On lui doit le seul travail monumental concernant les effets de la Grande Guerre de 14-18 sur l’Algérie
El Watan le 16.12.17
L’historien Gilbert Meynier, spécialiste de l’histoire de l’Algérie et de la Guerre de Libération nationale, est décédé, mercredi à Lyon, à l’âge de 75 ans. Militant contre la guerre coloniale, il est connu pour ses nombreux écrits sur l’histoire de l’Algérie.
L’ouvrage était paru aux éditions Droz sous le titre : L’Algérie révélée, la Première Guerre mondiale et le premier quart du XXe siècle (1981 – 2e éd. 2015). Le livre a été réédité en 2014 par les éditions Bouchène. Avec Ahmed Koulakssis, on lui doit L’Emir Khaled, premier zaîm ? (L’Harmattan, 1987) ; avec Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, t. 2 (1914-1990), A. Colin, 1990 ; Histoire intérieure du FLN, Fayard, 2002 ; avec Mohammed Harbi, Le FLN, documents et histoire, Fayard, 2004 ; L’Algérie des origines : de la préhistoire à l’avènement de l’islam, La Découverte, 2007 ; avec Frédéric Abécassis, Pour une histoire franco-algérienne. En finir avec les pressions officielles et les lobbies de mémoire, La Découverte, 2008 (Alger, 2011, aux éditions INAS en français et en arabe) ; L’Algérie cœur du Maghreb classique. De l’ouverture islamo-arabe au repli, 698-1517, Barzakh, 2011.
L’APS a relevé que l’historien Benjamin Stora a estimé, sur sa page facebook, que le décès du «grand historien» de l’Algérie est une «terrible et cruelle nouvelle», rappelant que le défunt était présent à Vaulx-en-Velin en octobre dernier pour la journée d’hommage du 17 Octobre 1961.
Gilbert Meynier a été, après l’indépendance de l’Algérie, moniteur dans le cadre du programme d’alphabétisation engagé par l’Etat algérien, avant d’enseigner à l’université de Constantine durant trois ans.
Relayé par l’APS, un de ses amis, le prêtre français de l’archidiocèse de Lyon, Christian Delorme, a écrit dans un message à toutes les connaissances de l’historien et sa famille, que Gilbert Meynier était «un grand historien, dont l’œuvre consacrée aux Algériens et à l’Algérie s’avère d’une richesse immense, unique, inégalée». «Les hommes et femmes d’Algérie et de France n’ont pas encore pris toute la mesure de cette œuvre, mais je suis convaincu que viendra le temps où ils lui en sauront infiniment gré, et de façon durable», a-t-il ajouté.
j ai beaucoup apprécié ses livreS qui sont d une grande objéctivité ; ses écrits feront date;paix a son àme . mes condoléances a sa famille.
Un grand homme et historien (le contraire de stora) avec qui j’ai eu la chance d’animer une conférence en compagnie d’une autre grande figure politique française et grande historienne aussi la défunte Madeleine rebérioux à Chambéry en 2004. Il m’a encouragé à continuer à écrire. Une grosse perte, j’encourage les jeunes Algériens à lire ses livres.
Disparition de Gilbert Meynier, « passeur » de l’histoire algérienne
Peu médiatisé, l’historien laisse derrière lui une impressionnante œuvre sur l’Algérie, un pays auquel il a consacré plus de quarante ans de recherches.
Par Charlotte Bozonnet
LE MONDE Le 19.12.2017 à 14h28 • Mis à jour le 19.12.2017 à 15h23
Malgré la fatigue, il avait tenu à être présent à Vaulx-en-Velin, en octobre, pour la journée d’hommage aux Algériens tués le 17 octobre 1961 à Paris lors d’une manifestation réprimée par la police française. L’historien Gilbert Meynier est mort, mercredi 13 décembre, à l’âge de 75 ans. Il laisse derrière lui une impressionnante œuvre sur l’histoire de l’Algérie, à laquelle il a consacré plus de quarante ans de recherches.
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Né en 1942 à Lyon, père de trois enfants – Hélène, Pierre-Antoine et Jean-Luc –, marié à la militante des droits de l’homme Pierrette Meynier, il était professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Nancy-II depuis 2002. L’historien Benjamin Stora a été l’un des premiers à annoncer son décès sur les réseaux sociaux et à lui rendre hommage. « Un très grand historien de l’Algérie contemporaine », « un homme érudit, méticuleux », salue-t-il. « Un humaniste dont la vie se confond avec l’histoire de l’Algérie », pour son ami et universitaire algérien Tahar Khalfoune.
« Pieds rouges »
L’une des premières rencontres de Gilbert Meynier avec l’Algérie date de 1961, lorsqu’il organise avec les étudiants de l’Unef une manifestation de soutien à l’indépendance. Il compte parmi ses professeurs l’historien Pierre Vidal-Naquet, très engagé contre la guerre d’Algérie et dans la dénonciation de la torture. En 1962, à l’indépendance du pays, il fait partie de ces « pieds rouges » venus aider à construire l’Algérie nouvelle. Il sera volontaire pour une campagne d’alphabétisation pendant plusieurs mois près d’Alger. Il reviendra en Algérie quelques années plus tard, pour enseigner au lycée français d’Oran (1967-1968) puis à l’université de Constantine (1967-1970).
Sa thèse L’Algérie révélée. La première guerre mondiale et le premier quart du XXe siècle, dirigée par l’historien André Nouschi, spécialiste de l’Algérie coloniale mort en mars 2017, sera éditée en 1981 aux éditions Droz (et rééditée en 2015). Un travail monumental de 789 pages qui raconte comment, à partir de 1914, la présence d’Algériens dans les tranchées mais aussi dans les usines et les exploitations agricoles françaises participa à faire naître « une conscience identitaire, prémisse d’une revendication politique anticoloniale ».
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Pour ce travail, Gilbert Meynier apprendra l’arabe. « A la rentrée de septembre 1966, nous étions deux jeunes professeurs de lycée à Bourges, Gilbert m’a abordé en me disant : “je veux prendre des cours d’arabe, je veux faire une thèse sur l’Algérie et je ne conçois pas de ne pas parler la langue pour cela” », se souvient l’historien Ahmed Koulakssis. Gilbert Meynier deviendra un authentique arabisant, une rareté parmi les historiens français de sa génération.
Autre publication ayant fait date : Histoire intérieure du FLN (Fayard, 2002), puis, avec la collaboration de l’historien algérien Mohammed Harbi, Le FLN, documents et histoire (Fayard, 2004). Gilbert Meynier démontre qu’il existait en réalité « des FLN », un éclatement du mouvement de résistance en plusieurs sensibilités, loin de la thèse officielle du régime qui martèle l’idée d’une formation homogène. Là encore le travail réalisé est inédit et colossal, le fruit d’une longue plongée dans les archives. « Il faisait partie de cette poignée d’historiens, à parti des années 1970-1980, qui étaient à la fois “anticolonialistes” mais aussi critiques de l’histoire officielle algérienne », souligne Benjamin Stora.
En 2005, il sera très mobilisé contre la loi française sur la colonisation dont l’article 4 dispose notamment que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». L’année suivante, il co-organisera un colloque à l’Ecole normale supérieure de Lyon qui deviendra un ouvrage collectif, Pour une histoire franco-algérienne. En finir avec les pressions officielles et les lobbies de mémoire, avec Frédéric Abécassis (éd. La Découverte).
Dialogue interreligieux
Parti à la retraite en 2000, celui que ses amis et confrères décrivent comme un homme intègre, entier, « austère mais en même temps très fraternel », revient s’installer dans sa ville natale de Lyon. Il est alors très présent sur la scène associative lyonnaise, notamment à la Cimade, association protestante d’aide aux migrants – dont sa femme est une figure –, mais aussi avec l’association Coup de soleil, qui favorise les rencontres autour du Maghreb. « Il aimait le peuple algérien, il aimait parler de l’Algérie », dit le père Christian Delorme, de l’archidiocèse de Lyon, très impliqué dans le dialogue interreligieux, qui salue « un passeur ».
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Participant à de nombreux colloques en France et en Algérie, très présent auprès de jeunes historiens, il s’était lancé dans l’écriture d’une histoire de l’Algérie dont il avait publié les deux premiers tomes : L’Algérie des origines. De la préhistoire à l’avènement de l’islam (2006, La Découverte) et L’Algérie, cœur du Maghreb classique. De l’ouverture islamo-arabe au repli (2010, La Découverte). Il voulait travailler au tome 3 et avait aussi à cœur la réalisation d’un manuel d’histoire franco-algérien écrit à plusieurs mains par des historiens des deux rives. Il n’en aura pas eu le temps.
Atteint d’un cancer, Gilbert Meynier avait subi plusieurs traitements qui lui avaient permis cet été de voyager à Téhéran avec son épouse. Il est mort 41 jours après sa femme Pierrette, décédée le 2 novembre. « Avec sa disparition, c’est une partie de l’histoire de notre pays qui s’en va, écrit Tahar Khalfoune. J’ose espérer que les Algériens reconnaîtront l’œuvre monumentale qu’il a consacrée sa vie durant à l’histoire de notre pays, [une histoire] très riche mais mal connue et mal enseignée, c’est une dette d’amitié et de justice que nous lui devons. »
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