Les wâlî-l-amr (les détenteurs de l’autorité)

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Tahar GaidPar Tahar Gaïd

 

Un verset coranique et plusieurs hadîths font référence aux wâlî-l-amr et à l’obéissance qui leur est due. C’est le verset 59 de la sourate 4 qui les mentionne à la suite de l’obéissance à Dieu et au Prophète : « Obéissez à Dieu, Obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le pouvoir. ». Quant aux hadîths, je n’en citerais qu’un seul pour le moment, celui qui apporte une précision complémentaire sur la catégorie sociale du détenteur d’une autorité: «  Ecoutez et obéissez au détenteur de l’autorité combien même serait-il un esclave abyssin dont la tête ressemble à une  raison sec. »

 

Des exégèses ont clarifié la catégorie de gens qui remplissent cette fonction des Wâlî-l-amr. Dans cette perspective, Tabari, auteur d’un volumineux commentaire du Coran, a donné quatre explications du verset cité plus haut, à propos de ceux qui détiennent l’autorité. Cependant, son explication se limite aux premiers temps de l’islam. C’est pourquoi, leur application est désuète. Qui sont-ils donc ?

 

1 – Les émirs et les gouverneurs.

2 – Les gens de science.

3  – Les Compagnons du Prophète.

4 – Abû Bakr et ‘Umar

 

            Examinons le verset coranique qui précise le critère du pouvoir dans sa globalité : Le verbe « obéir » est employé avec Dieu et avec le Prophète. Il n’est pas répété avec « ceux qui détiennent le pouvoir. » Pourquoi cette amputation ?

 

            Les Wâli-l-amr ont pour tâche, d’une part,  l’exercice du pouvoir de Dieu, c’est-à-dire l’application du Coran, et, d’autre part, le pouvoir détenu par le Prophète (p.p), à savoir sa sunnah. Quant à ceux qui détiennent le pouvoir, les musulmans leur doivent obéissance « dans la gêne comme dans l’aisance, dans ce qu’ils aiment et dans ce qu’ils détestent », énonce le Prophète (p.p). Cependant cette obéissance est exigée dans la mesure où ces Wâlî-l-amr se conforment aux prescriptions divines et aux traditions prophétiques. Dans le cas contraire, cette obéissance n’est plus ordonnée.

 

Nous constatons que cette obéissance à ceux qui détiennent l’autorité n’est pas systématique. En effet, leurs commandements se répartissent en trois catégories :

 

1 – Lorsqu’ils ordonnent ce que Dieu a ordonné. Dans ce contexte, l’obéissance est obligatoire parce qu’en vérité l’ordre provient de Dieu. En effet, ils ne font qu’appliquer le commandement du convenable et l’interdiction du blâmable. Le Prophète (p.p) a dit : « L’obéissance ne se fait que dans le convenable ».

 

2 – Lorsqu’ils ordonnent d’obéir à une politique qui s’oppose aux enseignements coraniques et prophétiques. Leur comportement signifie clairement la désobéissance à Dieu et à Son Messager (p.p). A ce moment, il n’y a pas d’obéissance aux gouverneurs quels qu’ils soient dès lors qu’eux-mêmes désobéissent à Dieu et à Son Prophète (p.p).

 

3– Lorsqu’ils administrent, en dehors du Coran et de la Sunnah, des lois qui ne contredisent pas la religion de Dieu. Dans ce cas spécifique, leur obéissance devient obligatoire aussi longtemps qu’ils ne tombent pas dans le péché. Le Prophète (p.p) a dit : « Pas d’obéissance à la créature qui désobéit à Dieu ».

 

Nous nous retrouvons dans l’optique des mesures mécréantes qui sont prises par ceux qui détiennent l’autorité. Si l’acte de mécréance est clair comme le fait d’autoriser le peuple à consommer l’alcool, à permettre l’homosexualité, la fornication etc. Ici, la mécréance est manifeste. Dans cette situation de mécréance sans équivoque, il n’y a pas d’obéissance. C’est plutôt leur destitution qui est préconisé.

 

La gouvernance contemporaine

 

Adoptons ces trois cas de figures et examinons le rôle du pouvoir, complexe dans sa diversisté, dans les temps contemporains.

 

Le pouvoir exercé par les wâlî-l-amr n’est pas toujours politique. Il est clair que de nos jours, l’Etat de droit n’est plus le seul cadre de cette autorité. Il peut être économique, militaire, voire même religieux. Toutes les sociétés humaines connaissent des rapports de commandement/obéissance. Des individus individuellement ou des groupes d’individus collectivement peuvent exercer un pouvoir de commandement et d’orienter le comportement des collectivités à l’échelle locale, régionale ou nationale. Dans ce dernier cas, les wâlî-l-âmr élaborent des règles auxquelles l’ensemble de la société doit obéir dans la mesure de leur conformité avec la Loi divine.

 

L’obéissance s’obtient soit :

 

1 – par la légitimité : celui ou ceux qui exercent le pouvoir donnent des ordres et prescrivent des comportements en conformité avec le Coran et la Sunnah.

 

2 – par la contrainte : celui ou ceux qui détiennent l’autorité peuvent utiliser divers procédés, y compris de recourir à la force, pour faire appliquer leur politique d’iniquité, faire donc aboutir leur volonté qui ne se fonde pas sur la légitimité.

 

Les détenteurs de l’autorité (les wâlî-l-iamr) recourent parfois aux deux procédés : légitimité et contrainte. Ainsi, les gouvernés acceptent que les gouvernants exercent sur eux une politique donnée. L’obéissance est fondée sur la reconnaissance du caractère légitime des ordres prescrits. Les gouvernés considèrent l’intervention des gouvernants comme légitime. Cependant une décision des gouvernants, bien que légitime, peut être contestée par un groupe d’individu, les gouvernants imposent alors l’obéissance par la contrainte. Un pouvoir légitime n’est pas un pouvoir sans violence.

 

Le pouvoir détenu par les Wâli-l-âmr est organisé par des règles écrites qui définissent les droits et les devoirs  des gouvernants et des gouvernés. Les gouvernants agissent selon les normes éditées par le coran et la Sunnah. Toute transgression menacerait la légitimité à exercer le pouvoir tandis que les gouvernés ne sont tenus d’obéir que dans la limite de la réglementation du pouvoir inspiré par les textes fondamentaux de l’islam.

 

Les Wâli-l-amr peuvent gouverner dans le calme s’ils ont été choisis par des procédures conformes à la constitution dont aucun article ne contredit les deux principales sources de la légitimité. On remarquera une forme de dépersonnalisation dans l’exercice du gouvernement. En effet, l’obéissance est due à des règles et des fonctions plus qu’à des individus. De toute façon la légitimité de l’Etat repose sur le fait qu’il se soumet lui aussi à des règles de droit coranique jugées comme universelles et qu’il se soumet au contrôle de la juridiction constitutionnelle. Lorsque les Textes fondamentaux ne se prononcent pas sur un sujet donné, la gouvernance traditionnelle repose sur la coutume et la tradition. Elle fonde son autorité sur l’obéissance à des coutumes ancestrales qui ne gênent pas les règles légales de la légitimité.

 

La légitimité accordée aux Wâli-l-amr n’est pas acceptée durablement. Elle fait l’objet d’un travail constant d’accréditation et de ressourcement. L’élection constitue un procédé de légitimation. Aussi, les détenteurs du pouvoir doivent-ils rechercher constamment l’adhésion du peuple.

 

Dans les sociétés contemporaines, les systèmes politiques auxquels sont confrontés les Wâli-l-amr sont complexes. Conception pluraliste des pouvoirs, diversité des intérêts, autonomie des organisations influençant le pouvoir de l’extérieur, combinaison de différentes alliances, affrontement de multiples oppositions entre des groupes différents etc. Comment gouverner dans ces conditions ? Il existe une grande diversité des modes d’action des gouvernants. Deux aspects fondamentaux les résument : les wâli-l-amr, en gouvernant et négociant, font face à un certain nombre de confrontation, d’une part, et agissent sur les réalités objectives qui se présentent à eux.

 

Ce sont là seulement les grandes lignes de la politique traditionnelle et contemporaine exercée par les Wâlî-l-amr. Il appartient aux lecteurs de les débattre, d’apporter des compléments et de détailler tous les aspects.

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A la lumière de ces explications, il est possible de situer les Etats musulmans dans la rubrique qui leur convient. A l’exception de l’Indonésie, qui pratique la démocratie, la Malaisie dans une certaine mesure, la Turquie  aussi mais qui mène parfois un politique répressive et autoritaire, les autres Etats sont des régimes despotiques et autoritaires, y compris l’Arabie Séoudite, rigoriste dans sa politique religieuse, mais éloignée de ces trois grands principe de la charî’a : Liberté, égalité et justice.

 

           

 

1 COMMENTAIRE

  1. Merci pour cette contribution qui « situe effectivement les etats musulmans dans la rubrique qui leurs convient  » et souvent qui leur est imposee comme c est notre cas!! c est un theme tres delicats qui nous interpelle tous en tant que musulmans qui subissons a ce jour les derives totalitaires de regimes qui nous empechent d apprehender avec serenite mais aussi avec la rigueur qu il faut notre mode d organisation et notre mode de developpement a la lumiere de notre culture et de notre religion loin de l usage de terminologies pas du tout innocentes…………..

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