Aliénations du Discours Islamique.

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Malek Bennabi

‘’La tâche des penseurs, est de mener une lutte intellectuelle libératrice pour sauvegarder la dignité humaine du libéralisme sauvage; la justice et l’égalité de la tyrannie du Despotisme ; et la religion du Dogmatisme.‘’ Ali Shariati (Sociologue Iranien 1933-1977)

Penser la vie, c’est parvenir à cette lucidité sur soi et le monde qui ne masque rien du négatif et l’accepte sans résignation.

Penser la vie c’est surtout parvenir à vivre avec cette lucidité sur la vie.

L’art est un des médiums par lequel une vision tragique de la vie peut s’exprimer et prendre corps au delà des religions et philosophies toutes époques confondues
Dans cette vision, l’art est donc loin d’être un divertissement, un aimable passe-temps, il est l’activité métaphysique par excellence, ce à travers quoi se révèle pour l’être humain la dimension tragique de toute existence, il est la pierre de touche où se confronte la subjectivité dans sa capacité à affronter la dureté de la vie.

Dans une telle perspective, l’art partie prenante de l’activité humaine permet une réconciliation avec le tout originaire et dans le même temps de prendre conscience et de supporter cette évocation tragique de la vie.

Dans sa forme la plus pure, l’art est lié essentiellement à une recherche existentielle, il prend sens dans cette perspective.

Le discours islamique en vogue est au antipode d’une telle vision et perspective sur l’art en général et sur toute activité artistique en particulier.

Sur le plan esthétique, ce discours islamique aliéné et aliénant, renonçant à abolir la sensualité, s’est contenté de la réduire à des formes mineures : poésie chantée et architecture religieuses, calligraphie et jardins.

Mais c’est surtout sur le plan moral, qu’on se heurte à la même équivoque d’une tolérance affichée en dépit d’un prosélytisme dont le caractère compulsif est évident.

En fait sous l’influence du discours islamique en vogue, le contact des musulmans avec des non-musulmans les angoisse. Leur genre de vie provincial se perpétue sous la menace d’autres genres de vie, plus libres et plus souples que le leur, et qui risquent de l’altérer par la seule contigüité.

Plutôt que parler de tolérance, il vaudrait mieux dire que cette tolérance, dans la mesure où elle existe, est une perpétuelle victoire sur eux-mêmes. En la préconisant, le discours islamique a placé les musulmans dans une situation de crise permanente, qui résulte de la contradiction entre la portée universelle de la révélation et l’admission de la pluralité des fois religieuses.

Il y a là une situation paradoxale au sens pavlovien, génératrice d’anxiété d’une part et de complaisance en soi-même de l’autre, puisqu’on se croit capable, grâce à ce discours islamique, de surmonter un pareil conflit.

En vain, d’ailleurs : car il faut remarquer que si les musulmans tirent vanité de ce qu’ils professent la valeur universelle de grands principes : liberté, égalité, tolérance ; sous l’influence du discours islamique dogmatique, ils révoquent le crédit à quoi ils prétendent en affirmant du même jet qu’ils sont les seuls à les pratiquer.

A entendre les Ulémas vanter la supériorité du système que le discours islamique véhicule, il est sidérant de constater avec quelle insistance ils reviennent à un seul argument : sa simplicité.

Tout le discours islamique semble être, en effet, une méthode pour développer dans l’esprit des musulmans des conflits insurmontables, quitte à les sauver par la suite en leur proposant des solutions d’une très grande (mais trop grande) simplicité. D’une main on les précipite, de l’autre on les retient au bord de l’abîme.

Cette attitude livresque, cet esprit utopique, et cette conviction obstinée dans le discours islamique selon lequel il suffit de trancher les problèmes sur le papier jaunie d’une interprétation hors contexte historique pour en être débarrassé est l’attribut principale de son intellect dogmatique.

Evacuant tout rationalisme juridique et formaliste, ce même discours construit pareillement une image du monde et de la société où toutes les difficultés sont justiciables d’une logique artificieuse, sans se rendre compte en lui même que l’univers ne se compose plus des objets dont il parle.

En conclusion, il faut dire que l’Islam à travers le discours islamique en vogue est resté figé dans sa contemplation d’une société qui fut réelle il y a quatorze siècles, et pour laquelle il a put concevoir alors des solutions efficaces.

Mais aujourd’hui ce discours n’arrive plus à penser hors des cadres de cette époque révolue, qui fut celle où il sut s’accorder à l’Histoire ; Histoire qui a progressé depuis.

Khaled Boulaziz

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