L'histoire Tumultueuse du MCB

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Le Mouvement Culturel Berbère (MCB) a vécu, durant sa période de clandestinité, plus au moins en harmonie. Du moins, pourrait-on dire, les querelles furent étouffées. La division intervint véritablement après la démocratisation, survenue au forceps, suite aux événements tragiques d’octobre 1988. Bien que le régime ait souhaité une ouverture à l’intérieur du système, l’ampleur des manifestations le poussa à lâcher plus de lest. En effet, depuis l’indépendance, et c’est le moins que l’on puisse dire, le mouvement d’octobre vacilla considérablement les bases du régime. Du coup, ce dernier était contraint d’écouter, pour la première fois, la voie de la rue.
Après l’adoption de la nouvelle constitution, il y eut l’aménagement des lois sur le régime associatif permettant aux Algériens de créer des associations culturelles et politiques. Cette mesure fut diversement interprétée par les animateurs du MCB. Du coup, les partisans de l’ouverture subirent des brutalités innommables. Celui qui a subi un lourd tribut fut incontestablement le chanteur populaire, MATOUB Lounes. A Ain El Hammam, ex-Michelet, ce militant du MCB reçut une rafale le blessant grièvement. Son tort peut être résumé comme suit: il distribua des tracts appelant les citoyens à manifester comme le faisaient les Algériens à travers les quatre coins du pays. Paradoxalement, les amis  de Saïd Sadi, Nourredine Ait Hamouda en tête, firent tout pour juguler ces manifestations.
Ainsi, au moment où l’agitation se propageait telle une trainée de poudre, ces militants, selon Alain Mahé dans «Histoire de la Grande Kabylie», ne ménagèrent pas leurs efforts pour dissuader la population de se joindre à la contestation. Pour étayer cette thèse, Alain Mahé cite un article de journal où Ait Hamouda rendit compte de la position de son groupe: «Au même moment –le 15 octobre 1988 -, dans un article paru dans le journal le Monde, Nourredine Ait Hamouda, s’exprimant au nom de ses camarades, revendiqua le contrôle de la situation en Kabylie lors des émeutes d’octobre et appela la population à soutenir Chadli Bendjedid».
Heureusement, cette stratégie ne fit pas long feu. La Kabylie rebelle soutint, de façon indéfectible, les revendications légitimes d’ouverture politique. Le MCB fut, hormis quelques chefs, au diapason de la lutte pour la démocratie en Algérie. Et cette opposition a failli mettre fin à son existence. En tout cas, son histoire fut l’addition de coups tordus assenés par le pouvoir et de ceux qui l’utilisait pour satisfaire leur égo. A l’image de l’Algérie qui se cherchait, ce mouvement ne dérogeait point à cette règle. Quels étaient alors les moments ayant marqué son parcours ? C’est ce que j’essayerai de développer dans cette modeste contribution.
1-      La période de clandestinité
Dans les années soixante-dix, toute expression politique, en dehors du parti unique et du PAGS pour son « soutien critique », fut interdite. La répression touchait tous les segments de la société. La sécurité militaire (SM) fut omniprésente et omnisciente. Ainsi, bien que le climat politique ne permette pas de militer, les opposants s’organisèrent clandestinement. La revendication culturelle berbère n’échappait pas à ce schéma. Selon Alain Mahé : «De fait, dès 1974, ceux qui allaient jouer un rôle moteur dans le printemps berbère entrèrent en contact en France avec le parti d’Aït-Ahmed. Les premières rencontres eurent lieu en 1974 entre Ramdane Sadi, Hend Sadi, Nait Djoudi, Ali Mécili, Mouhoub Nait Maouche et Aït-Ahmed. Le rapprochement se fit progressivement.
En 1978, Saïd Sadi s’imposa comme le responsable du FFS pour le territoire algérien en négociant l’entrée collective au FFS d’un certain nombre de militants du Mouvement Culturel Berbère. De la même façon, ce fut encore lui qui, au printemps 1982 et sans concertation préalable avec ses camarades, décida de leur départ du parti d’Aït-Ahmed. Ces procédés autoritaires, tout en consolidant l’emprise de Sadi sur ses troupes, ne manquèrent pas, par ailleurs, de créer un malaise parmi les militants… » Conjuguées aux méthodes répressives du pouvoir, ces dissensions entravèrent la lutte et générèrent la démobilisation de la population.
En 1980, l’interdiction de la conférence que devait animer Mouloud Mammeri à l’université de Tizi-Ouzou favorisa l’union de toutes les composantes. En effet, plusieurs courants se regroupèrent pour donner naissance au 1er printemps berbère d’avril 1980. Bien que le rôle du FFS ait été incontournable, la participation de la société civile fut décisive. Grisée par quelques victoires, notamment la libération des 24 détenus de Berrouaghia,  la population croyait à un retournement de la situation. Hélas, le problème de leadership freina le mouvement dans son élan. Ainsi, avant les événements de Bejaïa en mai 1981, le pouvoir algérien adopta, selon Alain Mahé, une tactique d’apaisement qui allait renforcer le sentiment des militants et des sympathisants du mouvement d’avoir renversé le rapport des forces en leur faveur.
En effet, l’organisation d’un séminaire à Yakouren en été 1980 fut interprété comme une victoire sur un pouvoir jusque-là hermétique. La Wilaya de Tizi Ouzou, en signe de réconciliation, prit en charge les dépenses inhérentes à cette rencontre. Mais une fois la tension fut tombée, le régime, fidèle à sa politique répressive, retourna à ses méthodes autoritaires. En effet, étant pourvoyeur de postes, les autorités décidèrent d’éloigner les militants exerçant dans les secteurs tels que l’enseignement et la santé. A l’égard des étudiants en fin de cycle, le pouvoir recourut à la conscription.
Pour Alain Mahé: «La conscription, qui touchait les étudiants ayant achevé leurs études; l’insertion progressive des autres dans la vie professionnelle et, enfin, l’éloignement des enseignants en détachement ou de médecins qui établissaient leurs cabinets privés hors de Tizi Ouzou. De telle sorte que pour toutes ces raisons,  les années 1982, 1983 et 1984 représentent le creux de vague de la mobilisation amorcée en 1980. Au terme de cette période marquée par une certaine désaffection des populations, les effectifs du groupe de militants actifs avaient fondu ». Cependant, bien que les militants aient en face un régime répressif, ceux-là ont toujours été divisés sur certaines questions.
2-      Un combat sur fond de division
Les militants proches du FFS tentèrent, à partir de 1984, la remobilisation de la population. Pour y parvenir, ils multiplièrent les initiatives. Les textes publiés dans la revue Tafsut en témoignèrent. Pour rappel, cette revue avait été fondée quelques mois après les événements d’avril 1980 par des militants du FFS. L’année suivante, c’est-à-dire à partir de l’année 1985, le MCB ne fut plus le seul mouvement dans la région activant sur le terrain. Plusieurs organisations virent le jour. Selon Alain Mahé: «Un comité des enfants de martyrs fut créé dans la perspective de désenclaver la revendication berbère. Ce comité regroupait des enfants de martyrs dont certains étaient engagés dans le mouvement culturel berbère. L’enrichissement rapide notoire de certains de ses membres après 1992 ne manque pas de ternir l’image de l’association dans la population kabyle ». Toutefois, en 1985, certains de ses membres payèrent un lourd tribut. En février 1985, plusieurs membres de ce comité avaient été emprisonnés par le régime pour avoir voulu participer au séminaire sur l’histoire du mouvement  national organisé par le FLN. L’action conjointe du MCB avec cette association aboutit à leur libération.
Cependant, l’organisation qui rassemblait l’ensemble des militants fut indubitablement la ligue algérienne des droits de l’homme. Créée en juillet 1985, elle multiplia les initiatives. En effet, dès le 5 juillet, à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance, ayant notamment provoqué l’arrestation de plusieurs membres de l’association des fils de martyrs dont le tort était de vouloir déposer une gerbe de fleurs au cimetière de M’douha à la mémoire de leurs parents, les militants de la ligue déployèrent des efforts incalculables pour obtenir la libération de tous les militants incarcérés. Hélas, la nature répressive du régime algérien ne fit qu’envenimer la crise. Ainsi, son président Ali Yahia Abdenour et son secrétaire général Mokrane Ait Larbi furent, à leur tour, emprisonnés. Bien que les rescapés aient tenté vaille que vaille d’obtenir leur libération, le régime était déterminé à les maintenir en prison. En outre, ces arrestations tombèrent au mauvais moment. Car ces actions furent entreprises en période des vacances scolaires.
En août 1985, ce fut au tour de Saïd Sadi et Saïd Doumane d’être arrêtés. Toutefois, en dépit de la saignée, le mouvement ne s’arrêta pas pour autant. En attendant le retour des étudiants, véritable locomotive des mouvements de contestation, à l’université,  les militants en liberté maintinrent une certaine cadence. Cette situation déplut à Saïd Sadi. Pour Alain Mahé : « Dans le courant de septembre, quelques semaines après son arrestation, Saïd Sadi envoie aux militants de Tizi Ouzou restés libres une lettre cautionnée par la majorité de ses compagnons de geôle. Dans cette lettre, Saïd Sadi leur demandait de ne plus associer aux prises de décision deux de leurs camarades qu’il accusait d’entraver le travail de mobilisation pour la libération des détenus. Les destinataires n’obtempérèrent pas à cette injonction qui raidit l’attitude des personnes mises en cause autant celle de leurs camarades. Ces derniers ne continuèrent pas moins à poursuivre leur travail de mobilisation en faveur des prisonniers et à soutenir leurs familles ». Tout compte fait, cet épisode ne dissuada pas les militants du MCB.
Dès septembre 1985, des réunions eurent lieu entre ceux-ci et les comités de lycéens et d’étudiants.  Elles se tinrent dans un appartement (Le 612), à Tizi Ouzou, appartenant à Saïd Doumane. Ce militant avait mis gracieusement son appartement à la disposition des militants du MCB. Quatre militants, connus de la population pour leur engagement,  s’y installèrent.  Il s’agit de Ramdane Achab, Arab Aknine, Lounis Aggoun et Ahcene Taleb. Leur travail de mobilisation aboutit quelques mois plus tard aux premières libérations. Mokrane Ait Larbi fut le premier à être libéré. Il fut chargé, selon Alain Mahé, par Saïd Sadi de prendre la tête des militants de Tizi Ouzou. Or cette façon ne fut pas du goût des militants. Ils l’interprétèrent comme un acte autoritaire. Du coup, ils refusèrent d’entériner cette décision. Cela provoqua par conséquent la scission.
Pour Alain Mahé: «le premier (groupe) était formé de militants qui avaient contesté ce qui était pour eux un énième acte d’autoritarisme et le second rassemblait des détenus rejoints par quelques militants du comité des enfants de martyrs acquis à Saïd Sadi». Et lorsque la libération de ce dernier intervint en 1987, la division fut irréversible. Les deux groupes se regardaient désormais en chiens de faïence. Bien que la division n’ait pas provoqué la paralysie du mouvement, la mobilisation allait à vau l’eau. Toutefois, quand la rue algérienne se mit en mouvement, la Kabylie ne pouvait pas rester inerte.
3-      La scission du MCB en pleine tempête d’octobre 1988
Malgré les appels au calme de Nourredine Ait Hamouda, la jeunesse kabyle investit la rue massivement. Elle contribua ainsi, comme ce fut le cas de la jeunesse algérienne dans sa globalité, à la fin de la mainmise du parti unique sur la vie politique nationale. Dans cette dynamique, le groupe occupant l’appartement 612 (Ramdane Achab, Arab Aknine, Lounis Aggoun et Ahcene Taleb) joua un rôle efficace. Ce groupe travailla d’arrache-pied en vue de ne pas laisser le terrain libre aux militants du MCB appelant à sauver le régime de Chadli. Selon Alain Mahé: «Au lendemain des émeutes, le groupe 612 fut informé que le chef de cabinet de la présidence –le général Larbi Belkheir, éminence grise du pouvoir – aurait reçu dès le début des manifestations trois personnalités du mouvement culturel berbère –Saïd Sadi, Mokrane Ait Larbi et Hachemi Nait Djoudi ! Cette information ne manqua pas d’exacerber la suspicion de ceux des militants qui n’avaient pas attendu ces développements pour, d’abord, contester les méthodes de Saïd Sadi qui s’était imposé comme le leader du mouvement et, ensuite, douter de la nature de ses rapports avec le pouvoir ».
Ainsi, pour se démarquer du groupe de Saïd Sadi, ces militants dénoncèrent la déclaration de Nourredine Ait Hamouda au journal le Monde. Les tracts furent distribués le 24 octobre 1988. Ainsi, cette campagne permit à la population de comprendre les divergences au sein du MCB. Bien que la division concerne le sommet du mouvement, la population était plus au moins au courant des tiraillements minant le MCB. Quelques jours après la contre-attaque du groupe 612, ce fut au tour du groupe de Saïd Sadi d’occuper le terrain.
D’après Alain Mahé: «Le 9 novembre 1988, quatre militants –Saïd Sadi, Ferhat Mehenni, Mokrane Ait Larbi et Mustapha Bacha – tient une conférence de presse dans l’enceinte de l’université de Tizi Ouzou. Ils convoquent les assises du Mouvement Culturel Berbère. L’appropriation du nom d’un mouvement jusque-là pluriel par un groupe restreint de militants sans concertation avec les autres parties prenantes radicalisa les clivages entre les protagonistes ». Naturellement, les opposants à ces assises ne se turent pas. Ils tinrent plusieurs réunions en vue d’arrêter une stratégie idoine. Bien qu’ils n’aient pas de moyens colossaux, avec leur courage, ils menèrent une campagne visant à discréditer les assises dont le but était la transformation du MCB en parti politique. Ainsi, lors du meeting du 25 novembre 1988, tenu au stade Ouakil Ramdane, organisé par des étudiants acquis aux thèses de Saïd Sadi, les divergences atteignirent leur paroxysme.
Bien que les opposants aux assises aient été connus de tous pour leur engagement, le jour du meeting, les partisans de Saïd Sadi les empêchèrent tout bonnement de prendre la parole. Ne comprenant pas l’animosité entre les animateurs du MCB, les étudiants étrangers à la manœuvre demandèrent une confrontation. Celle-ci eut lieu quelques jours plus tard à l’université. Or, le jour du rendez-vous, Saïd Sadi et ses amis ne vinrent pas. En tout cas, ce fut une occasion, pour les opposants aux assises, de tout déballer. D’après Alain Mahé, ces rencontres permirent aux adversaires des assises de rendre publics les motifs des dissensions en rappelant l’enchainement des faits qui, depuis 1985, les avaient provoquées. En tout cas, ces arguments n’influèrent pas sur la suite des événements. Le projet de Saïd Sadi fut mis en œuvre sous peu.
4-      La naissance du RCD
Dans la logique de ses promoteurs, la création du RCD devait entrainer inéluctablement la mort du MCB. Bien que ce groupe ait en sein des militants engagés depuis de longues années au sein du MCB, les assises prévues les 9 et 10 février 1989 n’entrainèrent pas l’adhésion massive des citoyens de la région. Selon Alain Mahé : « Les 9 et 10 février 1989, les assises de ce qu’il faut bien appeler le MCB/RCD, se déroulent dans ce contexte. Mais le Mouvement Culturel Berbère n’eut même pas le temps de se figer dans le sigle MCB que les initiateurs de ses assises prononçaient  simultanément son oraison funèbre et sa résurrection sous la forme d’un parti politique : le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD). Les assises d’un mouvement qui s’achevaient sur l’annonce de sa disparition ne manquèrent pas de susciter un certaine perplexité dans les rangs des sympathisants du mouvement comme au sein de la population kabyle ». 
En tout cas, la date de ces assises ne fit que conforter les opposants aux assises de la collusion de Saïd Sadi avec le régime algérien. Car le référendum qui devait permettre la création des associations politique n’intervint que le 23 février 1989, soit deux semaines après ces assises. Selon Alain Mahé: «Pour justifier ce calendrier, Sadi prétendra qu’il avait voulu défier le pouvoir. Compte tenu qu’il avait dû obtenir les autorisations officielles pour que les assises se déroulent dans la Maison de la Culture de Tizi Ouzou, cet argument laisse perplexe ». Les soupçons furent confirmés lorsque les observateurs eurent connaissance de l’endroit où s’est tenu le premier congrès national du RCD. Il s’agit du très officiel Club des pins, écrit Alain Mahé. Il poursuit en notant: «Il est vrai que le fait avait de quoi exciter l’imagination des citoyens, quand on sait que ce complexe touristique, situé sur la côte ouest d’Alger, était jusque-là le haut lieu des apparatchiks du pouvoir et abritait traditionnellement les congrès du FLN ».
Cependant, deux mois après la création de ce jeune parti, la Kabylie s’apprêtait à célébrer le neuvième anniversaire du printemps berbère. Dans l’esprit de ce parti, le MCB étant mort, il lui revenait le droit d’organiser les festivités inhérentes à cette commémoration. En effet, les dirigeants du RCD programmèrent les activités de célébration au stade de Tizi Ouzou. Par ailleurs,  cette occasion fut déterminante pour savoir qui du RCD ou du groupe des opposants aux assises allaient réussir à drainer du monde à son programme. Selon Alain Mahé: « En effet, dans le but d’accaparer la légitimité du mouvement culturel berbère, le RCD tenta d’organiser les festivités du 20 avril hors du campus où elles se déroulaient traditionnellement. Or non seulement le parti de Sadi ne parvint pas à ravir l’organisation des festivités aux étudiants, mais encore sa tentative provoqua l’effet inverse et déclencha un tollé général au sein de la communauté universitaire. Ces développements ne manqueront pas d’exacerber les tensions sur le campus ».
En effet, le gala, organisé à la cité universitaire, attira les nombreux citoyens lors de cette journée festive. Les chanteurs, contactés par le RCD et les étudiants, optèrent pour ceux-ci. Du coup, le RCD se trouva dans la cruelle alternative d’annuler uniment son gala. Le chanteur, Ferhat Mehenni, organisateur du gala du RCD, s’invita alors au gala d’Oued Aissi.  Bien que les étudiants aient refusé de le programmer, Ferhat décida de s’inviter, lui-même, le jour du gala. Pour Alain Mahé: «La situation se durcit à tel point que, le jour du gala, avant même de chanter, MATOUB Lounès lut sur scène une déclaration qui attaquait violemment Ferhat et le RCD. Une grande confusion en résulta et le gala tourna court. Dans un tract diffusé après, deux grands noms de la chanson berbère –Ait Menguellet et Idir – firent porter la responsabilité de cette affaire à Ferhat Mehenni ».
Par ailleurs, le deuxième coup tordu du RCD survint deux mois après avoir sabordé les festivités du 20 avril 1989. Cette fois-ci la cible fut la ligue algérienne des droits de l’homme, présidée par Ali Yahia Abdenour. Aux entraves de l’administration algérienne coupant l’électricité de la salle Atlas où devait se tenir l’Assemblée générale de la ligue, les anciens membres de la ligue, proches de Saïd Sadi, s’attaquèrent son vergogne à la ligue et à son président dans le but de disqualifier les travaux de cette Assemblée générale, écrit Alain Mahé. Cependant, malgré les moyens logistiques colossaux dont disposait le RCD, la voix de ses détracteurs ne fut pas étouffée. Ainsi, avec peu de moyens, les opposants aux assises préparèrent une riposte digne des provocations.
5-      La riposte
Les opposants aux assises MCB/RCD ne tardèrent pas à déclencher une campagne visant à sensibiliser les citoyens de l’inanité de transformer le mouvement culturel pluriel en parti politique. Cette campagne, et c’est le moins que l’on puisse dire, freina les adhésions en faveur de la nouvelle formation politique. Pour Alain Mahé : « Dans ce nouveau contexte, le FFS et son leader, Aït-Ahmed, constituaient pour ces militants le seul cadre politique susceptible de conjuguer leurs aspirations démocratiques et les revendications du mouvement culturel berbère. De sorte que, s’ils ne perdaient pas de vue les objectifs de leur mouvement, ils entreprirent de contribuer à la relance du FFS…
C’est dans cette perspective qu’ils s’attacheront à rapprocher les jeunes militants et sympathisants du mouvement culturel du parti d’Ait Ahmed ». Ainsi, tout en restant indépendants de toute tutelle politique, ces militants lancèrent des initiatives en vue de montrer à la population locale que le MCB n’était pas mort comme le prétendait le RCD. Lancée en mars 1989, la pétition, intitulée « un million de signatures pour…», fit un grand succès. Dans la foulée, ces militants lancèrent l’idée d’un deuxième séminaire du MCB. Selon Alain Mahé: «En effet, en choisissant  de désigner comme deuxième séminaire le rassemblement de juillet 1989, ses organisateurs s’affirmaient comme les héritiers directs du printemps d’avril 1980. Ce qui était, pour eux, une façon de faire la nique aux assises du MCB/RCD qui avaient décrété « feu le MCB ».
Ainsi, comme lors du gala du 20 avril 1989, ils confièrent la préparation du séminaire aux étudiants. Et la participation fut ouverte à toute personne émettant le vœu d’y prendre part. Les travaux du séminaire se déroulèrent du 16 au 24 juillet 1989 à la Maison de la Culture. Evitant  de reproduire les erreurs du passé, les congressistes optèrent pour une organisation horizontale. Celle-ci fut en effet divisée en trois commissions. « D’où le nom MCB –commissions nationales qui permettra ensuite de le distinguer de deux autres MCB. Ce n’est qu’après que le RCD a suscité la création d’un MCB –Coordination nationale, en janvier 1994, que l’on a commencé à désigner le MCB qui avait survécu aux assises du RCD sous le nom de MCB –Commissions nationales », écrit Alain Mahé.
Par ailleurs, les commissions de juillet 1989 discutèrent, pendant l’automne, des actions à entreprendre. Elles décidèrent in fine d’organiser un grand rassemblement devant l’APN le 25 janvier 1990. Bien que les revendications n’aient pas été maximalistes, les organisateurs voulurent prouver que le MCB était encore capable de mobiliser. « Le rassemblement du 25 janvier révéla l’existence d’un mouvement culturel berbère indépendant à la très forte capacité de mobilisation… Son succès fut total et le gain politique de ses organisateurs à la mesure du discrédit qui retomba sur le RCD pour avoir condamné une manifestation qui reprenait les revendications traditionnelles du Mouvement Culturel Berbère. Le RCD a violemment attaqué le MCB (futur Commissions nationales) en essayant de le discréditer. L’argument avancé pour condamner cette manifestation avant même qu’elle n’ait lieu était que les organisateurs étaient manipulés par le PAGS », note Alain Mahé.
Cependant, à la même période, il y eut le retour de Hocine Ait Ahmed. Son engagement en faveur des combats justes attira systématiquement les masses. En plus, la solidarité du FFS avec les organisateurs de la marche du 25 janvier 1990 rapprocha immanquablement ces animateurs du leader Ait Ahmed. Du coup, il les rencontra à deux reprises entre février et mai 1990, date correspondant à la première marche du FFS à Alger.
Dans la foulée, le FFS organisa également son premier congrès. Pour Alain Mahé : « Celui-ci allait révéler que la base du parti était radicalement acquise à la revendication berbère. De fait, le parti d’Ait Ahmed réclamait le statut de langue nationale et officielle pour la langue berbère. Rappelons que, dans le programme issu du premier congrès du RCD en 1990, le parti de Saïd Sadi revendiquait seulement le statut de langue nationale pour la langue berbère ». Du coup, à l’occasion des élections locales du 12 juin 1990, le boycott auquel avait appelé le FFS fut largement suivi. Bien que le RCD ait pu contrôler la majorité des municipalités (71 dans toute la Kabylie sur 123, dont 17 pour le FIS et 29 pour le FLN), les scores dans quelques circonscriptions ne dépassant pas les 2%. La défaite, lors des élections législatives du 26 décembre 1991, fut encore plus cuisante.
Par conséquent, les cadres de ce parti commencèrent à quitter le navire. Quelques-uns rejoignirent le pouvoir à l’instar de Khalida Messaoudi. D’autres rêvent de la scission du pays à l’image de Ferhat Mehenni. A noter que le deuxième cas est plus grave. En tout cas, la Kabylie et l’Algérie forment un seul corps. Faire du mal à l’une revient à faire du mal à l’autre.
Ait Benali Boubekeur

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