Commémoration des événements d’octobre 1988 : on ne peut pas tromper le peuple tout le temps

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Ait Benali Boubekeur

En trois décennies, l’Algérie a vécu deux révolutions. Si celle du 22 février a encore toutes les chances d’aboutir au changement effectif du système de gouvernance, que celle d’octobre 1988 a échoué. Bien qu’elle ait permis le pluralisme politique, force est de reconnaître que le régime n’a respecté ni l’esprit ni même l’existence. En 20 ans de règne de Bouteflika –protégé par son bras droit, Ahmed Gaid Salah –, le tissu social a été méthodiquement détruit.
Cela dit, l’échec ne peut être incombé à Bouteflika. La parenthèse démocratique a été fermée en janvier 1992. À vrai dire, l’échec de la révolution d’octobre 1988 est dû à deux facteurs concomitants : la confiance voire la naïveté de la population et l’esprit machiavélique du régime.
En effet, après le massacre de 500 jeunes, le régime promet de réaliser des réformes politiques, économiques et sociales. Ainsi, au sortir de la crise, les mêmes acteurs sont amenés à gérer tout seuls la période de transition. Bien évidemment, il ne faudrait pas mettre tout le monde dans le même sac. L’honnêteté et la probité des hommes comme Mouloud Hamrouche et Abdelhamid Mehri ne peuvent être remises en cause.
Toutefois, si en 1988 les Algériens avaient demandé le départ de la classe dirigeante, la donne n’aurait pas été pareille quelques années plus tard. Est-ce que c’est une erreur ? Le jugement est difficile à établir. Car, le discours et les promesses étaient alléchants. Le seul tort du peuple algérien était de croire et de faire confiance au régime. Aurait-il dû penser que la dictature ne se réforme pas ? La suite des événements a prouvé que ceux qui sont à l’origine de la crise ne peuvent pas être la solution à la même crise.
Après une léthargie –il faut reconnaître que face à la violence du régime, une grande partie de la population a fermé les yeux sur la gestion chaotique des affaires du pays –, l’espoir renaît enfin en février 2019. Profitant d’une erreur stratégique du régime voulant présenter un mort-vivant pour un cinquième mandat, le peuple algérien se lève comme un seul homme pour refuser cette énième humiliation. La mobilisation allant crescendo, le peuple algérien reprend alors confiance.
Désormais, il réclame son droit de gérer directement ses affaires. Hélas, comme en octobre 1988, le pouvoir réel, incarné par le haut commandement militaire, promet de résoudre la crise loin de tout droit de regard de la population. Pour y parvenir, il propose l’élection d’un président parmi les anciennes figures du régime.
Vacciné par l’échec de la révolution d’octobre 1988, le peuple algérien, qui manifeste tous les mardis et les vendredis par millions, rejette cette solution. Malgré la répression, malgré les emprisonnements, la rue algérienne ne veut pas abdiquer. Car, si elle abdique, c’est le scénario d’octobre 1988 qui se renouvellera. Le régime fera semblant d’écouter le peuple, mais une fois installé, il reviendra sur toutes les concessions concédées.
Pour toutes ces raisons, il est incompréhensible que le peuple algérien accorde la confiance à ceux qui l’ont trompé en 1988. C’est à la fois dans l’intérêt du peuple et du pays qu’il faudrait mener à bon port cette révolution du sourire. Pour sa réussite, il y a un seul moyen : la mobilisation pacifique. Toute autre action ne fera que les affaires du régime. Et c’est sur ce point précis que se joue la victoire ou la défaite.

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