SCANDALES ET DÉBANDADE EN HAUT LIEU.

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  Abdellah CHEBBAH             Avril, 2020

Que comprendrait un étranger de la situation politique de l’Algérie? Que dalle! Si ce n’est une étrange sensation de pays ruiné, en voie d’extinction qui n’arrive pas à moderniser ses institutions et à être à l’avant garde d’un développement humain en tirant profit des ses immenses richesses naturelles. Pour qu’il puisse comprendre, il faudrait remonter le temps et lui narrer une histoire qui a mal commencé.

Une brève histoire de ce pays post indépendance éclairera notre observateur.

Le préalable de ce pays a été d’emblée, d’écarter le peuple de toutes décisions politiques. Des hordes de psychopathes se sont investis du droit de légitimité historique pour fonder le sobriquet de République Algérienne Démocratique et populaire (RADP). Ce sont les faux moudjahidins. Avec le lancement de projets économiques telle que la pétrochimie, la sidérurgie, l’agriculture, qu’ont jailli les grands cadres administratifs et commerciaux, les bureaucrates, pour constituer le clan des élaborateurs de ces projets sans aucune expérience des domaines. Il a fallu attendre 1970 pour introduire une élite formée en Algérie pour actionner les chantiers. Ceux-là ont été vite mis en à l’écart car leur vision des choses allaient à l’encontre de celles des décideurs. Tous les chantiers ont ainsi échoué sauf celui de la pétrochimie où l’expertise venait de l’étranger que la nécessité oblige.

Le pays vivota pendant deux décennies, le temps à une armée sur gradée d’investir le terrain avec une armada de généraux adoubés aux multinationales. Ainsi se constitua le clan des hauts gradés. Le pouvoir passa entre leurs mains. Ils paralysèrent le peuple en mettant le pays tout entier à feu et à sang. Étant peu familiers aux décisions techniques et commerciales pour édifier une véritable économie, une oligarchie d’hommes d’affaires sortis de nulle part pour la majorité d’entre eux, s’est lancée dans l’import-import de biens et d’équipements. On avait cru à la libéralisation du marché qui en réalité, n’était qu’une économie de bazar.

Le taux de natalité réel dépassant le million annuellement devait inciter l’état à investir dans le développement du pays. Avec une quarantaine de millions d’habitants dont les trois quarts ont moins de 35 ans, les chantiers étaient nombreux et immenses. Pensant régler le chômage dont le taux avoisinait les 30%, il fallait développer le bâtiment et les infrastructures du pays. Des cités dortoirs, des hôtels de renoms, de gigantesques mosquées, des routes, des autoroutes, des périphériques, des tramways, de hauts édifices ont poussé comme des champignons pour embellir et donner un semblant de modernité et ainsi résorber le chômage.

La rente pétrolière en croissance, qui était la seule source de revenus pour le pays, devenait alléchante. Quatre clans se partageaient cette rente: les faux combattants sous la coupole du parti FLN, l’armée des généraux, la fausse oligarchie et l’état incarné par un président illégitime et des ministres choisis pour leur obédience dont les budgets engrangèrent toute cette rente. L’argent circulait à flot. Les marchés d’armement, les retraites et pensions, les chantiers industriels ont donné naissance à une circulation d’argent tout azimut. La corruption devenue systémique a ainsi infesté tous les secteurs y compris celui de l’état où les passe-droits et les lèse-majesté sont devenus courants. La faillite était prévisible.

Depuis 2014, le baril de pétrole commença à chuter, la gâteau représentant la rente s’amincit de jour en jour. Un président malade démuni de ses capacités physiques et morales laissa le champ libre aux prédateurs pour se partager la rente. L’armée gourmande de nature commença a éliminer ses adversaires qui cette foi-ci n’étaient pas conviés au festin. A commencer par l’oligarchie étatique dont le frère du président était le patron, sous couvert d’un coup d’état, ensuite vinrent les ministres et hauts cadres de l’administration précédente et finalement les hirakistes susceptibles de drainer des foules.                          Au sein de l’armée, un président civil devait revenir à la barre pour diriger le pays technocratiquement. Certains généraux avaient des préférences. Un désaccord entre eux poussa à la division. Des clans se sont constitués. Une guerre sournoise entre les généraux et leurs services avait donc commencé. Le plus fort l’emporta.

L’autre raison qui départageait les généraux est celle des accointances qu’auraient certains  d’entre eux avec les Émirats-Unis et l’Arabie Saoudite. Une relation purement politique. Paradoxalement à ce qui se colporte, ces deux pays en guerre contre le Yemen, l’iran et le Qatar ne veulent pas d’un autre état islamiste en Algérie qui risquerait de se propager dans tous les pays du grand Maghreb, Lybie, Maurétanie compris. L’exemple de l’Égypte est éloquent. Voilà ce qui explique les allées et venues de l’ex. général major défunt.

Aujourd’hui, inédit dans les annales de l’histoire politique d’un pays, 17 généraux sont mis en prison, deux en fuite, un ministre de la justice en mandat de dépôt, une dizaine de ministres emprisonnés, d’autres en fuite à l’étranger, des chefs de partis, des députés, tous inculpés de malversations, pouvoir d’influence, détournement d’argent, des interdictions de quitter le territoire pour certains hauts cadres des administrations et des prisonniers d’opinion non épargnés.

Un clan de l’armée et la présidence ont pris le dessus sur le reste. Un grand ménage semble se dessiner au sein de l’armée. De nouveaux gradés plus jeunes font leur entrée dans le commandement et en l’occurrence ceux des services de sécurité intérieure et extérieure ainsi que d’anciens généraux retraités.

Les scandales datant de 2014 ont refait surface sur la scène politique et judiciaire.

En résumé pour comprendre brièvement ce qui s’est passé depuis l’avènement de Boutéflika est qu’en plus de l’armée incarnée par les généraux malfaiteurs, deux autres fondés de pouvoir ont pris part à la ruine du pays: l’oligarchie financière et les anciens ministres sans exception.

Les scandales et la débandade au niveau de l’armée serait peut-être une voie de secours pour le pays tout entier si l’actuel président et son général par intérim sauront apaiser le différend qui les oppose à la société civile qui n’est pas loin d’abandonner les manifestations du hirak. Ils sauveront leurs peaux et celles de leurs supplétifs qui oseraient régénérer le système. Le peuple ne demande qu’une chose, que l’armée se confine dans ses quartiers et que le pouvoir revienne au peuple par l’entremise d’une transition et de l’organisation d’élections législatives honnêtes et transparentes pour la nouvelle rentrée sociale.

2 Commentaires

  1. Moi je ne suis pas d’accord qu’il y ait des débandades en haut du pouvoir, car le Covid-62 (je dirais même le Covid-57 qui remonte à l’assassinat de Abane Ramdane) est toujours en activité et on n’a pas encore trouvé de remède à ce virus qui a survécu à tout.

    C’est juste un rééquilibrage des forces en son sein mais la matrice du pouvoir ou du régime est toujours là !La bête immonde se retrouve toujours sur ses pieds. J’ajoute que ce Covid-57 est nettement plus dangereux que le Covid-19!

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