Se réapproprier le récit de la révolte algérienne

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PAR AW · JUIN 1, 2020

Brahim Rouabah, Fondation Frantz Fanon, 30 avril 2019

La révolte populaire en Algérie n’est rien de moins qu’une réaffirmation de ce qu’être humain signifie. Une altération active de l’état d’être d’un peuple. Les Algériens qui, durant des décennies, ont été réduits à des spectateurs traumatisés ont, une fois de plus, soulevé la poussière et saisi les rênes de l’Histoire. Le peuple (au singulier) ne consent plus à être un objet de l’histoire, et s’affirme comme un sujet conscient et actif de son propre destin. Un rythme nouveau habite cette indignation populaire, de nouvelles formes de solidarité et de nouvelles manières d’être se constituent.

Une  « élite » moralement défaite, intellectuellement colonisée et techniquement incompétente a, durant si longtemps et en miroir d’elle-même, dépeint et de fait traité les Algériens comme des brutes inciviles, violentes et politiquement adolescentes, dans la continuité des tropes orientalistes et coloniaux. Une « élite » qui, ayant ingurgité toutes les leçons de son maitre, a internalisé sa sujétion coloniale à un tel point qu’elle ne peut donner sens à elle-même et à son existence qu’à travers le regard de son ancien maitre colonial. Une « élite » souffrant d’un tel degré d’aliénation qu’elle ne peut voir ses compatriotes qu’à travers le même regard colonial. La Hogra (le mépris) avec laquelle cette « élite » traite les Algériens(nes) ne peut être comprise qu’en réalisant la positionnalité de celle-ci. Ce mépris devient intelligible si l’on prend en compte le fait que ceux qui ont régné sur l’Algérie ne voient les Algériens(nes) que du point de vue de Paris, Londres et Washington. Cette attitude imprègne des franges de l’élite « culturelle » et « intellectuelle » algérienne, qui a joué un rôle clé de la production de ces tropes orientalistes et coloniaux.

Autrement dit, la bourgeoisie nationale algérienne a durant des décennies joué essentiellement le rôle d’une classe politique offshore qui, bien qu’elle puisse être parfois physiquement présente sur le sol algérien, a maintenu ses biens (mal-acquis), investissements, comptes bancaires et foyers spirituels ailleurs. Elle adopte la même attitude extractiviste envers « la patrie » que l’ancienne administration coloniale. Les symptômes morbides de cette psychose se transmettent automatiquement à la vie politique algérienne et se manifestent dans la manière avec laquelle « le pouvoir » (un terme utilisé par les Algériens pour désigner l’élite dirigeante du pays) a traité ses citoyens. C’est précisément cette condition que la révolte populaire vise à soumettre à une action révolutionnaire thérapeutique et réhabilitatrice.

Formés dans l’éthos libérateur anticolonial, tiers-mondiste, panarabe et panafricain de leurs ancêtres, les Algériens sont déterminés à dissiper la dissonance cognitive produite par un discours officiel sur la souveraineté et l’indépendance contredit dans les faits par la perpétuation de pratiques coloniales d’assujettissement. En un mot, les Algériens(nes) se révoltent contre la colonialité de leur présent.

L’Histoire nous enseigne que les luttes populaires ne se font pas seulement dans les rues pour le contrôle de l’espace public, aussi important cela soit-il, mais plus crucialement au niveau de la formulation, la narration et la représentation de ces luttes et leurs objectifs. En ces moments critiques, d’importantes questions se posent telles que : Qui interprète les demandes et les objectifs d’un peuple en révolte ? Qui a le pouvoir de les nommer ? Comment se formule le récit de la lutte populaire ? Dans quel cadre de référence, et celui de qui ?

Dans notre monde racial capitaliste, le (néo)libéralisme fournit la justification morale du statu quo, le langage dans lequel on doit parler de sa propre réalité, les catégories utilisées pour donner sens à l’existence. Le (néo)libéralisme définit les paramètres de ce qui est pensé comme désirable et atteignable, et par extension, ce qui est ou non pensable. En d’autres termes, l’emprise hégémonique du libéralisme en tant que discours du pouvoir (et l’idéologie du statu quo) lui confère l’autorité de délimiter les frontières du « possible » au 21ème siècle. En tant que forme moderne de pouvoir, le libéralisme mystifie sa nature et sa fonction, et se présente non comme une idéologie servant des intérêts particuliers, mais plutôt comme un sens commun ancré dans une définition de la « nature humaine ».

Si il y a une seule leçon à retenir de la récente expérience des voisins de l’Algérie, ce doit être celle-ci : l’adhésion du Sud global au libéralisme et à ses préceptes – sa conception de l’ « Histoire » et du temps historique, sa définition de ce qui constitue le « Progrès », ainsi que les inévitables raisonnements téléologiques que cela engendre – est le fondement de sa colonialité présente, ce qui permet en dernier ressort, dans les mots de Malek Bennabi, sa « colonisabilité », c’est à dire les conditions qui rendent sa continuelle sujétion possible.

En quelques semaines, la représentation médiatique et académique des révolutions de la Dignité en Tunisie et en Egypte en tant que « Printemps Arabe » a placé ces dernières au sein de l’ « univers discursif d’un passé écrit et d’une direction future connue[1] ». Mettons de côté la violence qu’un tel acte de nomination implique en limitant géographiquement de potentiels circuits de solidarité ; pour ces observateurs supposément « objectifs », le phénomène ne devient intelligible que lorsqu’il est inscrit dans un cadre de référence reconnaissable. Qu’il s’agisse de la référence au « Printemps des Peuples » de 1848, au Printemps de Prague de 1968, ou à l’Europe de l’Est de 1989, la constellation de référence reste européenne et libérale. La narration soumet ces mouvements révolutionnaires à des fatalités historiques. Au lieu de reconnaître la singularité et la potentielle nouveauté de ces mouvements révolutionnaires – ou de les situer dans des cadres historiques spécifiques au Sud global – la désignation du phénomène comme un « Printemps Arabe » le force dans une spatio-temporalité aliénante, et lui assigne le rôle d’objet dans une « Marche de l’Histoire » prédéterminée.

De telles analyses interprètent ces mouvements révolutionnaires non comme des moments de désobéissance et d’ouverture à la nouveauté et aux possibles, mais plutôt comme les expressions d’un désir de conformité à et d’inclusion dans « l’Histoire ». Ces narrations réifiantes ne sont pas seulement produites par des analystes occidentaux, mais ont également été internalisées par certains algériens eux-mêmes. Par exemple, certains libéraux algériens(nes) traduisent de manière acritique le mouvement révolutionnaire comme l’expression du désir de fonder une « Seconde République ». Le cadre mental implicite de ces acteurs est le modèle français jacobin, et leur conception d’une seconde république s’inscrit dans le cadre de référence propre à la France et son histoire spécifique, plaçant ainsi temporellement l’Algérie d’aujourd’hui là où la France était en 1848. Ces conceptualisations sont les clés de la reproduction des discours orientalistes désignant ces pays comme « arriérés », et donc en besoin de « rattrapage ».

Prendre conscience de cela n’implique pas une allergie xénophobe à toute inspiration par des expériences « étrangères », mais plutôt une attitude critique envers les modèles préconçus, quant à leurs bénéfices et leurs limites. L’aliénation produite par l’insertion forcée des colonisés dans une temporalité civilisationnelle qui n’est pas la leur et dans laquelle ils ne se reconnaissent pas est la cible centrale des poussées réhabilitatrices que constituent ces révolutions, comme nous le développerons plus bas.

La manière dont les médias et les interventions académiques, en particulier dans le Nord global, ont couvert le mouvement populaire en Algérie, et la regrettable reproduction locale de ces analyses, indiquent que l’histoire est faite pour se répéter. Consciemment ou non, le mouvement est interprété à travers un prisme (néo)libéral et narré au travers de catégories et de cadres de référence (néo)libéraux. Il est présenté comme un combat pour l’abolition de l’autoritarisme et de la corruption et un appel à la démocratie (entendue de façon réductrice comme un ensemble de droits civiques et politique, assorti d’élections périodiques) et à une « économie de marché ». L’orientalisme sous-tendant ces analyses est évident dans le telos qu’elles assignent à la lutte populaire. Le postulat implicite, ou plutôt la question structurant ces perspectives, est la suivante : qu’est-ce que ces peuples pourraient vouloir d’autre que ce que l’Occident est réputé posséder ? De ce point de vue, l’Occident « avancé » est le seul telos possible pour le Non-Occident « arriéré ». Dans les mots du philosophe français Alain Badiou commentant le soi-disant « Printemps Arabe » : « Nos gouvernants et nos médias dominants ont proposé une interprétation simple des émeutes dans le monde arabe : ce qui s’est exprimé là est ce qu’on pourrait appeler un désir d’Occident[2]».

Les images choisies pour souligner le caractère pacifique, ordonné et civilisé du mouvement présentent de façon disproportionnée des manifestants jeunes, à la mode et francophones – c’est à dire la classe moyenne urbaine, libérale, laïque et occidentalisée – en invisibilisant systématiquement ceux qui manifestent dans les zones rurales et ouvrières, ainsi que les manifestants avec des barbes ou des voiles. Ce biais dans la sélection, pour ne pas dire cette représentation volontairement faussée, lie tacitement et inconsciemment tout ce qui est pacifique, ordonné et civique à la langue française, au sécularisme, au libéralisme et à la richesse. Les barbes, les voiles et la langue arabe sont associés dans les représentations dominantes à la poussière, au sang, aux larmes, à la rage et aux drapeaux en flammes. 

Le récit libéral détermine aussi les voies dans lesquelles les demandes populaires sont interprétées et représentées. Prenons par exemple klitou lebled ya seraqqin (« Vous avez dévoré le pays, ô voleurs ! »), l’un des slogans les plus répandus chantés par les manifestants ces dernières semaines. Dans le paysage médiatique global dominant, ce slogan est uniformément interprété comme une indignation contre des officiers corrompus et leurs pratiques. Il est presque impossible de trouver une interprétation traduisant ce slogan comme une indignation contre une injuste et inéquitable répartition des richesses dans le pays. Ceci parce que cela ferait du changement structurel et de la redistribution des richesses la seule suite logique pour remédier à ce déséquilibre. Se focaliser sur la corruption, à l’inverse, permet d’éluder les questions structurelles et la remise en cause des modèles de développement produisant les inégalités économiques et les pratiques de corruption, et de se focaliser sur les individus (les « mauvais éléments », pour le dire ainsi) et leur punition, transformant ainsi un problème politique en problème légal, et un problème systémique en question individuelle.[3]

De plus, les « voleurs » auxquels le slogan renvoie sont uniformément interprétés dans des termes domestiques, excluant la possibilité de la complicité d’acteurs globaux. Or si le pillage des ressources du pays a bien été mené à travers cette élite compradore, et dans une certaine mesure à son profit, les plus grands bénéficiaires ont été les grandes corporations multinationales et des gouvernements étrangers, qui en échange ont offert un soutien international à cette classe dirigeante illégitime.

Plutôt que de calquer des cadres d’analyse préconçus et des temporalités civilisationnelles et politiques sur le mouvement, les universitaires, journalistes, « experts » et faiseurs d’opinion doivent écouter attentivement son message, par une analyse des slogans, chants, signes, chansons et créations artistiques produites au cours des derniers mois, afin d’en former une interprétation correcte.

Bien que nous ne puissions traiter de chaque slogan, voyons les thèmes prédominants :

Justice sociale et distribution équitable des richesses

En plus du slogan traité plus haut, de nombreux autres slogans, signes et pancartes contestent l’actuelle inégalité dans la répartition des richesses. Le slogan winou haqqi fel petrole ?  (« Où est ma part du pétrole ? »), utilisé souvent lors des dernières décennies, a été remis humoristiquement à jour en winou haqqi fel cocaine ? (« Où est ma part de la cocaïne ? »), en référence au scandale ayant éclaté il y a quelques mois impliquant 700kg de cocaïne et un réseau d’officiels gouvernementaux et des appareils de sécurité, qui a mené à la chute du général Hamel (chef de la police), parmi d’autres. Une fois encore, ces slogans sont interprétés comme un rejet de la corruption de l’élite dirigeante, une posture négative, plutôt qu’un appel à une distribution équitable des richesses et un désir de Justice sociale, une revendication positive.

Démocratie radicale, dignité, souveraineté populaire 

Certains des slogans les plus répandus évoquent le thème du peuple comme source de tout pouvoir et de toute légitimité politique. En plus du bien connu Asha’b yourid… (« Le Peuple veut… »), lancé en Tunisie, Egypte, Libye, Yemen, Syrie et plus récemment au Soudan, Lebled bledna w’endirou Rayna (« Ce pays est le nôtre, et c’est à nous de décider ») a été plus spécifique au mouvement en Algérie. Ce slogan a été lancé après que des dizaines de millions aient pris les rues à la mi-mars pour appeler à la suspension de l’actuelle constitution, qui est vue comme un document illégitime rédigé et adopté sans participation populaire par ces mêmes personnes que le mouvement cherche à déloger, en désignant les arrangements institutionnels que le mouvement cherche à défaire. Même lorsque le commandement militaire opta pour une « solution constitutionnelle », le mouvement insista sur la primauté des Articles 7 et 8, qui stipulent que le peuple est la source de toute autorité et que tout le pouvoir constituant leur appartient. Une autre variante du slogan a été Lebled bledna w’el gaz dyelna (« Le pays est à nous tout comme son gaz »). Cette version fait directement référence à la nécessité d’une souveraineté populaire sur les ressources naturelles du pays, qui sont vues comme ayant été utilisées par l’élite dirigeante pour s’acheter une légitimité extérieure. Les tentatives de dénationaliser le secteur des hydrocarbures (nationalisé en 1971) au début des années 2000, et les grandes concessions données aux multinationales pétrolières dans les 20 dernières années ont été l’objet d’une critique publique constante et sont vues comme un affront à la souveraineté du pays.  

Républicanisme égalitaire et décolonisation

L’un des plus importants slogans chanté jusqu’au retrait de Boutelflika était : Jumhuriyya machi memlaka (C’est une république, pas un royaume). Ce n’était pas seulement le rejet de la patrimonialisation du pouvoir par Bouteflika, mais aussi de la tendance générale des puissances impérialistes à favoriser les monarchies en tant que systèmes de pouvoir susceptibles de réaliser leurs intérêts dans la région (comme les pays du Golfe, le Maroc et la Jordanie) et de poursuivre la contre-révolution. Dans les républiques postcoloniales, il y a eu un effort pour réprimer l’esprit républicain et promouvoir des tendances monarchiques. Le mouvement se perçoit comme le réalisateur des rêves de ses ancêtres qui ont libéré le pays de la domination coloniale directe pour établir une société égalitaire leur assurant la jouissance de leur pleine humanité. La république envisagée dans le document fondateur de la révolution algérienne, la déclaration du 1er Novembre 1954, a été conçue comme la première pierre vers une plus large intégration régionale. L’état-nation n’était pas pensé comme une fin en soi, mais plutôt comme un moyen vers l’émancipation humaine.

Une politique guidée par des principes, et non par des intérêts

La satire politique a souvent été une « arme des faibles » dans de nombreuses mobilisations révolutionnaires dans le monde, et a une longue tradition en Algérie en particulier. La moquerie et la ridiculisation des pouvoirs en place permet de défaire la mythologie accompagnant le pouvoir, et de rendre ses visible ses actes dissimulés. L’omniprésence du « cachir » (salami algérien) dans les manifestations des derniers mois en Algérie est un cas d’espèce. La signification politique du cachir remonte à la campagne présidentielle de 2014, où les partis de la coalition gouvernante offraient un sandwich au cachir et une petite somme d’argent aux personnes participant à remplir les salles de leurs meetings politiques, pour donner une fausse impression de popularité. L’usage du cachir dans l’actuelle mobilisation révolutionnaire exprime trois messages politiques. D’abord, une condamnation des partis politiques engagés dans ce que les Algériens nomment « boulitique » en opposition à « politique », un terme utilisé par le philosophe algérien Malek Bennabi pour décrire l’état de confusion de l’élite politique, son manque de vision et sa focalisation sur les intérêts individuels plutôt que collectifs. Le second message vise cette partie de la population algérienne en les condamnant pour avoir vendu leurs âmes à ces partis et avoir fermé les yeux sur le pillage du pays en échange d’un pauvre sandwich au cachir. Troisièmement, et c’est le message le plus important, les créations artistiques utilisant le cachir expriment un désir pour des politiques basées sur des principes, une vision et une conviction, une préoccupation pour le bien commun plutôt que pour des intérêts personnels, et une lutte pour émanciper et restaurer pleinement l’humanité des Algériens, dans la continuité de leur libération de 1962.

Anti-impérialisme et internationalisme

La prévalence de pancartes rejetant l’intervention étrangère et liant la mobilisation actuelle à la lutte anticoloniale du 20ème siècle offre aux observateurs un bon aperçu de la temporalité habitée par le mouvement révolutionnaire algérien.

Contrairement aux cadres d’interprétation aliénants discutés plus haut, qui tentent de forcer le moment actuel dans une temporalité européenne associée aux oppresseurs coloniaux d’hier, les manifestants algériens comprennent leur lutte comme une continuation de la lutte anticoloniale. Plutôt que de voir cette mobilisation comme l’ultime maillon d’une chaîne s’étendant de 1848 à 1968, puis 1989 jusqu’au présent, les Algériens placent fermement leur lutte dans une temporalité subalterne s’étendant des premiers jour de la résistance à l’intrusion coloniale française à l’épopée anticoloniale de 1954-62. Le lancement de slogans pour l’établissement d’une Jumhuriyya Novambariyya (République de Novembre) en référence à la déclaration du 1er Novembre 1954 en est un exemple, parmi de nombreux autres.

Les constantes apparitions du drapeau palestinien aux côtés du drapeau algérien dans l’actuelle mobilisation révolutionnaire sont un autre exemple. Cela n’est pas seulement l’expression d’une solidarité avec les palestiniens dans leur lutte de libération contre le colonialisme, mais aussi d’une réaffirmation et d’une reformulation de la subjectivité algérienne dans les termes de l’anticolonialisme, de l’anti-impérialisme, du panarabisme, de l’internationalisme musulman, de l’afro-asiatisme et du tiers-mondisme, en faisant de ceux-ci une « sociologie appliquée » plutôt que de simples « mythologies » et slogans creux. C’est un déplacement de la spatialité (néo)coloniale adoptée par l’élite politique algérienne et imposée aux Algériens dans le contexte de la décolonisation, vers une spatialité subalterne, plaçant la subjectivité algérienne sur un axe Lima-Tanger-Jakarta plutôt que sur l’axe Washington-Londres-Paris.

La révolte des Algériens est ainsi engagée dans la restructuration de l’ordre temporel et spatial fondant la colonialité de leur présent et reproduisant les conditions de leur colonisabilité. C’est une lutte contre la subjectivité libérale hégémonique promue par le statu quo, qui réduit l’humanité à la citoyenneté au sein d’un état-nation formé et dirigé de l’extérieur, et à la consommation de biens sur le marché mondial. C’est une lutte pour une subjectivité alternative secouant les cicatrices coloniales artificielles (qu’on nomme souvent « frontières »), à la fois physiques et mentales, qui ont entravé l’humanité si longtemps, et pour la construction des conditions d’une véritable émancipation humaine. Les Algériens(nes), pour paraphraser Fanon, ont redécouvert leur mission et ont choisi de la remplir plutôt que de la trahir.   


[1] Behrooz Ghamari-Tabrizi, ‘Foucault in Iran: Islamic Revolution After the Enlightenment,’ Minneapolis: University of Minnesota Press, 2016, p. 2

[2] Alain Badiou, The Rebirth of History: Times of Riots and Uprisings (New York: Verso, 2012), 48, cité dans Ghamari-Tabrizi, op.cit, p. 3

[3] Comme Corinna Mullin, Nada Trigui et Azedeh Shahshahani le notent dans un article à paraitre dans The Monthly Review, « Decolonizing Justice in Tunisia: From Transitional Justice to a People’s Tribunal »

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