Lahouari Addi
21 février 2020
Le 53èm vendredi de la mobilisation populaire a été impressionnant par le nombre de citoyens qui sont sortis dans toutes les villes pour célébrer le premier anniversaire du soulèvement citoyen cherchant à restaurer la dignité de l’Etat. Que peut-on apprendre de ce hirak salvateur issu des profondeurs de la société et de l’histoire du mouvement national? La première leçon est que les Algériens ont compris qu’un Etat est une institution politique et non un simple outil administratif. En interdisant la politique aux Algériens, les généraux ont transformé l’Etat en guichets où des administrés viennent quémander les moyens pour subvenir à leurs besoins sociaux. L’objectif du régime était que la société dépende du bon vouloir des généraux qui ont privatisé l’autorité publique en se donnant la prérogative de nommer qui leur semble aux fonctions électives et aux hautes fonctions de l’administration. Ils ont mis sur place un organisme, le DRS, pour empêcher que les différents groupes sociaux aient leurs représentants. Ils ont interdit les partis représentatifs, les syndicats autonomes, surveillé la presse, bloquant ainsi la formation de corps intermédiaires entre l’Etat et la société. La politique, que nul ne peut interdire parce qu’elle est un aspect essentiel de la reproduction sociale, a pris en Algérie la forme de l’émeute. L’émeute violente est une demande d’Etat que les généraux réprimaient en envoyant les forces de sécurité. Ce sont les milliers d’émeutes locales qui ont eu lieu ces dernières années qui ont mené à l’émeute nationale, pacifique appelée hirak. Le hirak demande un Etat dirigé par des responsables élus à travers des élections compétitives s’inscrivant dans l’alternance. Cet Etat ne peut voir le jour que si les généraux acceptent le principe de la transition vers un régime nouveau reposant sur la séparation des trois pouvoirs: un POUVOIR EXECUTIF qui dirige l’administration sur la base des orientations politico-juridiques d’un POUVOIR LEGISLATIF souverain et sous le contrôle d’un POUVOIR JUDICIAIRE autonome qui veille à l’application des lois.
Si les centaines de milliers de manifestants crient LES GENERAUX A LA POUBELLE, c’est parce que ces généraux n’ont pas compris deux choses essentielles:
1. La dynamique historique du régime né de l’indépendance est épuisée et ce, depuis au moins Octobre 1988. Ce régime et son personnel ne peut plus diriger l’Etat car il n’a plus de ressources idéologiques et il est délégitimé par ses échecs sociaux et économiques, sans compter la corruption. L’échec du régime a durci les généraux qui ont exigé l’obéissance à tout le pays. Le général doit être obéi par ses troupe et n’a pas à leur rendre des comptes. Il ne peut pas exiger cette attitude des civils car le pays n’est pas une caserne.
2. Le grade de général appartient à la nomenclature de la fonction publique et est équivalent au titre de haut-fonctionnaire au service de l’Etat, son employeur. Par une ruse de l’histoire, qui a coûté la vie à Abbane Ramdane, le militaire algérien s’est imposé comme source de pouvoir en lieu et place de l’électorat. Il n’y a aucune raison pour que de hauts-fonctionnaires s’approprient le pouvoir souverain qui appartient au peuple. Qui les a mandaté pour être de Grands Electeurs qui désignent le président et les députés à travers leur police politique?
Le slogan LES GENERAUX A LA POUBELLE vise à corriger cette injustice qui permet à des généraux de s’approprier une part de la rente pétrolière au détriment de l’économie nationale. Le hirak, qui vient de célébrer son premier anniversaire, ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que les généraux se rendent à la raison et rendent à l’électorat ce qu’ils lui ont pris: la souveraineté. Ceci est une affaire de bon sens et aussi de rapport de force, et le rapport de force est en faveur du hirak.