De la nouvelle Algérie à la nouvelle Hogra !

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Abderrahmane Eldjazaïri

« On peut détester Tebboune, mais pas détester son propre pays ». Le Président de la République nous autorise donc à le détester mais pas détester le pays. Soit ! Et on le remercie pour cette faveur. Sauf que je ne vois pas l’intérêt de détester un homme. On peut ne pas être d’accord avec sa politique, ses contradictions, son opportunisme mais pas détester sa personne. Les opposants qui ont été arrêtés et emprisonnés sont ceux qui vivent et travaillent en Algérie. Ils ne peuvent détester leur pays en y résidant. Les motifs de leurs arrestations interrogent : « Atteinte au moral de l’armée », « Atteinte à l’unité du pays »,  « Incitation à attroupement non armé », « Atteinte à l’image du président », « Outrage à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions », « Diffusion d’informations susceptibles d’attenter à l’ordre public »…
Ainsi Rabah Karèche, correspondant du journal « Liberté » à Tamanrasset, dans le Sud algérien, est accusé d’atteinte à la sûreté et l’unité nationale pour avoir  juste publié un article dans lequel il rapporte une manifestation contre le nouveau découpage territorial de la région touarègue de l’Ahaggar. Rien d’autre ! Interrogé sur son arrestation, M. Tebboune estime qu’ « Il a joué à tort au pyromane sur un sujet très sensible. Très grave » devançant ainsi son jugement dans un État sensé être de Droit. L’article du journaliste est encore en ligne. Il suffit de le lire pour voir en quoi ce billet est pyromane.

Un État fort et un pouvoir légitime peuvent-ils être déstabilisés par de simples individus quasi anonymes pour l’écrasante majorité des Algériens dont les jeunes ? Le moral d’une armée à laquelle les Algériens vouent respect et considération pour être le garant de notre stabilité peut-il être affecté par des anonymes sur une simple publication ?

Répondant aux questions des deux journalistes du journal le Point, le Président de la République s’est englué dans des contrevérités et des contradictions.

A une question relative au fonctionnement des institutions pendant sa longue absence du pays, il affirme que « Nous avons réussi à faire en sorte que l’État fonctionne en mon absence. Preuve en est que la réhabilitation des institutions que j’ai entamée avait fonctionné » s’attribuant ainsi cette réhabilitation. Or, tout le monde sait que ces institutions ont fonctionné pendant de très longs mois avec un Bouteflika aphone, paralysé et grabataire. Et donc le système en place fonctionnera avec ou sans lui. L’opacité de « qui dirige le pays » faisant désormais partie de nos constantes nationales.

« On peut détester Tebboune, mais pas détester son propre pays » certes sauf que le Président s’assimile à l’Algérie. Et donc il est hasardeux de le critiquer même objectivement sans risquer de nuire aux intérêts de l’État.
Ces contradictions et la répression des mouvements de contestation des citoyens, qui restent pacifiques, mettent en évidence la fragilité du pouvoir conscient de son impopularité.

Ni les faibles taux de participation citoyenne aux dernières élections, ni les manifestations nationales du Hirak dans tout le pays n’ont fait reculer le pouvoir qui continue ses « réformes » comme si de rien n’était. Passons sur la situation économique qui n’est guère réjouissante et la chute vertigineuse du dinar algérien qui continue face aux monnaies étrangères tant sur le marché officiel qu’informel.

Les interventions souvent clownesques des candidats aux prochaines élections législatives, largement relayées dans les réseaux sociaux sont ignorées. Les vrais sujets concrets du moment sont totalement zappés. La plupart des candidats se murent dans des promesses généralistes sans aucune consistance.  Peu importe le taux de participation du scrutin du 12 juin prochain. Une nouvelle Assemblée Nationale fera jour et traitera les projets de loi qui lui seront présentés. Nous ignorons la composition de cette nouvelle Assemblée Nationale tant il est difficile de faire un pronostic compte tenu de la multiplicité des partis et des indépendants sortis souvent de nulle part.  Le Président de la république lui-même remet en cause ces partis croupions en mettant relativisant leur légitimité : « Une multitude de nos partis ne sont pas représentatifs d’un courant d’idées, mais sont construits autour d’une personne qui s’éternise à leur tête, sans aucune volonté d’ouverture ou de réforme » avant d’atténuer son propos par « Attention, je ne dis pas que je ne crois pas en la classe politique, mais elle représente peu de chose par rapport à un peuple. Tous les partis réunis ne totalisent pas 800 000 militants, alors que nous sommes près de 45 millions d’Algériens ! ». Soit mais le peuple ne saurait se limiter à ceux qui ont voté. On ne peut que regretter sa division – une réalité qu’il faudra admettre- entretenue savamment par les médias aux ordres dont la communication catastrophique contribue grandement au malaise actuel. Comme la décision de l’ouverture partielle des frontières suivie par des communiqués de la Présidence abscons, contradictoires, incomplets et démoralisants pour nombre de citoyens qui souhaitaient rentrer chez eux. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec la préoccupation des dirigeants de préserver le pays de la pandémie actuelle du Corona Virus. Mais la communication relative aux modalités d’entrée des citoyens en Algérie a été mal accueillie. Même la presse étrangère s’est emparée de ce sujet pointant du doigt la gestion de cette crise. Rentrer au pays est devenu un évènement national relayé par tous les gros médias. Indigne d’une « puissance régionale » !

Lorsque 214 pacifiques opposants sont emprisonnés pour des délits d’opinion, il est difficile de faire confiance au pouvoir. La conscience devrait nous dicter de continuer à dénoncer cette nouvelle Hogra dans cette Nouvelle Algérie qui finira par triompher de ceux qui la mènent dans l’incertitude. Qui aurait cru que Bouteflika serait balayé de l’histoire après avoir régné une vingtaine d’années ? L’histoire se répètera !

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