31 ans après le MJA, des journalistes de la Radio Nationale dénoncent la “censure” et défendent le “devoir d’informer”

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ALGÉRIE08/10/2019 17h:12 CET

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Des journalistes de la Radio Nationale ont publié, lundi 7 octobre 2019, un communiqué signé “ Collectif de la radio pour le service public” dénonçant la résurgence de la censure dans le traitement de l’information et défendant le service public. 

Le texte adopté et signé à la suite d’une réunion de journalistes, producteurs et animateurs de la radio a obtenu l’appui du syndicat des journalistes et été transmis aux autres chaînes et rédactions.  Il s’inscrit dans la trajectoire d’un combat historique, un peu oublié avec l’avènement de la presse privée puis des médias “offshore”, des journalistes pour la défense d’un service public qu’ils refusent de confondre avec le service ou la propagande du pouvoir. 

Le communiqué publié dans un contexte de contrôle direct visible sur les médias audiovisuels publics et privés rappelle en effet celui publié, 31 ans plus tôt, le 10 octobre 1988, par le Mouvement des journalistes Algériens (MJA) qui s’insurgeait contre l’interdiction qui était faite aux professionnels “d’informer objectivement des faits et événements qu’a connus le pays, notamment depuis l’explosion populaire du 5 octobre”.

Les journalistes, qui déploraient ce jour-là, la mort de Sid-Ali Benmechiche, journaliste-reporter à  l’APS, dans la fusillade de la DGSN (33 morts), disaient leur refus de “l’utilisation tendancieuse en ces circonstances graves des médias nationaux, et ce au mépris de toute éthique professionnelle et du droit élémentaire du citoyen à l’information”.

“La radio n’est la chasse gardée d’aucun pouvoir” 

Trente un plus tard, le communiqué des journalistes de la radio nationale, dans un contexte de verrouillage général des médias audiovisuels publics et privés, est dans la même problématique de la défense du “service public” et du refus de sa réduction à une “chasse gardée du pouvoir”. 

La lettre qui s’adresse aux responsables de la Radio Nationale et prend à témoin l’opinion fait le constat d’une “résurgence de la censure dans le traitement de l’information”.  “ Les couvertures des événements liés au mouvement populaire sont scrupuleusement surveillées, écoutées, les papiers diffusés, sont repris, censurés. Des revendications plus profondes sont exprimées sans trouver d’écho” indique le texte des professionnels de la radio qui soulignent que “la liberté de la presse est un principe fondamental que nous refusons de nous voir confisquer.”

A l’encontre de la vision qui a toujours prévalu au sein du pouvoir, les journalistes soulignent que la radio “n’est la chasse gardée d’aucun pouvoir” et qu’elle est – ou doit – être dédiée “, service public exclusif.”

 “Il est de notre devoir d’informer.Il est de notre devoir d’accompagner ce mouvement dans son évolution. Sans accès à une information transparente justes et impartiale, il n’y a point de service public. Il est impératif que notre média soit à l’avant garde de ce qui se passe dans le pays.Il est de notre responsabilité d’informer et d’éclairer l’opinion.”.

 Aux responsables d’assumer les consignes en les signant

Outre ces affirmations de principes, les auteurs de la lettre veulent mettre les responsables de la radio devant leur responsabilité en sortant d’un fonctionnement informel qui ne les engage en rien.

 “Désormais, toute consigne interdisant le traitement des informations devra être signée par le directeur de l’information, de la chaîne ou de la direction générale. L’opinion a le droit de savoir qui lui refuse l’accès à l’information.La liste des personnes non autorisées à être diffusées ou invitées devra être établie dans la plus grande transparence afin que l’opinion en soit informée.”

Pour les rédacteurs de ce document qui entrera dans les annales de la presse algérienne, le travail des journalistes doit se faire. “Les faits doivent être recueillis. Manifestations, arrestations, slogans, (hormis ceux qui sont insultants, qui portent à l’intégrité, à la vie privée, qui incitent à la haine….) doivent être traités, couverts et les responsables d’éditions ainsi que le personnel de l’antenne, soutenus dans leurs démarches.Il est du devoir moral pour chacun d’entre nous d’intégrer ces principes sacrés et de veiller à leur application.”

Les signataires de la lettre prennent à témoin l’opinion “qu’en cas de sanctions ou de pressions exercées sur les journalistes et l’ensemble du personnel directement ou indirectement concerné, journalistes, réalisateurs, producteurs, animateurs, nous nous réservons le droit d’envisager un durcissement de nos actions, jusqu’à observer une grève illimitée.”

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