweïtien, prédicateur et activiste humanitaire. Il s’est frotté aux puissantes et tentaculaires organisations d’évangélisation avec leurs milliers d’employés et milliards de dollars de budgets annuels. Il a croisé et marqué des centaines de missionnaires, de divers horizons, avec divers tempéraments, des plus humanitaires et philanthropes aux plus hostiles et cruels, et bon nombre d’entre eux se sont convertis à l’Islam.
« Je marche de longs trajets à pieds, je roule des centaines de kilomètres sur des pistes accidentées, ma voiture tombe en panne, mes chaussures s’abiment, et quand j’arrive à un village reculé et éloigné, j’y trouve des missionnaires chrétiens venus par un avion de leur propre flotte. »
Portée par la conviction et la persévérance, la justesse d’une cause peut contrarier les avantages physiques et matériels, et loin de servir de prétexte à l’inaction ou au défaitisme, un déséquilibre injuste et déloyal, peut même cesser d’être perçu ainsi, par la sagesse d’une foi sereine.
« Ô mon enfant, accomplis la Ṣalāt, commande le convenable, interdis le blâmable, et endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans toute entreprise. » (Coran 31/17).
Dès le jeune âge, Abdul-Rahman rêve de sillonner les forêts d’Afrique qu’il découvrait par lecture. Ses initiatives de bienfaisance et de bénévolat organisé se manifestent dès le lycée. Il achète avec des camarades une voiture d’occasion et se met à transporter gratuitement les travailleurs étrangers se rendant au travail ou rentrant chez eux. Son activisme religieux et humanitaire lui vaut un premier emprisonnement durant les années 1970 à Bagdad où il étudiait la médecine. Il retrouvera les geôles irakiennes en 1990 après l’invasion du Koweït, et y subira des tortures atroces.
En Grande Bretagne et au Canada où il suit ses études de spécialisation et postdoctorales, il continue inlassablement ses œuvres caritatives et de prédication en montant un réseau de quête mensuelle auprès des étudiants arabes et musulmans. Privilégiant la solidarité à la collecte de grands montants auprès d’individus aisés, il limite les contributions à cinq dollars maximum. C’est ainsi qu’il finit par acquérir une solide crédibilité et notoriété dans son pays et toute la région du Golfe, et gagner la confiance de larges couches sociales.
Sa première visite en Afrique remonte à 1980 (2). Au Malawi, il est frappé par la réalité qui dépasse de loin ce qu’il a pu lire ou entendre. Il est marqué par la misère, les maladies, ainsi que la précarité et vulnérabilité de la population vis-à-vis de certaines organisations chrétiennes, conditionnant sans scrupules leur assistance. Un dispensaire rattaché à l’église refusait de soigner les musulmans. Un chantage ignoble et condamnable, certes exercé par une minorité, mais passé sous silence par les médias occidentaux. Pratique embarrassante, mais couverte et maintenue, car ayant manifestement porté ses fruits. Abdul-Rahman Al-Sumait découvrira plusieurs tribus africaines ne gardant de l’Islam que des résidus charlatanesques. Quand l’objectif principal d’évangélisation s’avère inaccessible, on fait alors tout pour promouvoir la dé-islamisation et le charlatanisme. A l’issue de cette première visite, Al-Sumait se résout (3) : « Ma vie n’a aucune valeur si je ne contribue pas à changer la dure réalité de celle des autres. Je dois dévouer chaque jour de ma vie au service des nécessiteux. » Depuis cette date, il vivra plus en Afrique que dans son pays natal, jusqu’à sa mort en 2013. Son activité couvrira 34 pays africains.
« Le meilleur moment pour moi, c’est quand je vois quelqu’un bouger son index et prononcer la chahada. Et le pire, c’est quand ces mêmes personnes se mettent plus tard à pleurer leur ancêtres, morts non-musulmans, en nous reprochant notre manquement. Et les deux sentiments me poussent à continuer et essayer de faire davantage. »
Un comme mille et une comme un million
Un des premiers grands budgets qu’Al-Sumait, dont le père était un simple fonctionnaire, consacre à l’Afrique, est assez singulier, à tel point qu’il refuse d’en connaitre le montant, car ne le concernant pas, insiste-t-il. C’est pourtant sa propre femme qui hérite de cet argent (des amis parlent d’une centaine de millions de dollars). L’épouse tient à ce qu’aucun cent ne franchisse le seuil de la maison, et que l’héritage soit consacré entièrement à l’Afrique. Méprisant palais et mondanités, cette bourgeoise arabe a vécu en Afrique avec les tribus les plus reculées. Elle a connu la faim, la soif et couru des risques. Un jour, au Madagascar, alors que toute la famille se dirigeait à pieds vers le centre d’un village où se trouvait une divinité de la tribu, sous forme de « kaâba », les habitants n’arrêtaient pas de faire signe aux foulards de l’épouse et des filles. Elles ne savaient pas que c’était offensant de couvrir la tête devant ce dieu. Une fois arrivées près de l’idole, elles furent attaquées par les villageois et étaient obligées de courir vers la voiture pendant que le mari jetait des billets d’argent afin de retarder les assaillants. « Ce jour-là, ma femme a couru comme une gazelle », ironise Al-Sumait en évoquant ce souvenir (2).
Un séjour de 33 années dans les fins fonds du continent africain, est forcément riche en mésaventures et rencontres fortuites (4). Ainsi notre héros, diabétique chronique, ayant vaincu la malaria et échappé à plusieurs attentats, se retrouve un jour bloqué sans nourriture dans une région inhabitée, et doit suivre un régime de bananes pendant cinq jours. Une autre fois, il est contraint de passer la nuit en plein air. Pendant que son compagnon africain dormait profondément, et que lui se débattait avec les moustiques attirés par son sang sucré de diabétique, voilà qu’un immense animal s’approche d’eux avant de s’allonger à son tour. Pris de peur, il réveille son ami. « Ne t’inquiète pas, c’est juste un lion », rassure ce dernier en replongeant dans son sommeil. L’importun toubib koweitien passe une longue nuit blanche, pleine de trouille, mais non sans admiration envers le seigneur de la jungle. Des éléphants, saisis de démangeaison, lui ont causé des problèmes avec un donateur, en retardant la construction de la mosquée qu’il a financée. Sitôt les premiers murs érigés, ils venaient régulièrement se gratter la peau, provoquant la fuite des travailleurs.
Il vit une situation très éprouvante quand les chefs d’une tribu, sur le point de se convertir, font une demande spéciale (5). « Nous ne voulons plus du Christianisme, mais avant d’embrasser l’Islam, nous te demandons de prier Allah pour faire venir la pluie. La sècheresse sévit depuis trois ans. » Il tente par tous les moyens d’éviter ce test pouvant faire échouer tant d’efforts, mais les chefs ne lâchent pas prise. Alors, il se met à implorer Dieu, plus par ses larmes, dit-il, que par ses paroles. Il prie Allah pendant de longues minutes en pleurant, car l’enjeu c’est l’Islam. A la fin, ses interlocuteurs prennent congé pour ramener le déjeuner. Il n’avait pas mangé pendant deux jours, et plus tard en les voyant s’approcher, des gouttes de pluie commencent à tomber (5). Pitoyables sont l’incrédulité et le scepticisme sélectifs, si prompts et vigilants devant de tels récits.
Quand l’humanitaire est souillé par la manipulation
La règle est loin d’être générale, et pour bien l’attester, Al-Sumait évoque ces nombreux bienfaiteurs chrétiens offrant leur aide sans distinction, et parfois jusqu’à financer des projets islamiques. Il rapporte ainsi l’histoire de cet ami pasteur qui a construit une mosquée au Togo sur sa recommandation (6), et d’un autre au Mali, qui, sur le point de partir en retraite, lui propose les dix millions de dollars qui lui restaient. Il craignait, lui confie-il, que les pauvres musulmans ne soient victimes de chantage (2).
Mais si ces actions sont louables et admirables, il en est tout autrement de certaines pratiques peu glorieuses, qu’aucun musulman normal n’oserait faire, et a fortiori une organisation islamique. Ainsi dans un village livré à la famine et aux maladies en Ethiopie, le responsable de l’aide chrétienne, distribuant des vivres, refuse de servir l’imam local. Voulant le discréditer et l’humilier, il lui demande de renier en public sa religion, mais l’homme refuse et rentre chez lui. Le village sera plus tard déserté, et en visitant les lieux quelques mois après, Al-Sumait et ses compagnons trouvent les squelettes de toute la famille de l’imam dans la maison, morts de famine.
Un jour Al-Sumait et son compagnon tombent en panne en plein désert. Ils arrêtent une voiture appartenant à des missionnaires italiens (7). Le chef refuse de leur prêter assistance car, leur dit-il, vous combattez notre religion. Ils finissent par réparer eux-mêmes leur véhicule et reprennent la route. Après des kilomètres, ils retrouvent les italiens en panne à leur tour. Ils s’arrêtent sans qu’on leur fasse signe et les conduisent au prochain village. Voyant le chef très gêné, Al-Sumait lui dit : « Croyez-moi, nous ne sommes pas mieux que vous, c’est juste que notre religion nous oblige à agir ainsi. » Il apprendra plus tard que ces évangélistes se sont convertis à l’Islam. « Nous apprenons l’Islam aux tribus africaines, nous faisons de la prédication, mais ce sont avant tout nos comportements en tant que musulmans qui comptent et influent le plus. »
Les traces des grands hommes sont éternelles
Quand les bonnes actions sont valorisées et gratifiées plus que leurs résultats, le bilan peut, par la grâce divine, dépasser les espérances. L’effet boule de neige est sans doute plus imaginaire que réel, mais en réunissant soigneusement les conditions, même un petit poucet peut alors lancer la boulette initiale. Le bilan de Abdul-Rahman Al-Sumait est tout simplement prodigieux (8).
Sa foi, son intégrité, et sa crédibilité ont touché de larges franges sociales et ont permis d’attirer des fonds et donations de diverses régions arabes et musulmanes, y compris en Afrique. Un homme d’affaires du Burkina Faso a financé tout seul la construction de 44 mosquées. Al-Sumait est le fondateur de plusieurs organisations, et des associations d’aide islamique, plus anciennes, ont collaboré avec lui.
Depuis qu’il a commencé à consacrer plus de la moitié de son argent de poche et de sa bourse, pour aider les nécessiteux et financer la production et distribution de livrets sur l’Islam, Al-Sumait n’a jamais cessé de donner. Avec tant de générosité, on ne risque pas d’avoir de sérieux regrets, car, faut-il le rappeler, c’est précisément au niveau de la bienfaisance que se situent les premiers grands remords : « Et donnez en œuvres charitables de ce que Nous vous avons pourvus, avant que la mort ne vienne à l’un de vous et qu’il ne dise : Seigneur, accorde-moi un court délai pour que je fasse l’aumône et que je sois des gens vertueux » (Coran 63/10). Al-Sumait a tout donné de son vivant. Durant ses derniers jours, les médecins à son chevet affirment que tous ses organes sont défaillants. Il ne peut donc même pas faire de don d’organes après sa mort. Une existence bien rentabilisée et une anatomie quasi-optimisée.
Si certains chiffres rapportés ne sont pas concordants, c’est surtout à cause des dates différentes. Après 33 années passées en Afrique, le bilan de Abdul-Rahman Al-Sumait et ses nombreuses fondations et organisations, est estimé comme suit (8) : 6 à 7 millions de convertis à l’Islam. 51 millions de copies du Coran distribuées. Construction de 5700 mosquées, 860 écoles, 4 universités, 7 stations radios, 102 centres islamiques, et 200 centres pour femmes. 9500 orphelins pris en charge et 95000 étudiants financés.
Al-Sumait a beaucoup misé sur l’éducation (8-10), et plusieurs enfants qu’il a assistés sont devenus des cadres supérieurs, ambassadeurs, enseignants, prêcheurs… Un ministre des affaires étrangères, africain, en visite au Koweït, a tenu à se rendre au cimetière pour prier devant sa tombe et exprimer sa gratitude (10). « Je suis un de ces nombreux enfants qu’il a financés. »
Au-delà du monde musulman, c’est toute l’humanité qui doit être reconnaissante envers cet homme. Et quand autant de personnes se retrouvent aussi redevables envers si peu d’autres, la moindre des gratitudes c’est d’offrir une prière : Puisse Allah, Maître de l’univers, imploré par tous Ses noms parfaits, accorder Sa miséricorde à Abdul-Rahman Al-Sumait, et le récompenser pour l’Islam et pour les musulmans, avec toutes les grâces du Paradis, et lui réserver une demeure dans le plus élevé Al-Firdous.
Dé-islamisation au nom de la guerre anti-terrorisme
Les activités d’Al-Sumait ont dérangé tous les Etats-Majors occidentaux et même d’autres. Ce petit médecin koweitien est devenu un immense intrus entravant et faussant le tentaculaire plan d’évangélisation de l’Afrique, relancé au Vatican en 1978. Et la guerre contre le terrorisme, décrétée après les attaques du 9 Septembre 2001, constitue une excellente aubaine pour paralyser son organisation (11). Et commencent alors les embêtements et désagréments par procuration. « Leurs cœurs sont avec nous, mais leurs épées sont désormais dirigées contre nous. » C’est ainsi qu’il qualifie certains dirigeants arabes et africains. S’étant installé en famille au Madagascar, il est invité à quitter ce pays. Les transferts monétaires internationaux lui sont interdits. Des organisations islamiques collaborant avec lui ont été soit dissoutes ou bien instruites de rompre leurs liens avec lui. Plusieurs de ses collaborateurs sont ajoutés aux listes des suspects pour les emprisonner, dissuader, sinon bloquer ou retarder dans les aéroports. Un jour il rend visite au patron des services de sécurité libyens qui le suivaient avec un avion spécial, et lui dit : « Je suis prêt à vous fournir un rapport régulier détaillé sur nos activités. Consacrez donc votre énergie aux choses plus utiles pour votre peuple, et donnez-moi ce budget destiné à ma filature, j’en ferai un meilleur usage. » Déçu par ces restrictions et obstacles, Al-Sumait ne se décourage pas pour autant et continue son inlassable mission. Il n’est désormais plus seul en Afrique, ses milliers d’élèves et collaborateurs sauront prendre le relais.
Son amertume reste mesurée et ne l’empêche pas d’être indulgent envers les dirigeants politiques qui se sont retournés contre lui : « Peut-être aurais-je agi de la même sorte, si j’étais à leur place. » Il déplore surtout l’excès de zèle chez certains leaders et élites déracinées, qui empruntent opportunément le train de l’anti-terrorisme dans le but de dé-islamiser leur peuple, même si l’intention n’est pas toujours franche.
Quand la foi est ébranlée et les repères obscurcis, et quand la peur et l’admiration de l’ennemi s’entremêlent et s’embrouillent, il est alors naturellement difficile de rester sobre, et la religiosité islamique est forcément perçue comme du charlatanisme alors qu’elle en est le remède. C’est en manipulant des zaouïas, en promouvant l’engourdissement religieux et intellectuel, en méprisant l’enseignement de l’éducation islamique, que les « sauveurs et réformateurs » se croyant indispensables et irremplaçables, cherchent le triomphe éphémère au prix de la ruine éternelle.
L’éclairage de la sagesse, honorant les directives divines et se ressourçant du silence pédagogique des cimetières remplis d’ex-indispensables, est la seule voie du discernement salutaire. C’est courir à sa perte que de miser vaniteusement sur la seule expérience de la vie et de l’intellect, car sans repères fixes, de la naissance à la mort, c’est toujours en novice que l’être humain entame chaque phase. La religion a beaucoup plus besoin de disciples que de réformateurs, et c’est seulement des meilleurs parmi les nombreux premiers que doivent émerger les rarissimes seconds.
 
Références :
1/ http://www.traidnt.net/vb/traidnt1237627/
2/ https://www.youtube.com/watch?v=npguusoAapQ
3/ https://www.youtube.com/watch?v=TbPbbOGGknE
4/ https://www.youtube.com/watch?v=vxDzOzNVZKA
5/ https://www.youtube.com/watch?v=H6_1VcruvYM
6/ https://www.youtube.com/watch?v=1M8n2T9Qo78
7/ https://www.youtube.com/watch?v=FT_jOi0w3Q8
8/ http://productivemuslim.com/dr-abdul-rahman-al-sumait-a-legendary-productive-muslim/
9/ https://www.youtube.com/watch?v=NchH8RrGlBw
10/ https://www.youtube.com/watch?v=Hx__zlwgluI
11/ https://www.youtube.com/watch?v=j032pzmF2gE
 

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