L’Algérie souffre de la chute du prix du pétrole depuis 2014, passé durablement de quasiment 120 dollars à moins de 60 dollars le baril. L’embellie financière d’une dizaine d’années entre 2003 et 2013 a renforcé les compulsions à la rente de l’économie algérienne. Cette disponibilité de cash, – mille milliards de dollars en un peu plus de douze ans –, a renforcé la dépendance aux importations et aux exportations d’hydrocarbures.
Quand le prix du pétrole a chuté, tous les équilibres et l’apparence de prospérité ont disparu, révélant cette dépendance extrême où 95 % des produits consommés par les Algériens sont importés. Des projets d’infrastructure à l’utilité douteuse ont été lancés, en particulier l’autoroute est-ouest, sans doute l’investissement routier le plus cher de l’histoire de l’humanité.
Quand la rente se contracte, cette gabegie apparaît dans toute sa nudité. La population algérienne, tributaire de l’étranger pour sa consommation, compte aujourd’hui un peu plus de 40 millions d’habitants. Le régime tient grâce aux réserves de change, aujourd’hui peu plus de 100 milliards de dollars, contre 200 milliards en 2014. Ces réserves fondent au rythme d’une quarantaine de milliards de dollars d’importations par an. Quand elles seront à leur niveau d’étiage, l’Algérie aura du mal à financer ses importations de produits alimentaires. Tous les équilibres reposent sur les approvisionnements extérieurs. Ce qui s’annonce à l’horizon 2020-2021, si le marché pétrolier reste déprimé, est donc très inquiétant.
Le régime n’a engagé ni les réformes structurelles nécessaires, ni la construction d’une économie de production diversifiée car c’est contre sa nature. Ses dirigeants n’y ont aucun intérêt et bénéficient du soutien international. Le régime s’est construit autour de la captation de la rente, de la prévarication et de la corruption. Les militaires, policiers et affairistes au pouvoir s’enrichissent sur les exportations de pétrole, les dessous-de-table sur les contrats internationaux et les commissions occultes sur les marchés publics. Le gouvernement maintient les subventions des produits de base et réduit les importations, en dépréciant la monnaie et en faisant tourner la planche à billets, ce qui entraîne une hausse de l’inflation et du chômage et une baisse du pouvoir d’achat.
Le préalable politique aux réformes – la confiance de la majorité des acteurs, qu’il s’agisse des investisseurs privés, des syndicats ou du patronat – n’existe pas. Les opérateurs n’ont aucune visibilité, ce qui ne les incite pas à investir. Nous sommes au seuil d’une situation qui risque de se dégrader dangereusement et l’amplification de l’exode des jeunes en est le révélateur.
Omar Benderra : « Le régime n’a aucun intérêt à sortir de l’économie de rente »
Quel avenir pour l’Algérie ? Le point de vue d’Omar Benderra, ancien président de banque publique en Algérie
Source Omar Benderra.