Trente et unième anniversaire du coup d’État algérien de 1992 : les enseignements d’un étrange déjeuner au sommet

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BY AW · PUBLISHED JANVIER 11, 2023 · UPDATED JANVIER 11, 2023

François Gèze, Algeria-Watch, 11 janvier 2023

L’année 2022 a été marquée par un net réchauffement dans les relations entre les gouvernements français et algérien, à l’occasion de la visite à Alger d’Emmanuel Macron, accompagné d’une importante délégation, du 25 au 27 août. Une « avancée historique » pour le président français, une « visite très réussie » pour son homologue algérien. Ce moment a été immortalisé par une photo proprement extraordinaire : celle du déjeuner réunissant, le 26 août, les deux présidents et leurs plus importants responsables des forces de sécurité.

Le déjeuner au sommet du 26 août 2022 à Alger (photo Ludovic Marin/Pool/AFP).

On y reconnaît, à la gauche d’Emmanuel Macron, le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée française ; et à sa droite, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et Bernard Émié, directeur de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, le contre-espionnage français). Côté algérien, le président Abdelmadjid Tebboune était significativement encadré par quatre galonnés : à sa gauche, le général-major M’henna Djebbar, directeur depuis décembre 2021 de la Direction générale de la lutte contre la subversion, et le général-major Abdelghani Rachedi (hors cadre de la photo de l’AFP1), directeur de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE) ; à sa droite, le général d’armée Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), et le général-major Djamel Kehal Medjdoub, directeur de la Direction générale de la documentation et de la sécurité intérieure (DGDSI).

Extraordinaire, la photo de cette rencontre l’est à un double titre. C’était la première fois que les chefs militaires du régime algérien se donnaient ainsi à voir aux côtés du « président marionnette » dont ils tirent les fils. Et, surtout, c’était la première fois que les dirigeants français reconnaissaient ainsi officiellement la « double nature » de ce régime, en place depuis plus de quarante ans : d’un côté une façade civile, incarnée actuellement par le président Tebboune (« élu » en décembre 2019 avec au moins 85 % d’abstentions2), de l’autre le pouvoir réel, exercé par les chefs de l’armée (ANP) et de la police politique (hier Sécurité militaire puis Département de renseignement et de sécurité, aujourd’hui structurée en différents services moins visibles, mais toujours au cœur du pouvoir).

Du coup, le président français et ses chefs militaires ont révélé ainsi au grand jour les liens de complicité unissant de longue date les élites françaises et la coupole militaro-mafieuse qui a confisqué le pouvoir en Algérie depuis des décennies3. Et ils ne peuvent plus désormais prétendre ignorer que leurs commensaux du 26 août étaient les héritiers directs des généraux chefs de cette coupole qui, trente ans plus tôt, avaient fomenté en janvier 1992 le coup d’État ayant ouvert la terrible « décennie noire » de guerre contre les civils4. Cela d’autant plus qu’au moins deux des généraux ayant partagé ce fameux déjeuner ont été des protagonistes actifs de cette « sale guerre », responsables directs de crimes de guerre et de crime contre l’humanité, comme cela est attesté par de solides témoignages.

Tel est le cas du chef de l’ANP lui-même, le général Saïd Chengriha, âgé de soixante-dix-sept ans (sans doute le plus vieux chef d’une armée nationale au monde, comme le fut son prédécesseur le général Ahmed Gaïd Salah, décédé en poste en décembre 2019, à l’âge de soixante-dix-neuf ans) : ainsi qu’en a témoigné l’ex-lieutenant des forces spéciales Habib Souaïdia, Saïd Chengriha a commis de nombreux crimes contre les civils quand il commandait le secteur opérationnel de Bouira en 1993 et 1994, puis ceux de Sidi Bel-Abbès et de l’ouest algérois à partir de 19965. M’henna Djebbar, autre septuagénaire, est quant à lui sans conteste un de ces généraux qui a le plus de sang sur les mains : de 1991 à 1995, il a dirigé le tristement célèbre CTRI de Blida, dépendant du DRS, centre de torture et de disparitions forcées où sont passées des milliers de victimes6. Il a ensuite dirigé, de 1995 à 2013, la Direction centrale de la sécurité des armées (DCSA), l’une des principales structures de la police politique. Sa présence au déjeuner avec Macron ne doit rien au hasard : il fait partie, avec d’autres généraux criminels qui commandèrent des régiments des forces spéciales durant la « sale guerre », du noyau dur de la coupole aujourd’hui à la tête du régime (significativement, une semaine après le déjeuner du 26 août, il est encore monté en grade, devenant directeur de la DGDSE en remplacement du général Rachedi). Il a en outre la réputation d’être « francophile et particulièrement bien connecté dans les milieux du renseignement français », ce que sait bien sûr fort bien le patron de la DGSE Bernard Émié, ancien ambassadeur de France en Algérie (2014-2017) et lui aussi convive du déjeuner au sommet7.

La « réconciliation des mémoires » pour éviter la reconnaissance des crimes coloniaux

Ces vertigineux raccourcis temporels contribuent à expliquer les difficultés rencontrées entre les autorités françaises et algériennes dans l’un des dossiers essentiels que la visite du président Macron d’août 2022 était censée débloquer : celui de la « réconciliation des mémoires » sur l’histoire de la colonisation et de la guerre d’indépendance.

En février 2017, le candidat Macron avait suscité bien des espoirs en affirmant à Alger que la colonisation française de l’Algérie avait été un « crime contre l’humanité »8. Mais force et d’admettre que, une fois élu, ses décisions en la matière sont bien loin d’avoir fait avancer l’indispensable reconnaissance des crimes coloniaux de la République française – à l’exception de celle, bienvenue mais limitée, de la responsabilité de l’armée française dans les assassinats du militant communiste Maurice Audin et du combattant nationaliste Ali Boumendjel en 1957.

C’est que le président français a choisi une voie aussi périlleuse qu’infructueuse : soucieux de ne pas s’aliéner les électorats des nostalgiques de l’« Algérie française », il a privilégié l’objectif hasardeux d’une « réconciliation » des mémoires françaises et algériennes, alors que les crimes coloniaux sont d’abord et fondamentalement une question franco-française. D’où la proposition d’une « coopération mémorielle » faite en juillet 2020 au président Tebboune, qui l’avait alors acceptée en expliquant : « Nous avons évoqué cette question avec le président Macron. Il connaît bien les événements qui ont marqué notre histoire commune. L’historien Benjamin Stora a été nommé pour accomplir ce travail mémoriel du côté français. Il est sincère et connaît l’Algérie et son histoire, de la période d’occupation jusqu’à aujourd’hui. Nous allons nommer son homologue algérien dans les 72 heures. Ces deux personnalités travailleront directement sous notre tutelle respective. Nous souhaitons qu’ils accomplissent leur travail dans la vérité, la sérénité et l’apaisement pour régler ces problèmes qui enveniment nos relations politiques, le climat des affaires et la bonne entente9. »

On connaît la suite : Benjamin Stora a bien rendu son rapport en janvier 2021, honnête mais biaisé par son absurde cahier des charges de « réconciliation des mémoires »10, tandis qu’aucun rapport n’a été rendu du côté algérien. Et pour cause : les décideurs militaires algériens n’ont aucun intérêt à cette démarche, et ont tranquillement saboté les timides velléités affichées par le président Tebboune. D’abord et surtout parce que, comme le souligne l’historien Jean-Pierre Filiu, ils ne sont « pas favorables à un authentique travail de mémoire sur la “guerre de libération” anticoloniale, qui remettrait en cause la propagande officielle, fondamentale pour la légitimation des généraux algériens », lesquels se veulent les héritiers de l’Armée de libération nationale (ALN), le « bras armé de l’insurrection antifrançaise11 ». Mais aussi pour une autre raison, moins connue : ces généraux ne tiennent pas à ce que la divulgation des travaux des historiens révèle à quel point ils sont en réalité les héritiers de l’armée française elle-même. Plusieurs études ont en effet déjà bien documenté la façon dont les généraux putschistes de janvier 1992, plus tard qualifiés de « janviéristes », ont appliqué dans leur guerre contre les civils – qui n’était en rien une « guerre civile » entre républicains et islamistes – les méthodes qu’ils avaient apprises des militaires français ayant combattu les militants nationalistes pendant la guerre de libération de 1954 à 1962 : celles de la « doctrine de la guerre révolutionnaire », à base de « conquête des cœurs et des esprits », mais aussi de torture généralisée, de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de déplacements massifs de populations12.

Les officiels français n’ignorent évidemment pas cette réalité, comme l’avaient montré les déclarations du président Macron le 30 septembre 2021 qualifiant le régime algérien de « système politico-militaire fatigué » se légitimant par une « rente mémorielle » et une « histoire officielle […] qui repose sur une haine de la France »13. Ce sont précisément ces déclarations faites en privé mais révélées par Le Monde qui avaient suscité la grave crise diplomatique que la visite française d’août 2022 entendait résoudre. Cet impair de Macron, qui n’avait pas vocation à être rendu public, n’avait pourtant rien d’une reconnaissance des réalités des relations franco-algériennes. La reconnaissance sincère de cette histoire est d’autant moins à l’ordre du jour que cela impliquerait de rompre avec l’idéologie néocoloniale qui préside toujours aux interventions militaires de la France dans les territoires de ses anciennes colonies en Afrique, comme l’a démontré notamment l’échec catastrophique de l’opération Barkhane14. Engagée par un François Hollande toujours imprégné de cette idéologie anachronique, cette opération a été poursuivie par Emmanuel Macron, qui a dû piteusement y mettre fin face à ses résultats catastrophiques.

Mais ce dernier n’en a pour autant fini avec l’inconséquence de l’État français dans son rapport avec ses anciennes colonies (et dans la gestion des séquelles postcoloniales de cette histoire). Les déclarations de son président lors de sa visite algéroise d’août 2022 en témoignent encore. Dont la plus stupéfiante, prononcée le 26 août à Alger : entre la France et l’Algérie, a-t-il affirmé, « c’est une histoire d’amour qui a sa part de tragique », déclaration qui a bel bien « parachevé la droitisation de Macron sur la question mémorielle15 ».

Régime quasi-orwellien dans l’écriture de l’histoire du côté algérien, déni obstiné du colonialisme exterminateur du côté français, ce jeu de faux-semblants des gouvernements peut durer longtemps. Seules les mobilisations populaires permettront d’en sortir. Le hirak algérien de 2019 et 2020 s’est puissamment affirmé en ce sens. On espère qu’en France, les nombreux collectifs militants qui se mobilisent de longue date pour la reconnaissance des crimes coloniaux – comme le massacre du 17 octobre 1961 – pourront de même être enfin entendus.

Notes

1 Mais on le voit sur une autre photo de ce déjeuner publiée dans cet article : « Qui est le général-major Djebbar M’henna, nommé à la tête de la direction générale de la sécurité extérieure ? », Algérie Focus, 4 septembre 2022.

2 Voir Omar Benderra, « 2019-2020 : le pouvoir algérien face au Hirak », Algeria-Watch, 17 octobre 2020.

3 Pour une histoire détaillée de cette complicité, voir l’ouvrage de référence de Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Françalgérie, crimes et mensonges d’États, La Découverte, Paris, 2004.

4 Voir les documents du très complet Dossier Algérie établi par Algeria-Watch en 2016.

5 Voir « Qui est le général Saïd Chengriha ? Le témoignage de Habib Souaïdia », Algeria-Watch, 28 décembre 2019.

6 Voir Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum, Les Centres de torture et d’exécutions, Comité Justice pour l’Algérie, octobre 2003 ; et Habib Souaïdia, « En finir avec l’impunité des généraux criminels », Algeria-Watch, 11 janvier 2012.

7 « Les secrets de la valse des maîtres-espions de Tebboune », Africa Intelligence, 22 septembre 2022.

8 Voir « Emmanuel Macron et les crimes du colonialisme », Histoire coloniale et postcoloniale, 28 juillet 2022.

9 Pascal Airault, « Abdelmadjid Tebboune, président de l’Algérie : “Nous ne nous laisserons plus caporaliser par quiconque” », L’Opinion, 13 juillet 2020.

10 Voir « Des réactions de la part d’historiens en France au rapport de Benjamin Stora », Histoire coloniale et postcoloniale, 7 février 2021 ; et Salima Mellah, « La réponse cinglante du Hirak au “rapport Stora” », Algeria-Watch, 22 février 2021.

11 Jean-Pierre Filiu, « Les généraux algériens relancent la guerre des mémoires avec la France », Un si proche Orient, 4 avril 2021.

12 Voir Jérémy Rubenstein, Terreur et séduction. Une histoire de la doctrine de la « guerre révolutionnaire », chapitre 13, « Les bons élèves de la DGR en Algérie : la grande terreur d’État des années 1990 », La Découverte, Paris, 2022 ; sur les méthodes de la « sale guerre » des années 1990, voir l’ensemble très complet constitué par le Comité Justice pour l’Algérie à l’occasion de la session de novembre 2004 du Tribunal permanent des peuples consacrée aux violations des droits de l’homme en Algérie.

13 Marie Verdier, « Entre Paris et Alger, le chantier de réconciliation mémorielle mis à mal », La Croix, 4 octobre 2021.

14 Voir Rémi Carayol, Le Mirage sahélien. La France en guerre en Afrique. Serval, Barkhane et après ?, La Découverte, Paris, 2023.

15 Paul Max Morin, « Réduire la colonisation en Algérie à une “histoire d’amour” parachève la droitisation de Macron sur la question mémorielle »,Le Monde, 2 septembre 2022.

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الذكرى الحادية والثلاثون للانقلاب يناير 1992: الدروس المستخلصة من مأدبة غداء غريبة

BY AW · PUBLISHED JANVIER 29, 2023 · UPDATED FÉVRIER 1, 2023

فرنسوا جاز، 11 يناير 2023 | مترجم من ألجيريا ووتش | ترجمة رشيد زياني شريف

تميّزت سنة 2022 بتحسن واضح في العلاقات بين الحكومتين الفرنسية والجزائرية، وبدا ذلك خلال زيارة إيمانويل ماكرون رفقة وفد كبير إلى الجزائر العاصمة، في الفترة من 25 إلى 27 أوت. اعتبر الرئيس الفرنسي هذا اللقاء “تقدما تاريخيا”، في حين وصفه نظيره الجزائري بأنه “زيارة ناجحة جدًا”، وتم تخليده بصورة غير عادية، لمأدبة غداء، جمعت في 26 أغسطس، الرئيسين وأبرز قادة قواتهما الأمنية.

يظهر في الصورة، على يسار إيمانويل ماكرون، الجنرال بوركهارد، رئيس أركان الجيش الفرنسي؛ وعلى يمينه، سيباستيان ليكورنو، وزير الجيوش، وبرنارد إيمي، مدير المديرية العامة للأمن الخارجي (DGSE)، جهاز مكافحة التجسس الفرنسية. وعلى الجانب الجزائري، كان الرئيس عبد المجيد تبون محاطًا بأربعة ضباط سامين، على يساره اللواء جبار مهنة مدير المديرية العامة لمكافحة التخريب، منذ ديسمبر 2021 واللواء عبد الغني راشدي (لا يظهر في هذه الصورة لوكالة الأنباء الفرنسية (1)) مدير المديرية العامة للتوثيق والأمن الخارجي (DGDSE)؛ إلى يمينه، اللواء سعيد شنقريحة، قائد أركان الجيش الوطني الشعبي، واللواء جمال كحل مجدوب، مدير المديرية العامة للتوثيق والأمن الداخلي (DGDSI).

هذه الصورة مُتَمَيزة وتستمد أهميتها لسببين. إنها المرة الأولى التي يظهر فيها القادة العسكريون للنظام الجزائري إلى جانب “الرئيس الدمية” الذي يشكل واجهتهم المدنية والخاضع لأوامرهم. والأهم من ذلك، كان هذا الغداء على مستوى القمة، المرة الأولى التي يعترف فيها القادة الفرنسيون رسميًا بـ “الطبيعة المزدوجة” لهذا النظام القائم منذ أكثر من أربعين عامًا: من جهة، واجهة مدنية، ممثلة حاليًا بالرئيس تبون (“المنتخب” في ديسمبر 2019 بمقاطعة لا تقل عن 85٪ (2))، ومن جهة أخرى، السلطة الحقيقية التي يمارسها قادة الجيش والبوليس السياسي (الأمن العسكري بالأمس SM، ثم مديرية الاستعلامات والأمن DRS، والمُهَيكَلة اليوم في أجهزة مختلفة أقل ظهورًا لكن تظل مهيمنة على قلب السلطة).

في هذا اللقاء، كشف الرئيس الفرنسي وقادته العسكريون، بشكل جلي وعلني، خيوط التواطؤ طويلة الأمد التي تربط النخب الفرنسية ومنظومة الحكم العسكري المافيوي التي صادرت السلطة في الجزائر لعقود من الزمن (3). ولم يعد بإمكانهم اليوم التظاهر بأنهم يجهلون أن مُضيفيهم في 26 أوت هم الورثة المباشرون للجنرالات الذين يقودون المجموعة العسكرية التي خططت قبل ثلاثين عامًا، ونفذت الانقلاب العسكري في يناير 1992 الذي فتح أبوب “العشرية السوداء” الرهيبة على الجزائر، وما تبعها من حرب شاملة ضد المدنيين (4)، خاصة وأن اثنين على الأقل من الجنرالات الذين حضروا مأدبة الغداء هذه، كانا ضمن الفاعلين الناشطين في هذه “الحرب القذرة”، ومسؤولين مباشرين عن جرائم الحرب والجرائم ضد الإنسانية، مثلما تشهد بذلك العديد من الشهادات القوية الموثقة.

من بين هؤلاء، قائد أركان الجيش الوطني الشعبي نفسه، الجنرال سعيد شنقريحة، البالغ من العمر سبعة وسبعين عامًا (ربما أقدم قائد لجيش وطني في العالم، مثله مثل سلفه الجنرال أحمد قايد صلاح، الذي توفي في منصبه في ديسمبر 2019، عن التاسعة والسبعين من العمر). فوفقًا لشهادة الملازم السابق في القوات الخاصة حبيب سويدية، ارتكب سعيد شنقريحة العديد من الجرائم ضد المدنيين عندما تولى قيادة قطاع العمليات في البويرة في 1993 و1994، ثم في سيدي بلعباس وغرب الجزائر العاصمة ابتداء من عام 1996 (5). وكذلك جبار مهنة، عسكري سبعيني آخر، أحد أكثر الجنرالات الملطخة أيديهم بالدماء: في الفترة من 1991 إلى 1995، أدار مركز CTRI (المركز الإقليمي للأبحاث والتحقيقات) في البليدة، المعروف بسوء سمعته، والتابع لمديرية الاستعلام والأمن DRS، أحد مراكز التعذيب والاختفاء القسري، وقد مرّ بزنزاناته الآلاف من الضحايا (6)، ثم أدار بعد ذلك، من 1995 إلى 2013، المديرية المركزية لأمن الجيش (DCSA)، إحدى الهياكل الرئيسية للبوليس السياسي، مع الإشارة إلى أن حضوره في مأدبة الغداء مع ماكرون لم تكن مجرد صدفة، فقد شكل الجنرال جبار مهنة، رفقة مجموعة جنرالات مجرمين آخرين قادوا فيالق القوات الخاصة خلال “الحرب القذرة”، النواة الصلبة لمنظومة الحكم الفعلي التي تقود البلاد اليوم (والملفت للنظر، بعد أسبوع من مأدبة الغداء هذه، تم ترقيته مرة أخرى، وأصبح مدير DGDSE مكان الجنرال راشدي). إلى جانب ذلك، يعرف عنه أنه “مولع بالفرنكوفونية وعلى اتصال وثيق بدوائر المخابرات الفرنسية”، أمرٌ كان يعرفه بالطبع رئيس DGSE برنارد إيمييه، السفير الفرنسي السابق في الجزائر (2014-2017)، أحد الضيوف أيضا في مأدبة غداء القمة (7).

تقديم “مصالحة الذاكرات” لتجنب الاعتراف بجرائم الاستعمار

هذه الاختزالات الزمنية المُخلة، تساعد على تفسير مكمن الصعوبات التي واجهتها السلطات الفرنسية والجزائرية، في معالجة أحد الملفات الأساسية التي كان من المفترض تحريكها وتحقيق تقدم في حلها أثناء زيارة الرئيس ماكرون في أوت 2022، يتعلق الأمر بملف “مصالحة الذاكرات” حول تاريخ الاستعمار والحرب التحريرية.

في فبراير 2017، أحيى المرشح ماكرون الكثير من الآمال في نفوس الجزائريين عندما أكد في الجزائر العاصمة أن الاستعمار الفرنسي للجزائر كان “جريمة ضد الإنسانية” (8)، لكن لا بد من الاعتراف، أنه بمجرد انتخابه، أصبح واضحًا أن قراراته بشأن هذه المسألة باهتة وبعيدة كل البعد عن تعزيز مطلب الاعتراف الأساسي بالجرائم الاستعمارية للجمهورية الفرنسية – باستثناء اعترافه بمسؤولية الجيش الفرنسي في اغتيال المناضل الشيوعي موريس أودين والمحارب الوطني علي بومنجل عام 1957، اعتراف مرحب به، لكنه لا يرقى إلى ما كان يُنتظر منه.

اختار الرئيس الفرنسي في واقع الأمر، طريقًا محفوفًا بالمخاطر وغير مجدٍ في آن واحد. وحرصًا منه على عدم استعداء الفئات التي لا تزال تحنّ إلى “الجزائر الفرنسية”، فضّل ماكرون الطريق الخطير المتمثل في “المصالحة” بين الذاكرات الفرنسية والجزائرية، في حين أن الجرائم الاستعمارية هي أولًا وقبل كل شيء شأنٌ فرنسي–فرنسي، وبناءً عليه، تقدّم باقتراح “التعاون في مجال الذاكرات” في يوليو 2020 إلى الرئيس تبون، الذي قبله موضحًا “لقد ناقشنا هذه المسألة مع الرئيس ماكرون. إنه يعرف جيدًا الأحداث التي ميّزت تاريخنا المشترك. وقد تم تعيين المؤرخ بنيامين ستورا للقيام بهذا العمل التذكاري على الجانب الفرنسي. إنه شخصية صادقة، يعرف الجزائر وتاريخها من فترة الاحتلال حتى اليوم. وسنقوم من جانبنا بتعيين نظيره خلال 72 ساعة. وستعمل هاتان الشخصيتان مباشرة تحت إشرافنا. نأمل أن ينجزا عملهما بحثًا عن الحقيقة وفي جوّ من الطمأنينة والسكينة لحلّ هذه المشاكل التي تسمّم علاقاتنا السياسية وتعرقل مناخ الأعمال والتفاهم الجيد » (9).

باقي القصة معروف: قدّم بنيامين ستورا تقريره في يناير 2021، كان تقريرًا صادقا لكن منحازًا نظرًا لتقيّده بالمواصفات العبثية للمفروضة على ملف “مصالحة الذاكرات” (10)، أما على الطرف الآخر، فلم يقدّم الجانب الجزائري أيّ تقرير. وسبب ذلك جليّ، ليس من مصلحة صنّاع القرار العسكريون الجزائريون، خوض مثل هذا المسار، وبالتالي، عمدوا بهدوء وثبات على تعطيل المبادرات الخجولة التي تبنّاها تبون، والسعي إلى إجهاضها. هؤلاء القادة العسكريون لا يتحمّسون للموضوع، أولًا وقبل كل شيء لأنهم، كما بيّنه المؤرخ جان بيير فيليو، “لا يساعدهم ولا يخدم مصالحهم إجراء أي عمل جادّ في مجال الذاكرة حول ‘حرب التحرير‘ ضد الاستعمار، من شأنه أن ينسف الدعاية الرسمية، التي تشكل الركن الأساسي والدعامة التي يستمد منها الجنرالات الجزائريون شرعيتهم”، ويتقمّصون بها صفة ورثة جيش التحرير الوطني، ”الذراع العسكري للحرب التحررية ضد فرنسا“ (11). لكن ليس هذا فحسب، فهؤلاء الجنرالات يقفون ضد أي عمل جدي يتطرق للذاكرة، لسبب آخر، لا يعرفه إلا القليل، لا يريدون أن تكشف أعمال المؤرخين المستور، وتغوص في صفحات تلك المرحلة، لتبين إلى أي مدى كانوا في واقع الأمر ورثة الجيش الفرنسي نفسه. بالفعل هناك العديد من الدراسات، الموثقة بشكل جيد، التي كشفت الطريقة التي اتبعها الجنرالات الانقلابيون في يناير 1992 (أصبحوا يعرفون لاحقًا باسم “اليناريين”)، في حربهم ضد المدنيين – حربٌ لم تكن في الواقع “حربًا أهلية” بين الجمهوريين والإسلاميين كما يدعون – وأوضحت هذه الدراسات الأساليب التي تعلموها من العسكريين الفرنسيين أثناء حرب التحرير من 1954 إلى 1962، ضمن ما يُعرف بـ “عقيدة الحرب الثورية”، القائمة على “استمالة القلوب والعقول”، لكن معها أيضًا ممارسة التعذيب على نطاق واسع فضلًا عن الاختفاء القسري والإعدام خارج نطاق القانون والتهجير الجماعي للسكان (12).

المسؤولون الفرنسيين يعلمون بكل تأكيد هذه الحقيقة، كما أوضحتها تصريحات الرئيس ماكرون في 30 سبتمبر 2021 عندما وصف النظام الجزائري بأنه “نظام سياسي عسكري متعَب” يضفي على نفسه شرعية من خلال توظيف “ريع الذاكرة” وتوظيف “تاريخ رسمي […] يقوم على كراهية فرنسا“ (13). هذه التصريحات على وجه الخصوص، التي أدلى بها ماكرون على انفراد قبل أن تسرّبها صحيفة لوموند، هي التي أذكت الأزمة الدبلوماسية الخطيرة، التي كان من المفترض أن تسهم الزيارة الفرنسية للجزائر في أوت 2022 في حلها أو التخفيف من حدتها. هذه الهفوة من ماكرون، التي لم يكن من المفترض أن تُنشر على الملأ، تظل مع ذلك، بعيدة عن الاعتراف بحقيقية العلاقات الفرنسية الجزائرية. ضف إلى ذلك، أن الاعتراف الصادق بهذا التاريخ لم يكن أصلًا ضمن بنود جدول أعمال اللقاء، لأن مثل ذلك الاعتراف يقتضي بداهة قطع الصلة بالأيديولوجية الاستعمارية الجديدة التي لا تزال تحكم التدخلات العسكرية الفرنسية في أراضي مستعمراتها السابقة في أفريقيا، كما يكشف عنه على وجه الخصوص الفشل الذريع لعملية برخان (14). ورغم أن هذه العملية العسكرية كان فرانسوا هولاند، هو من بدأها، إلا أن إيمانويل ماكرون استمر فيها، قبل ان يضطر إلى وضع حد لها بشكل كارثي، نظرًا لما تمخّض عنها من نتائج بائسة.

ومع ذلك، لم يضع ماكرون، حدًا للسياسات المتضاربة والخاطئة للدولة الفرنسية في علاقتها مع مستعمراتها السابقة (وفي إدارة مخلفات الاستعمار لهذا التاريخ)، وتأتي تصريحات رئيس فرنسا خلال زيارته إلى الجزائر العاصمة في أوت 2022 لتشهد على ذلك، وأكثرها ذهولًا، ما صرّح به يوم 26 أوت بالجزائر العاصمة، عند قوله “بين فرنسا والجزائر، هناك قصة حب، لها نصيبها من المأساة”، وكان هذا التصريح عمليًا مؤشرًا عن “توّجه ماكرون يمينًا، فيما يتعلق بمسألة الذاكرة” (15).

نحن في الواقع أمام أسلوب شبه أورويلي في كتابة التاريخ على الجانب الجزائري، وإنكار عنيد ومستميت للنزعة الاستعمارية الاستئصالية، من الجانب الفرنسي. وهذا التلاعب من الجانبين، الذي يهدف في الحقيقة إلى تجنّب مواجهة الحقائق وتحمّل المسؤولية عنها، يمكن للأسف أن يستمر طويلًا، ولن يضع له حدًا، سوى التعبئة الشعبية على الضفتين. أثبت الحراك الجزائري لعامي 2019 و2020 نفسه بقوة وعمل في هذا الاتجاه، ويحذونا الأمل أن يُسمع في فرنسا أيضًا صوت العديد من الجماعات المناضلة التي ما فتئت تطالب منذ فترة طويلة، بالاعتراف بالجرائم الاستعمارية – مثل مذبحة 17 أكتوبر 1961.

الهوامش

(1) Mais on le voit sur une autre photo de ce déjeuner publiée dans cet article : « Qui est le général-major Djebbar M’henna, nommé à la tête de la direction générale de la sécurité extérieure ? », Algérie Focus, 4 septembre 2022.

(2) Voir Omar Benderra, « 2019-2020 : le pouvoir algérien face au Hirak », Algeria-Watch, 17 octobre 2020.

(3) Pour une histoire détaillée de cette complicité, voir l’ouvrage de référence de Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Françalgérie, crimes et mensonges d’États, La Découverte, Paris, 2004.

(4) Voir les documents du très complet Dossier Algérie établi par Algeria-Watch en 2016.

(5) Voir « Qui est le général Saïd Chengriha ? Le témoignage de Habib Souaïdia », Algeria-Watch, 28 décembre 2019.

(6) Voir Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum, Les Centres de torture et d’exécutions, Comité Justice pour l’Algérie, octobre 2003 ; et Habib Souaïdia, « En finir avec l’impunité des généraux criminels », Algeria-Watch, 11 janvier 2012.

(7) « Les secrets de la valse des maîtres-espions de Tebboune », Africa Intelligence, 22 septembre 2022.

(8) Voir « Emmanuel Macron et les crimes du colonialisme », Histoire coloniale et postcoloniale, 28 juillet 2022.

(9) Pascal Airault, « Abdelmadjid Tebboune, président de l’Algérie : “Nous ne nous laisserons plus caporaliser par quiconque” », L’Opinion, 13 juillet 2020.

(10) Voir « Des réactions de la part d’historiens en France au rapport de Benjamin Stora », Histoire coloniale et postcoloniale, 7 février 2021 ; et Salima Mellah, « La réponse cinglante du Hirak au “rapport Stora” », Algeria-Watch, 22 février 2021.

(11) Jean-Pierre Filiu, « Les généraux algériens relancent la guerre des mémoires avec la France », Un si proche Orient, 4 avril 2021.

(12) Voir Jérémy Rubenstein, Terreur et séduction. Une histoire de la doctrine de la « guerre révolutionnaire », chapitre 13, « Les bons élèves de la DGR en Algérie : la grande terreur d’État des années 1990 », La Découverte, Paris, 2022 ; sur les méthodes de la « sale guerre » des années 1990, voir l’ensemble très complet constitué par le Comité Justice pour l’Algérie à l’occasion de la session de novembre 2004 du Tribunal permanent des peuples consacrée aux violations des droits de l’homme en Algérie.

(13) Marie Verdier, « Entre Paris et Alger, le chantier de réconciliation mémorielle mis à mal », La Croix, 4 octobre 2021.

(14) Voir Rémi Carayol, Le Mirage sahélien. La France en guerre en Afrique. Serval, Barkhane et après ?, La Découverte, Paris, 2023.

(15) Paul Max Morin, « Réduire la colonisation en Algérie à une “histoire d’amour” parachève la droitisation de Macron sur la question mémorielle », Le Monde, 2 septembre 2022.

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