22/10/2019
- Redouane Boudjema
HuffPost Algérie
Dans une Algérie nouvelle, les journalistes, pour être à la hauteur des exigences éthiques et politiques de leur métier, devront renouer avec l’esprit de résistance et rompre avec l’ère du marchandage, de la soumission, de la propagande, de la désinformation et du chantage.
Ce chemin de “Résistance Algérienne” est une philosophie, c’est aussi le titre d’un journal lancé par les élites du mouvement national, le 22 octobre 1955. Un acte de continuité dans la stratégie de la révolution pour gagner la bataille de l’image, du son et du texte contre les autorités coloniales françaises. Par la volonté de Abane Ramdane, Mohamed Boudiaf, Franz Fanon, Zahir Ihaddadène et Pierre Chaulet la révolution a pu avoir une voix médiatique à Tunis, Tétouan et Paris. “Résistance Algérienne” deviendra par la suite El Moudjahid dans le cheminement de la révolution algérienne.
Une situation sinistre
Ce jour où est né “Résistance Algérienne” a été choisi par le président, déchu ou démissionnaire, Abdelaziz Bouteflika, le 3 mai 2013, pour en faire celui de la journée nationale de la presse avec la création d’un prix national à son nom.
Cela s’est passé à un moment où la presse passait par un de ses plus sinistres moments en raison des pressions et des chantages subies dans un contexte marqué par un marché inondé d’une flopée de titres et chaînes de télévision faisant dans la propagande. Pour préparer un quatrième mandat destiné à éterniser Bouteflika au pouvoir jusqu’à la tombe.
En 2019, la situation de la presse algérienne est pire que ce qu’elle était sous Bouteflika. Depuis plusieurs mois, on n’entend plus dans l’écrasante majorité des médias que la voix du pouvoir. Les JT du 20h se sont transformés en des journaux militaires après avoir été pendant longtemps des journaux présidentiels. Le discours qui glorifiait il y a peu les réalisations du président, glorifie aujourd’hui les efforts du général, celui qui énumérait les vertus de Bouteflika le fait désormais pour le courage du moudjahid Ahmed Gaïd. C’est la même situation dans les chaînes TV privées et dans la plupart des journaux publics et privés.
Un métier dévoyé
Depuis des décennies les médias et les journalistes ont “divorcé” avec la résistance et la défense de l’honneur d’un métier souillé par les réseaux de corruption et d’allégeance. Beaucoup ont choisi de faire ménage avec le chantage et le marchandage en une sorte de mariage catholique sans divorce possible. Le marché médiatique a été inondé, depuis au moins 2009, de titres dirigés par des parvenus dans le métier et qui ont transformé la profession en grand n’importe quoi, où se pratique tout sauf le journalisme. Chantage, délation, flagornerie et acceptation de salaires de l’humiliation.. La vie de journaliste tourne souvent au sordide. Le niveau minimum de la dignité humaine – des salaires en retard de plus de six mois – n’est plus acquis alors que ce que les présumée organisations syndicales passent leur temps à défendre le pouvoir et ses choix ainsi que les patrons. La défense de la profession et des journalistes n’est pas leur souci.
La crise de la profession n’est pas nouvelle. Ses liens avec la propagande et la désinformation sont encore plus vieux. Mais ce que j’ai vu dans la profession au cours des 27 dernières années est sans précédent auparavant.
Rompre avec le système de propagande
Aujourd’hui, alors que les Algériennes et les Algériens sortent en masse dans les places publiques pour rétablir leurs droits à exercer les libertés, les appareils médiatiques ont choisi de s’aligner derrière le pouvoir d’un seul homme et d’une seule vision. Pire, ces médias pratiquent l’occultation, la désinformation et les accusations en traitrise contre tout ceux qui ont un avis différent du pouvoir. C’est la raison pour laquelle la rue dénonce leurs pratiques et que des jeunes mènent un travail de déconstruction qui dénude les voix de la propagande. Des voix passées, en un clin d’oeil et sans honte, du service des réseaux politiques, sécuritaires, administratifs et économiques dont certains sont dans les prisons civiles et militaires, à celui du pouvoir actuel.
La plupart des médias sont dans une dérive morale qui justifie pleinement la volonté des Algériens de poursuivre le chemin pour libérer le pays de la corruption et le despotisme. Ils veulent un divorce clair et sans retour avec système médiatique de propagande fondé sur le chantage, le marchandage et la rente. Ils attendent des médias et surtout des journalistes qu’ils prennent ou reprennent le chemin de l’honneur et de “Résistance Algérienne…”.
Traduit par le HuffPost Algérie – Article original